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Avis sur la situation des mineurs isolés étrangers présents sur le territoire national. Etat des lieux un an après la circulaire du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers (dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation) - 26 juin 2014

Publié le jeudi 26 juin 2014 , mis à jour le mardi 15 mars 2016
Avis sur la situation des mineurs isolés étrangers présents sur le territoire national. Etat des lieux un an après la circulaire du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers (dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation) - 26 juin 2014.
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PLAN DE L’AVIS :

I. Garantir le droit pour le jeune isolé étranger à un établissement loyal de sa minorité
A. Mettre fin aux pratiques actuelles d’évaluation de l’âge
- L’absence d’examen physique scientifiquement fiable de détermination de l’âge
- Les interrogations sur les pouvoirs du ministère public d’ordonner une expertise médico-légale
- L’absence de recueil du consentement du jeune ou de son représentant légal avant tout acte médical
destiné à l’évaluation de l’âge
B. Définir une nouvelle méthode rigoureuse d’évaluation de l’âge

II. Garantir au jeune isolé étranger des droits procéduraux, au premier rang desquels le droit d’accès au juge
- Garantir le droit du jeune isolé étranger à être entendu et à être informé de ses droits
- Interdire le dépassement du délai légal de 5 jours de recueil provisoire d’urgence sans saisine du juge des enfants
- Garantir la justiciabilité des décisions de refus de prise en charge par l’ASE
- Garantir la présomption de danger au profit de tout jeune isolé étranger
- Garantir au mineur isolé étranger l’accès direct et effectif au juge des enfants à l’issue du recueil provisoire d’urgence
- Prévoir l’intervention complémentaire du juge aux affaires familiales

III. Garantir à tout mineur isolé étranger des conditions matérielles d’existence adaptées

IV. Garantir le droit à l’éducation des mineurs isolés étrangers

V. Garantir la protection des mineurs contre la traite, l’exploitation, les violences et les maltraitances

VI. Garantir aux mineurs isolés étrangers le droit à la santé et l’accès effectif à une couverture sociale

SYNTHÈSE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS :

- Recommandation n° 1 : La CNCDH recommande, à l’égard de ceux qui se revendiquent mineurs, que le principe soit celui de la présomption de minorité, elle-même fondée sur deux présomptions : celle d’authenticité des documents produits et celle de légitimité de leur détenteur. Néanmoins, ces présomptions étant simples, une décision de justice spécialement motivée peut conclure à la majorité du jeune au vu d’un faisceau d’expertises psychologiques et d’évaluations sociales et éducatives. Le mineur ou son représentant légal doit en outre avoir la possibilité d’accéder au contenu du dossier d’évaluation et de demander une contre-expertise ou une nouvelle évaluation de l’âge.

- Recommandation n° 2 : La CNCDH recommande qu’il soit mis fin à la pratique actuelle consistant à ordonner des expertises médico-légales de détermination de l’âge reposant sur des examens physiques du jeune isolé étranger. L’évaluation de l’âge à partir d’un examen osseux, des parties génitales, du système pileux et/ou de la dentition doit être interdite.

- Recommandation n° 3 : La CNCDH recommande aux autorités françaises d’accomplir loyalement toutes les diligences et démarches nécessaires pour récupérer les éléments de l’état civil du jeune isolé étranger auprès des autorités de son Etat d’origine (consulat, etc.).

- Recommandation n° 4 : La CNCDH recommande que l’expertise relative à détermination de l’âge :

  • soit réalisée, de manière pluridisciplinaire, par des professionnels expérimentés, spécialement formés, indépendants, impartiaux et sans préjugés sur la personne du jeune ;
  • prenne en compte les facteurs psychologiques, environnementaux, culturels et de développement de l’enfant, ainsi que son parcours éducatif et, plus généralement, ses situations personnelle et sociale.

Pour la CNCDH, un délai raisonnable doit être consacré à l’évaluation de l’âge, qui ne peut en aucun cas être réalisée dans la précipitation. Le délai de 5 jours prévu par le code de l’action sociale et des familles pour le recueil provisoire d’urgence est destiné à la protection des enfants et non à la détermination de l’âge. En pratique, une telle durée s’avère, dans la majorité des situations, insuffisante pour une évaluation rigoureuse de l’âge et des besoins du mineur permettant une prise en charge appropriée.

- Recommandation n° 5 : La CNCDH recommande que tout jeune isolé étranger soit informé de l’intégralité de ses droits dès son premier contact avec les services chargés du recueil provisoire d’urgence, cette information devant donner lieu à la remise d’un document rédigé dans sa langue maternelle, ou à défaut, dans une langue qu’il comprend. Ce document devrait en outre lui être expliqué, l’assistance d’un interprète étant de droit.

