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Mineurs isolés étrangers : l’urgence d’une rallonge financière pour l’accueil

Publié le lundi 1er septembre 2014 , mis à jour le mercredi 9 décembre 2015

Source : http://www.gazette-sante-social.fr/

Auteur : Sophie LE GALL

La réorganisation de l’accueil des mineurs isolés étrangers (MIE), mise en place en mai 2013, fonctionne. Mais la sous-estimation du flux - 4000 MIE au lieu des 1500 estimés - met en péril son financement.

Les informations qui fuitent du rapport des inspections générales chargées d’évaluer le « dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés étrangers », actuellement entre les mains du ministère de la Justice, sont, sur le fond du problème, positives : la prise en charge est bien assurée.
Le dispositif, qui repose sur un protocole d’accord signé entre le ministère de la Justice et l’Assemblée des départements de France (ADF) le 31 mai 2013, a introduit deux mesures clés :

l’État finance le coût de l’évaluation de la minorité (à hauteur de 250 euros par jeune pendant cinq jours) ;
les personnes déclarées « mineurs isolés étrangers » (MIE) sont réparties sur l’ensemble du territoire afin de soulager les conseils généraux très fortement sollicités, comme la Seine-Saint-Denis, les Bouches-du-Rhône ou Paris.

Crédits épuisés

Pourtant, cette première année de fonctionnement – du 1er juin 2013 au 31 mai 2014 – a rencontré divers obstacles. Une douzaine de départements, la Mayenne en tête, avec les prises de parole de celui qui en a été président jusqu’en juin, Jean Arthuis, ont fait savoir leur désaccord tout en accueillant des MIE.

Lire sur LaGazette.fr : La fronde contre l’accueil des mineurs isolés étrangers se poursuit au Sénat

Beaucoup plus handicapant : le dispositif est basé sur un flux d’intégration largement sous-estimé. Ce n’est pas 1 500 MIE que les départements doivent prendre en charge, en moyenne, chaque année… mais plus de 4 000, soit environ 10 % du public de l’aide sociale à l’enfance. Un différentiel, source de lourdes inquiétudes sur le financement.


Source : Rapport d’activité du dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés étrangers

En ce début septembre, l’enveloppe de l’État dédiée au financement de l’évaluation – 8,5 millions d’euros par an – est quasi vide et les départements, déjà écrasés sous le poids de la hausse des dépenses sociales, peinent à faire face à l’accueil des MIE. En découvrant l’ampleur du phénomène à l’échelle nationale, ils avaient demandé que l’évaluation du protocole, dont on attend les conclusions, démarre au plus vite.

Réunion décisive

Cet enjeu budgétaire sera au cœur de la réunion du comité national de suivi (1) prévue le 18 septembre.

« Le temps presse, si l’on veut que cette charge soit inscrite au projet de loi de finances pour 2015 », alerte Jean-Pierre Hardy, directeur délégué aux solidarités et au développement social de l’ADF. Jean-Louis Tourenne, président (PS) de l’Ille-et-Vilaine, et représentant de l’ADF au sein du comité, se montre confiant : « Avec le protocole, l’Etat s’est engagé et va poursuivre sur cette voie. » Néanmoins, il souhaite qu’une loi sanctuarise l’accord qui lie l’ADF et le ministère de la Justice.

« Le protocole a donné un cadre de référence à l’accueil des MIE. Aujourd’hui, il convient de le consolider », renchérit Stéphane Troussel, président (PS) de la Seine-Saint-Denis. En outre, il espère que la problématique des MIE sera, à l’avenir, partagée par davantage de ministères « afin de penser l’ensemble de leur parcours ».

Variable d’ajustement

Pierre Henry, directeur général de France Terre d’asile, association mandatée pour accueillir des jeunes migrants, ne partage pas, loin de là, cet optimisme : « Le désengagement de l’État sur les questions sociales n’a jamais été aussi fort. Et il est très tentant de faire de la question des MIE une variable d’ajustement en s’en débarrassant », estime-t-il. Par ailleurs, il remet en cause l’engagement des collectivités. Selon lui, « pour ne pas se retrouver débordés, certains départements se sont fixé un seuil non officiel qu’ils font en sorte de ne pas dépasser lorsqu’ils procèdent aux évaluations des situations ».

