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Rencontres & Témoignages

Publié le lundi 21 mars 2016 , mis à jour le lundi 21 mars 2016

Source : http://festival-migrason.com

« Ludivine (31 ans, bénévole collectif MIE)

Comment expliquerais-tu aux différents publics le « statut » de MIE ?
Ce sont des adolescents qui arrivent en France sans famille, seuls. Ils arrivent ici pour diverses raisons : soit ils sont orphelins, soit ils fuient les zones de conflits, la misère économique ou pour causes de conflits divers. Certains ont subi des violences familiales pendant plusieurs années avent de fuir.

Pourquoi a tu rejoins le collectif ? Depuis quand ?
J’ai rejoint le collectif MIE depuis septembre 2015. Je connaissais personnellement un MIE. Pour moi, le premier combat à mener dans la vie est l’accès à l’éducation, car l’éducation permet de s’émanciper et de s’élever. L’éducation conduit à l’autonomie et permet d’aller vers la paix.

Comment fonctionne ELIN ?
ELIN est un lieu de mise à l’abri pour les MIE sortis de la prise en charge ASE. Ces jeunes sont de passage ici et n’ont plus rien, ELIN leur offre un espace où respirer un peu. C’est un lieu porté par une association nantaise (l’AJS).

Pourquoi des squats sont-ils nécessaires à l’hébergement des jeunes ?
Parce que leur statut ne leur offre aucune solution d’hébergement. Le 115 ne prend en charge que les majeurs et ces jeunes sont mineurs, ils n’ont pas de moyen de présenter de documents de majorité. Le 115 a même refusé de répondre à la mesure exceptionnelle des avocats qui lui demandait de les héberger. Alors, si les squats n’étaient pas là, ces jeunes erreraient seuls et seraient à la rue.

Y a-t-il des fluctuations importantes dans le nombre de jeunes suivis par les associations ?
Le nombre de jeunes est fluctuant, mais le nombre de places en ASE n’évolue pas suffisamment par rapport aux besoins réels, dans le département. Ils ne sont pas réellement pris en charge, mais se retrouvent simplement mis à l’abri (nourriture, hôtel, tickets transport), de toute façon, les solutions proposées sont là encore précaires (même pris en charge, beaucoup de MIE se retrouvent seuls en hôtels) et prennent fin le jour des 18 ans. Les squats sont surchargés, à Nantes comme ailleurs.

Quels sont les rapports avec les pouvoirs publics ?
Les rapports varient d’un service à l’autre. Concernant la police, il y a des contrôles fréquents envers les jeunes et des fouilles régulières effectuées par la BAC. Le pire qui puisse arriver à ces jeunes est de se retrouver emmené au CRA (centre de rétention administrative) de Rennes.

Quelle solution te semblerait acceptable pour l’avenir des jeunes ?
Il faudrait qu’ils puissent être pris en charge et mis sous tutelle. Cela leur permettrait d’avoir un réel suivi socio-éducatif. Le conseil général devrait aussi élargir le budget alloué à l’ASE. Aujourd’hui, des jeunes sont évalués comme étant en danger dans leur famille, mais l’ASE manque de moyens. Une délégation d’associations (5 militants+2 MIE) a rencontré le responsable Loire-Atlantique de l’ASE ainsi que la responsable des familles et ils nous ont expliqué que la situation était très compliquée.

Si on laisse ces jeunes de côté, ils vivent dans la précarité. Ces jeunes sont l’avenir du monde… Que va devenir notre société plus tard si on les laisse dans cette situation précaire ?
On rejoint là ce que je disais tout à l’heure au sujet de l’éducation, il est urgent de leur montrer autre chose que la misère. Il est nécessaire de réagir parce que l’éducation à la beauté et au vivre-ensemble est urgent…

Si tu es éduqué dans la précarité comment trouver la beauté ?
L’éducation prépare un monde meilleur, ces jeunes sont notre avenir, si nous voulons un monde meilleur cela passe par eux et dans notre action à leurs côtés. C’est à nous de mettre en lumière l’injustice qui se passe. Toute personne de moins de 18 ans qui entre sur le territoire français doit être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, mais ce n’est manifestement pas le cas.

On a cru comprendre que des interpellations ont eu lieu récemment.
Peux-tu m’en parler ? Est-ce qu’un comité de soutien existe, ont-ils besoin d’aide ?

J’étais dans les interpellés. Mais tu sais, on n’a pas à se sentir coupables d’avoir tenté de mettre des jeunes à l’abri. Nous avons ouvert un bâtiment public, non-occupé depuis plusieurs années, nous voulions interpeller les pouvoirs publics sur le fait que des logements sont vides alors que tant de personnes sont à la rue, devant nos yeux… Le 115 ne répond pas, alors sans squats on laisse ces gamins à la rue, ce n’est pas acceptable. Oui, nous avons toujours besoin de soutien, parce que la cause des MIE devrait concerner tout le monde, plus on aura de soutien, mieux on pourra les aider à avancer.