- Recommandation n° 6 : La CNCDH recommande que tout jeune isolé étranger soit mis en mesure d’exprimer son opinion avant toute décision le concernant, qu’elle soit administrative ou judiciaire. Ce droit à être entendu fonde bien évidemment le droit fondamental d’être obligatoirement assisté par un interprète et par un avocat spécialement formé.

- Recommandation n° 7 : La CNCDH recommande, s’agissant du recueil provisoire d’urgence, le strict respect du délai légal de 5 jours fixé à l’article L. 223-2 du CASF, étant précisé que son dépassement pose la question du statut du mineur et de la responsabilité juridique y afférents. Pour la CNCDH, un recueil provisoire d’urgence excédant 5 jours non seulement est entaché d’illégalité, mais encore viole le droit du mineur à un accès concret et effectif à une juridiction, dès lors qu’il a pour conséquence désastreuse de maintenir des mineurs au sein de structures associatives, dépendant ou non de l’ASE, en l’absence de saisine et de contrôle de l’autorité judiciaire.

- Recommandation n° 8 : La CNCDH recommande de généraliser la désignation d’un administrateur ad hoc qui se verrait confier une mission de représentation, d’assistance juridique et d’information pour tous les mineurs mis dans l’incapacité de faire valoir et d’exercer leurs droits, du fait de l’absence ou de l’éloignement de leurs représentants légaux. Cet administrateur ad hoc devrait être obligatoirement et immédiatement désigné par le procureur de la République pour tout jeune isolé étranger entrant en contact avec les autorités françaises avant ou au moment du recueil provisoire d’urgence (ASE ou le prestataire de celle-ci). Cela permettrait au MIE d’être parfaitement informé de ses droits et ainsi d’être mis en mesure de saisir le juge aux affaires familiales (compétent pour les tutelles relatives aux mineurs), le juge administratif, ou encore le juge des enfants, même dans l’éventualité où il ne possèderait aucun discernement pour exercer lui-même cette dernière prérogative. La mission de l’administrateur ad hoc se poursuivrait jusqu’à ce que la situation du jeune soit fixée par une décision définitive du juge administratif ou judiciaire.

- Recommandation n° 9 : La CNCDH recommande que les personnes amenées à exercer la fonction d’administrateur ad hoc bénéficient en amont d’une formation solide intégrant les spécificités des problématiques afférentes aux droits des MIE. Pour éviter tout conflit d’intérêt, les personnes recrutées ne doivent en aucun cas dépendre directement ou indirectement de l’ASE. La CNCDH ne peut qu’encourager les pouvoirs publics à prévoir des financements en vue de leur recrutement.

- Recommandation n° 10 : La CNCDH recommande aux pouvoirs publics une extrême vigilance s’agissant des décisions de refus de prise en charge dans le cadre du recueil provisoire d’urgence. Ces décisions administratives individuelles, qui doivent être motivées et notifiées par écrit, relèvent de la compétence du seul président du Conseil général. Aussi, la CNCDH entend-elle rappeler que l’intervention du secteur associatif en matière de recueil provisoire d’urgence ne doit pas de facto aboutir à transférer à une personne morale de droit privé le pouvoir de décision propre du président du Conseil général. Par ailleurs, les jeunes isolés étrangers devraient tous, sans distinction, être recevables à former un recours, représentés par un administrateur ad hoc, devant une juridiction administrative pour contester la légalité d’un refus de prise en charge.

- Recommandation n° 11 : La CNCDH recommande à ces mêmes pouvoirs publics de considérer que le fait pour un mineur d’être isolé et étranger emporte une présomption de danger, qui fonde, à son tour, le droit d’accéder à la protection du juge des enfants. Les formations initiale et continue des magistrats doivent prévoir des modules consacrés à la spécificité des problématiques afférentes aux MIE.

- Recommandation n° 12 : La CNCDH recommande le strict respect des dispositions de l’article 1184 du code de procédure civile imposant au juge des enfants de convoquer les parties dans un délai de 15 jours après saisine du parquet consécutive à une ordonnance de placement provisoire.

- Recommandation n° 13 : La CNCDH recommande, s’agissant de la détermination du lieu de prise en charge,
de tenir compte de l’intérêt supérieur du mineur, ce qui nécessite une bonne connaissance de sa situationpersonnelle (âge, origine, parcours d’exil, existence de liens familiaux, projet de vie, etc.). En raison des pouvoirs d’investigation dont il dispose, le juge des enfants est, pour la CNCDH, le magistrat le mieux à même de déterminer le lieu du placement et l’accompagnement éducatif le plus approprié. Rien n’empêche néanmoins le procureur de la République d’inviter le juge des enfants, dans le cadre du pouvoir souverain de ce dernier, à être attentif aux contraintes liées à l’inégale répartition des MIE sur le territoire national.