Disparités territoriales

Au-delà de l’aspect financier, l’accueil des MIE semble encore perfectible. Dans le rapport d’activité du dispositif national, publié début août, la mission « MIE », cellule d’appui installée au sein de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, pointe diverses faiblesses.
Il est question de pratiques professionnelles, notamment dans la détermination de la minorité, fortement divergentes d’un conseil général à l’autre et, logiquement, de proposition de formation. « Un jeune peut être déclaré majeur dans un département et se présenter dans un autre où il sera accepté comme MIE », déclare Marc Brzégowy, chef de projet de la mission.

« Cette première année a permis de mettre en lumière que de nombreux majeurs tentent d’entrer dans le dispositif. Plus de la moitié d’entre eux se présentent comme MIE », est-il précisé dans le rapport. « Sur ce point, on peut se demander si le ministère de l’Intérieur fait suffisamment son travail aux frontières », commente Marc Brzégowy.
Par ailleurs, il constate un effet pervers de la clarification de l’organisation : « Les filières déposent les jeunes précisément là où il y a des places libres. » Malgré ces critiques, la mission réaffirme que la charge des MIE revient bien aux départements.

FOCUS : « La sous-évaluation est une faute des départements »

Jean-Louis Tourenne, président du conseil général de l’Ille-et-Vilaine, représentant de l’ADF au sein du comité national de suivi des MIE

Quel bilan faites-vous, pour votre département et à l’échelle nationale, de cette première année d’activité du dispositif national de mise à l’abri ?
On a gagné en sérénité. Avant la mise en place du dispositif, l’Ille-et-Vilaine était submergé par le flux d’arrivées de jeunes isolés. Au début des années 2000, nous en accueillions moins d’une dizaine, en 2011, nous en étions à 455 ! Où allions-nous ? La situation était intenable, pour les professionnels comme pour les structures, et nous empêchait de prendre en charge de jeunes Brétiliens qui avaient pourtant besoin d’une mesure de placement. Actuellement, nous comptons 160 arrivées spontanées de jeunes sur une année, dont une soixantaine reconnus comme « mineurs isolés étrangers » (pour un effectif cible de 67), soit la même proportion qu’avant la réforme. Notre cas démontre que le protocole, qui fait jouer la solidarité entre départements, a fonctionné. Et ce, malgré les oppositions exprimées, qui sont plus idéologiques que basées sur de réelles difficultés.

Aujourd’hui, quelles sont vos attentes ?
La situation a déjà beaucoup évolué : en acceptant de financer la période d’évaluation (de cinq jours, à hauteur de 250 euros par jour et par jeune), l’Etat a reconnu sa part de responsabilité. Il faut aller plus loin, notamment avec une proposition de loi qui viendrait formaliser, consolider, le rôle de chacun et l’engagement de l’Etat. Le système actuel comporte des failles juridiques dont peuvent se servir les opposants. Pour avancer dans cette consolidation, je ne doute pas que l’Etat sera aux côtés des départements.

Comment se déroule la phase d’évaluation de la minorité ?
Grâce à une collaboration renforcée entre le ministère de la Justice et la police des frontières, notamment sur la vérification des papiers, cette phase a gagné en efficacité. En se basant sur une méthode d’entretien éprouvée et sans avoir recours aux tests osseux, le conseil général parvient à prendre une décision en cinq jours, alors qu’auparavant l’évaluation pouvait durer plusieurs mois. A l’issue de cette longue instruction, il fallait se séparer des jeunes déclarés majeurs alors que des liens avaient été noués.

L’écart entre le nombre estimé de MIE, 1 500, et la réalité, environ 4 000, est-il un obstacle ?
Cette sous-évaluation a failli mettre en péril la réussite du protocole. Je ne crains pas de dire qu’il s’agit d’une faute des départements qui n’ont pas fait remonter les informations nécessaires. Le ministère de la Justice n’avait pas les moyens de quantifier le phénomène et était face à une « nébuleuse ». Aujourd’hui, ce contingent de 4 000 est tenable. S’il devait augmenter, je ne doute pas, là non plus, que l’Etat nous épaulera..

Voir en ligne : http://www.gazette-sante-social.fr/...


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