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Les jeunes reconnus ni mineurs ni majeurs

Publié le mardi 1er avril 2014 , mis à jour le lundi 25 mai 2015

- Certains jeunes sont exclus des dispositifs de protection de l’enfance en danger car considérés comme majeurs sans que leur minorité n’ait pourtant été formellement contestée ni leur majorité formellement avérée.
Dans de telles circonstances, ces jeunes, considérés comme majeurs par les services départementaux de protection de l’enfance continueront à être considérés comme mineurs lors d’autres démarches de leur vie civile.


LES SITUATIONS DANS LESQUELLES DES JEUNES NE SONT PLEINEMENT RECONNUS NI COMME MINEURS NI COMME MAJEURS

- Jeunes dépourvus de documents d’état civil se déclarant mineurs mais que les services de la protection de l’enfance considèrent comme majeurs à la suite d’examens médico-légaux.

- Jeunes en possession de documents d’état civil les présentant comme mineurs mais considérés comme majeurs par les services de protection de l’enfance à la suite de la contestation de l’authenticité de leurs documents d’état civil sans que soit formellement avérée sa minorité.
EN EFFET établir qu’un document d’état civil n’est pas authentique ne préjuge en rien de l’âge de celui qui le possède.
EN CONSÉQUENCE le jeune doit continuer de bénéficier du principe de présomption de minorité.

Voir à ce sujet : Cour d’appel de Lyon, 6 novembre 2013, RG n° 13/01698 qui s’est déclarée incompétente pour juger d’une affaire pour "faux et usage de faux" à l’encontre d’un jeune dont il avait été établi que le document d’état civil présenté n’était pas authentique. Le juge a considéré que le document était certes faux mais la majorité de l’individu n’ayant pas pour autant été prouvé, ce dernier restait présumé mineur. En conséquence, en l’absence de preuve de la majorité de l’individu, cette affaire doit être présenté au juge des enfants et non au juge correctionnel.

- Jeunes en possession de documents d’état civil les présentant comme mineurs et déclarés authentiques mais dont les services de la protection de l’enfance contestent les conditions de délivrance (ils considèrent que le document présenté n’appartient pas au jeune qui le présente) et en concluent que les jeunes sont majeurs.
EN CONSÉQUENCE le jeune doit continuer de bénéficier du principe de présomption de minorité.

- Jeunes en possession de documents d’état civil les présentant comme mineurs mais considérés comme majeurs par les services de protection de l’enfance à la suite d’examens médico-légaux sans qu’ait été contestée l’authenticité de leurs documents d’état civil
OR l’authenticité des documents d’état civil n’ayant pas été contestée, ils continuent à faire foi (Cf. Les documents d’état civil)
DONC : sur la foi de ces documents, le jeune sera considéré comme mineur dans l’ensemble de ses autres démarches.

- Jeune considéré comme majeur par le juge des enfants mais dont la minorité est reconnu par le juge administratif (situation de contradiction entre les deux ordres juridiques)
Voir à ce sujet : Contradiction entre l’arrêt de la CAA de Paris n°13PA02365 en date du 18 février 2014 qui annule une OQTF (Obligation de quitter le territoire français) prononcé contre un étranger en l’absence de preuve de sa majorité et l’arrêt de la CA de Paris n° 13/06209 en date du 10 septembre 2013 qui déclarait que cette même personne était majeure
DONC : le jeune en question est mineur pour l’ordre administratif mais le juge des enfants le considérant quant à lui comme majeur, il a été exclu des dispositifs de protection de l’enfance en danger.

DONC : Dans de telles circonstances, le jeune se trouve dans une situation d’« entre-deux » entre minorité et majorité, qui le place dans un flou juridique.


CONSÉQUENCES POUR LE JEUNE

- Considéré comme majeur par les services de la protection de l’enfance en danger, le jeune est exclu des dispositifs de protection mis en place dans ce cadre MAIS les documents d’état civil le présentant comme mineur entraînent son incapacité juridique et donc l’impossibilité de contester la décision qui le déclare majeur.

- Considéré comme majeur par les services de la protection de l’enfance en danger, le jeune est exclu des dispositifs de protection mis en place dans ce cadre MAIS se présentant comme mineur (propos parfois étayés par la présentation de ses documents d’état civil), le 115 refuse de l’accueillir (le 115 ne peut accueillir que des personnes majeures). DONC : Aucun dispositif d’hébergement d’urgence n’est accessible au jeune. EN CONSÉQUENCE : Le jeune est laissé à la rue.

À Noter : l’hébergement d’urgence est un droit fondamental dont la méconnaissance ouvre la possibilité d’exercer un référé sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative (Voir Ordonnance de référé du Conseil d’Etat en date du 10 février 2012, n° 356456).
MAIS : l’incapacité juridique du jeune se présentant comme mineur peut ici encore faire obstacle à l’exercice de cette procédure dans la mesure où personne n’est désigné pour le représenter légalement.