- Recommandation n° 14 : La CNCDH recommande de considérer la mesure d’assistance éducative comme le préalable à la mise en place d’une tutelle en ce qu’elle permettra d’apprécier la nécessité et l’opportunité d’une mesure de protection complète et durable. Des dispositifs de coordination entre juge des enfants, juge aux affaires familiales et parquet devront être définis et mis en pratique pour éviter toute rupture dans la prise en charge et assurer ainsi un meilleur respect des droits des MIE.

- Recommandation n° 15 : La CNCDH recommande instamment aux pouvoirs publics de garantir aux jeunes isolés étrangers un hébergement, ainsi qu’un accompagnement et un suivi de qualité dispensés par du personnel formé aux spécificités des problématiques afférentes aux MIE. Une réflexion portant sur une éventuelle extension de la participation financière de l’Etat doit être impérativement engagée dans les plus brefs délais, étant précisé que les financements actuels arriveront à échéance en 2015. A cet effet, il conviendrait d’envisager la création d’un fonds spécifique abondé par les départements ministériels concernés (principalement : justice, affaires sociales, affaires étrangères, intérieur). Seule une politique ambitieuse relative à l’accueil de ces jeunes sera de nature à leur garantir un accès à leurs droits et un exercice effectif de ceux-ci, au premier rang desquels le droit fondamental d’asile.

- Recommandation n° 16 : En raison du rôle considérable joué par le secteur associatif dans le premier accueil, l’orientation, l’accompagnement et la prise en charge des jeunes isolés étrangers, la CNCDH recommande aux pouvoirs publics de définir une politique ambitieuse en vue de soutenir et promouvoir le savoir-faire associatif.

- Recommandation n° 17 : La CNCDH recommande que le suivi et l’accompagnement débutent dès la phase du recueil provisoire d’urgence, le délai de 5 jours devant impérativement être mis à profit pour établir un premier bilan socio-éducatif et médical afin de déterminer les besoins spécifiques du jeune isolé étranger.

- Recommandation n° 18 : La CNCDH recommande aux pouvoirs publics de mettre fin aux difficultés pratiques entravant l’accès des MIE à la scolarité, à une formation ou à un apprentissage. Elle rappelle également que tous les MIE doivent se voir garantir un accès effectif aux cursus de formation de droit commun et non simplement à une éducation au rabais.

- Recommandation n° 19 : La CNCDH recommande de n’apporter aucune restriction à l’accès des MIE aux soins médicaux, de quelque nature qu’ils soient. A cet égard, il est indispensable de renforcer et d’améliorer l’accès des MIE à laprévention et d’assurer la continuité des soins.

- Recommandation n° 20 : La CNCDH recommande, pour garantir l’effectivité de la protection de la santé, que tous les MIE, sans distinction, puissent être affiliés au régime général de l’assurance maladie et bénéficier de la couverture maladie universelle complémentaire. Ils doivent également être informés de l’accès à l’ensemble de ces droits. Elle recommande également la simplification des démarches administratives : l’accès à la domiciliation des MIE doit être pleinement garanti. Il convient également de rappeler que le principe déclaratif de l’adresse doit être respecté et que la validité des documents d’identité présentés ne doit pas être remise en cause en dehors de la procédure prévue à l’article 47 du code civil.

- Recommandation n° 21 : La CNCDH recommande l’interdiction de toute privation de liberté pour les MIE, sauf en cas de suspicion de commission d’infractions pénales graves. De plus, les MIE ne doivent en aucun cas être placés en rétention administrative.

- Recommandation n° 22 : S’agissant des MIE qui sont victimes, avérées ou potentielles, de traite ou d’exploitation, la CNCDH recommande de :

  • définir une politique pénale en la matière, en insistant sur son caractère prioritaire, et de former les magistrats du parquet et du siège en conséquence ;
    -* former les professionnels de l’ASE et de la Protection judiciaire de la Jeunesse (PJJ) aux spécificités de leur prise en charge ;
  • adapter les mesures de protection au profil et aux besoins des mineurs concernés (AEMO, scolarisation, formation professionnelle, accueil en foyer, etc.) ;
  • créer un dispositif interdépartemental ayant pour mission d’aider les professionnels impliqués à établir
    l’identité des mineurs concernés et à retrouver leurs familles à l’étranger ;
  • veiller à ce que la mise à l’abri temporaire des mineurs concernés dans des structures d’urgence soit suivie de leur prise en charge effective par l’Aide sociale à l’enfance ;
  • créer des structures adaptées et encadrées par des professionnels spécifiquement formés.

- Recommandation n° 23 : La CNCDH recommande la définition et la mise en œuvre d’une politique d’envergure pour l’hexagone et les outre-mer. Dans ces conditions, les recommandations définies dans le présent avis valent également pour le Département de Mayotte, qui connaît des dysfonctionnements systémiques en matière d’accueil et de prise en charge des MIE.

Voir l’avis dans son intégralité en version PDF ci-dessous :

Avis CNCDH - 26 juin 2014

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