Anaïs (Educatrice spécialisée, Médecins du Monde-CIMADE)

Quel est le rôle de Médecins du Monde auprès des jeunes ?
Nous intervenons dans l’accès aux soins pour tou-te-s, particulièrement auprès des NI NI c’est-à- dire les jeunes dont la minorité est remise en cause et donc sortis de la prise en charge ASE.
Nous intervenons auprès de la CPAM afin de maintenir les droits ouverts (CMU-C) lors de leur prise en charge. En effet la loi permet de faire courir les droits ouverts sur une année après leur date de fin. Lorsque l’accès à la CMU est impossible (seul le Conseil Départemental a compétence pour ouvrir de tel droit pour les MIE), nous faisons une demande d’AME afin que les jeunes puissent dans tous les cas bénéficier d’une couverture maladie.

Il nous arrive parfois de contacter les services du CD ou de Saint Benoît Labre pour des MIE pris en charge lorsque l’on constate qu’il y a un disfonctionnement dans leur prise en charge médicale.

Le statut de Ni Ni nous amène également à faire des accompagnements médicaux. En effet l’hôpital ou le centre de vaccination par exemple exige la présence d’un adulte lors des rendez- vous.

Nous expliquons aussi les différentes situations aux jeunes, parce que ce n’est pas toujours simple à comprendre. Nous les sensibilisons quant aux tests osseux, qui sont une pratique courante lors de la phase d’évaluation et qui sont largement remis en cause aujourd’hui, afin de leur permettre de choisir de façon éclairée de s’y soumettre ou non.

Rencontrez-vous beaucoup de problèmes de santé chez les jeunes ?

Oui, les problèmes de santé sont fréquents. Certains cas sont plus graves que d’autres : Il y a pas mal de jeunes avec des soucis psychiques dus notamment à leur parcours migratoire et à leurs conditions d’accueil et de vie en France. Il y a aussi pas mal et de traumatologie et d’orthopédie notamment. Certaines pathologies sont anciennes, datant du temps où ils vivaient au pays ou sont survenues au cours de leur trajet pour venir en France.

Nous avons aussi pas mal de problème de dents ou de petits bobos. Lorsque les jeunes ont des droits ouverts nous les orientons sur de la médecine de proximité. Dans le cas contraire nous les adressons à la PASS.

Sont-ils suivis autrement que par les associations ?

Oui, effectivement. Ils ont pour la plupart un suivi médical. Ils sont orientés soit vers des spécialistes, soit vers des médecins traitants.

Ibrahima (MIE, Guinée Conakry, 16 ans)

Quel est ton parcours avant d’arriver à ELIN ?
Je ne souhaite pas vraiment en parler, mais j’ai fui le virus Ébola.

Comment se passe la vie à ELIN pour toi ?
En France, ma situation me dépasse. Il m’arrive parfois d’avoir des idées noires à cause de ma situation. La vie en squat est frustrante car je ressens l’exclusion dans la société, exclusion notamment vis-à-vis des mots : liberté, solidarité et égalité. Pourquoi dois-je subir cela ? Je n’ai rien demandé. Je ne me sens pas vraiment à l’aise à ELIN, parce que le squat est un non choix, ce n’est pas la place des mineurs. Mais au moins, à ELIN, il y a un peu de sécurité. Les autorités virent les mineurs des hôtels, sans les militants et les squats que deviendrait-on, où irait-on ?

Qu’est ce qui, actuellement, bloque ta situation ?
Ma minorité n’est pas reconnue. Mes parents sont morts, mais ils n’ont qu’à ramener leurs corps au tribunal, ils verront que nous sommes mineurs. ? Chez nous, dans les villages, il n’y a pas de certificats de décès. J’ai une carte d’identité consulaire mais même ça, ça ne leur suffit pas, que leur faut-il de plus ?

Que te manque-t-il par rapport à ton pays d’origine ?
Je ne suis jamais allé à l’école. Certains ne parlent pas français mais il faut qu’on se débrouille pour apprendre les bases : lire et écrire, afin de pouvoir faire une formation. Nous sommes des enfants, même si nous ne sommes pas nés ici et que nous n’avons pas accès aux mêmes droits que les enfants nés en France, reconnaissez nous et permettez-nous d’aller à l’école, d’avoir un avenir.

Quels sont tes rêves ? Comment vois-tu l’avenir ?
Je veux aller à l’école, je veux travailler comme tout le monde. On souhaite tous s’insérer, ce n’est pas une vie de ne rien pouvoir faire. Le but de la vie est de se marier et d’avoir des enfants, mais pour le moment ce n’est pas la question parce que c’est bloqué. Alors, moi je veux être reconnu dignement et pouvoir avancer. »

Retrouvez en version audio d’autres témoignages de ceux que l’on appelle officiellement « Mineurs Isolés Étrangers » ci-dessous :

Voir en ligne : http://festival-migrason.com/mineur...


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