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Etre étranger avant d’être isolé : la prise en charge des « mineurs isolés étrangers » à Paris

Vacarme 60 - été 2012

Publié le vendredi 29 juin 2012 , mis à jour le vendredi 29 juin 2012

Source : http://www.vacarme.org

Par Alexandra Vié

Selon le Rapport sur les mineurs isolés en France publié en mai 2010 par Isabelle Debré, sénatrice des Hauts-de-Seine, « est isolée, en France, une personne âgée de moins de 18 ans qui se trouve en dehors de son pays d’origine, sans être accompagnée d’un titulaire ou d’une personne exerçant l’autorité parentale, c’est-à-dire sans quelqu’un pour la protéger et prendre les décisions importantes la concernant. » Ce sont donc aux titres de l’isolement et de la minorité que « les mineurs isolés étrangers » devraient être placés sous la protection de l’Enfance via le Conseil général et les services de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), d’après la loi n°2007-293 du 5 mars 2007.

Bien que responsable de la protection de l’enfance, l’ASE Paris ne cesse d’avancer l’argument budgétaire ou la saturation des services pour limiter le nombre de prises en charge. Or un article de la même loi insiste sur la nécessité de protéger des mineurs « privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d’assurer leur prise en charge ».

retarder l’entrée dans le dispositif de droit commun

Depuis la rentrée 2011, le dispositif d’accueil des MIE est conçu comme une porte d’entrée unique pour la mise à l’abri d’une part, et la prise en charge ASE d’autre part ; nommée Paomie (Plateforme d’Accueil et d’Orientation des MIE), il est situé boulevard de la Villette et géré par l’association France Terre D’Asile (FTDA). La Paomie se charge du « tri » des MIE.

Tout est mis en œuvre pour limiter le nombre de jeunes entrant dans le dispositif, notamment en mettant la minorité en doute. Étranger avant d’être mineur, on est forcement suspect de fraude ! Les jeunes qui se présentent à la Paomie sont convoqués d’un mois sur l’autre pour passer une première évaluation, essentiellement fondée sur l’apparence physique : taille, corpulence, voix, pilosité du visage. En attendant, on leur propose comme seule lecture un guide touristique de Paris et ils continuent à dormir dehors, à l’exception des 25 « chanceux » qui iront dans un centre d’accueil de jour pour SDF, transformé la nuit en centre de mise à l’abri d’urgence pour mineurs. Depuis peu, vu l’état d’insalubrité du centre, beaucoup préfèrent encore dormir dehors.

À l’issue de la première évaluation, le jeune peut intégrer le nouveau dispositif de mise à l’abri et être placé en hôtel ou foyer provisoire, gérés par FTDA ou la Croix Rouge Française. Ce placement de plusieurs mois ne se solde pas obligatoirement par une prise en charge ASE. Par la suite on procédera à une seconde évaluation, qui donnera lieu à un signalement du jeune, puis à une troisième évaluation, faite par l’ASE-SEMNA (Service Éducatif des Mineurs Non Accompagnés). Si la minorité n’est pas contestée, le jeune est admis à l’ASE (ces cas prévalent pour les 14-15 ans) ; si elle est contestée, le Parquet ordonne une expertise médico-légale et/ou une expertise des documents d’identité. L’épreuve éliminatoire du test osseux, pratiquée dans la majorité des cas, est censée définir l’âge du jeune. C’est un examen physique (prise de mensurations, relevé de l’évolution de la puberté, du développement de la dentition), accompagné de radiographies du poignet, du coude ou de la hanche. Aucun test psychologique. Si l’épreuve est passée avec succès, autant dire rarement car la marge d’erreur d’environ 18 mois tend à produire des majeurs, le jeune déclaré mineur sera redirigé vers le Parquet pour un placement. Dans le cas contraire : mise à la rue dans les jours qui suivent, période de grand froid ou pas.

devenir majeur, devenir sans-papiers

La scolarité étant obligatoire jusqu’à 16 ans, on proposera une formation au rabais dans une association, sans aucun lien avec les réseaux aidant les jeunes sans-papiers, ce qui assure une sortie express du dispositif à 18 ans. Les plus chanceux intègreront un CAP à l’Éducation nationale. À l’approche des 18 ans, l’enjeu devient l’obtention d’un « Contrat Jeune Majeur », signé entre le jeune et l’ASE, prolongeant sa prise en charge jusqu’à 21 ans. En théorie, ce contrat correspond à un soutien financier, qui peut être assorti d’un hébergement, d’un soutien juridique et d’un soutien éducatif dans le but de permettre, à terme, l’autonomie. Ce contrat joue un rôle déterminant pour obtenir un titre de séjour, le Conseil d’État estimant qu’il constitue une garantie d’insertion en France. Si le jeune sort de l’ASE sans Contrat Jeune Majeur ou sans renouvellement (de 6 mois en 6 mois), il se retrouve sans hébergement ni prise en charge financière ou médicale, sa formation scolaire inachevée, majeur et sans papiers. L’obtention d’un récépissé de trois mois (ne donnant pas encore le droit de travailler) en vue d’un titre de séjour d’un an (vie privée et familiale) est alors difficile voire impossible.

Alexandra Vié, étudiante en master 2 Recherche sociologie : « Les Enfants des rues » à l’Institut des Hautes Études d’Amérique latine/Paris Sorbonne Nouvelle.

Elle accompagne et suit des mineurs isolés depuis juin 2010.