TOUTEFOIS : le Conseil d’Etat a récemment énoncé qu’un mineur « peut cependant être recevable à saisir le juge des référés, lorsque des circonstances particulières justifient que, eu égard à son office, ce dernier ordonne une mesure urgente sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ; que tel est notamment le cas lorsque, comme en l’espèce, le mineur étranger isolé sollicite un hébergement d’urgence qui lui est refusé par le département, auquel le juge judiciaire l’a confié » (CE, 12 mars 2014, n°375956)


SOLUTIONS ENVISAGEABLES

Cf. Articles Saisine des autorités judiciaires et du Défenseur des droits et Recours judiciaires


COMMENT UN MINEUR NON RECONNU COMME TEL PEUT-IL SUBVENIR À SES BESOINS DE BASE ?

Pages 13 et 14 du Guide AutonoMIE publié en septembre 2013 disponible ici :


- L’HÉBERGEMENT, PREMIÈRE DIFFICULTÉ
Les jeunes majeur•e•s peuvent obtenir un hébergement d’urgence même sans aucun document d’identité (voir fiche VIII « L’arrivée à la majorité »), mais aucune structure d’hébergement d’urgence n’est habilitée à accueillir des mineur•e•s hormis celles gérées par l’aide sociale à l’enfance dont la mission est prévue par le CASF. Les jeunes rejeté•e•s des dispositifs de prise en charge institutionnels sont donc soit en situation de rue, soit dépendant•e•s de réseaux – passeurs, marchands de sommeil, solidarités de quartier ou compatriotes – pour trouver un toit. Il est possible pour un•e particulier•e de les héberger de façon temporaire ; il est en principe nécessaire pour cela d’obtenir une autorisation écrite des titulaires de l’autorité parentale, mais cela est généralement impossible dans le cas des MIE. Il n’existe donc pas de solution légale à la situation de rue des mineur•e•s non pris•e•s en charge par les services de l’ASE.

L’accueil de jour dispensé par certaines structures municipales ou associatives, notamment d’éducation spécialisée, permet de se reposer et, selon les équipements dispensés, de prendre une douche ou de laver ses vêtements. Ces associations ancrées dans le travail social local peuvent orienter les jeunes vers les dispositifs de l’ASE et vers des aides adaptées à leur situation. Elles leur offriront en outre des repères, et leur permettront de prendre leurs marques à l’échelle du quartier.

ATTENTION ! Les jeunes peuvent être contraint•e•s de rester en situation de rue quelque temps. Il est alors recommandé de ne pas rester seul pour des raisons évidentes et de s’organiser à plusieurs.

- MANGER, SE LAVER, SE VÊTIR
Les réseaux d’entraide, communautaires ou autres, constituent le principal recours pour les jeunes éconduit•e•s ; il peut s’agir de réseaux de compatriotes, par exemple au sein de foyers de travailleurs/ses migrant•e•s. Quand ils/elles sont dépourvu•e•s de ces ressources, le seul recours est de solliciter les associations solidaires locales (soupes populaires, etc.). Il en va de même pour l’hygiène et les vêtements. Il est nécessaire de les y orienter rapidement et de faire le lien avec les bénévoles si besoin.

ATTENTION ! Certaines associations distribuant des repas gratuits ou donnant accès à des douches n’acceptent que les personnes majeures, il est donc également utile de se renseigner préalablement sur le public accueilli.

- SE SOIGNER (Cf. Article Accès des mineurs isolés étrangers aux soins)
Les mineur•e•s pris•e•s à l’ASE bénéficient du doit à la CMU. Les mineur•e•s non pris•e•s en charge par l’ASE ont uniquement droit à l’Aide médicale d’État (AME). Ils/elles peuvent la demander en se rendant dans la CPAM de leur lieu de résidence […]

Avant de demander l’ouverture de leurs droits, ou en attendant leur ouverture effective, les mineur•e•s peuvent se rendre dans les PASS (permanences d’accès aux soins). Ces structures, dont le rôle est défini par l’article L.6112-6 du Code de la santé publique, sont présentes dans ou à proximité des hôpitaux de la majorité des grandes villes. Les jeunes y ont un accès gratuit aux soins ; les professionnel•le•s qui les reçoivent ont également pour mission de faire le lien avec les dispositifs publics ou associatifs d’aide sociale. La liste des PASS est consultable dans le guide du COMEDE, consultable en ligne.

En cas de nécessité absolue, le Fonds pour les soins urgents et vitaux (FSUV) peut être mobilisé pour financer des soins dispensés en urgence par un hôpital public pour les personnes qui ne bénéficient pas de l’AME. La circulaire du 16 mars 2005 prévoit explicitement sa mobilisation dans le cas des mineur•e•s. Il doit être débloqué à la demande des professionnel•le•s de santé de l’hôpital auprès de la CPAM. Dans le cas où un•e jeune aurait un grave problème de santé impliquant des soins urgents, il importe donc d’avertir les professionnel•le•s de santé de sa situation, afin qu’ils/elles se mettent en lien avec les services sociaux de l’hôpital et effectuent la démarche.

ATTENTION ! ce dispositif ne peut cependant pas se substituer à une réelle couverture sociale, condition d’un suivi médical dans la durée.


Pour aller plus loin