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Allemagne : mineur, réfugié, sans famille, cherche intégration

Publié le mardi 16 août 2016 , mis à jour le mardi 16 août 2016

Source : RFI

Auteur : Pascal Thibaut

« Plus d’un million de réfugiés sont arrivés pour la seule année 2015 en Allemagne. Des adolescents ont également pris seuls la route de l’exil et doivent être pris en charge. Ils bénéficient d’une protection particulière, mais comme pour les adultes, les autorités compétentes sont parfois débordées malgré une aide toujours généreuse de la population.

Toutes les nuits, Ferdos fait des cauchemars. La tragédie subie par sa famille poursuit le jeune Afghan, traumatisé comme le reste de ses proches par l’assassinat par les talibans de son père et de son frère. Il y a deux ans, sa mère a préféré prendre la fuite avec ses autres enfants pour l’Iran et s’est installée à Téhéran où elle vit depuis dans des conditions précaires.

Quelques mois plus tard, elle décide que Ferdos doit s’en sortir et paie des passeurs pour que son fils puisse rejoindre l’Europe et un avenir plus radieux. Une longue odyssée commence pour le jeune homme, âgé aujourd’hui de 16 ans. Des jours et des jours de marche à pied l’attendent ; la soif et la faim le tenaillent ; certains ne résistent pas aux difficultés du voyage et meurent abandonnés par les autres.

52 000 jeunes pris en charge

Ferdos a glané quelques bribes d’anglais durant son périple et arrive, sans pouvoir dire vraiment où, il y a un an en Allemagne. Il suit un groupe qui monte dans un train et finit un bon matin, sans savoir où il débarque, par arriver à Berlin. Livré à lui même, il erre deux jours dans la ville dormant à la belle étoile et faisant les poubelles pour se nourrir. Par hasard, une rencontre avec un autre réfugié lui permet d’obtenir une adresse où on l’accueille.

Ils sont 52 000 aujourd’hui à être pris en charge par les autorités allemandes d’après la fédération regroupant les organisations s’occupant de ces adolescents (BumF).
« La situation juridique des réfugiés mineurs non accompagnés est positive car elle est alignée sur celles des enfants allemands orphelins ou qui ont quitté le foyer familial. Ils sont d’abord considérés comme des mineurs nécessitant une prise en charge étroite avant d’être des réfugiés », explique Tobias Klaus, collaborateur du BumF.

Ces adolescents, en règle générale entre 14 et 18 ans et à 90% des garçons, sont placés dans des foyers qui leur sont réservés ou des plus petites structures, sorte de colocations, avec une prise en charge par des travailleurs sociaux. « Les enfants qui arrivent en Allemagne avec leurs parents sont eux hébergés dans des foyers beaucoup plus grands, parfois des gymnases où la promiscuité et le bruit règnent », souligne Tobias Klaus.

Des déficits à surmonter

Ferdos a été hébergé pendant un temps dans une auberge de jeunesse, une solution de dépannage souvent utilisée faute de mieux et où les nuitées des réfugiés sont prises en charge par l’administration. Il a ensuite intégré une petite structure avec d’autres jeunes mineurs réfugiés. Au bout de quatre mois, une place lui a été trouvée dans une « Willkommensklasse », une classe de bienvenue qui permet dans les écoles de préparer les nouveaux arrivants à une scolarisation normale.

Une récente enquête du BumF a montré que la prise en charge dans les premiers mois est parfois déficiente et l’hébergement pas à la hauteur. Des différences sensibles existent entre les régions et surtout les communes compétentes en la matière. Un autre déficit concerne les procédures souvent trop lentes et trop longues. Des mineurs sans famille ont besoin d’un tuteur ayant compétence pour prendre des décisions juridiques. Certains fonctionnaires doivent gérer plusieurs dizaines de jeunes. Toute personne privée peut postuler et elles sont nombreuses, mais l’administration ne suit pas. Hors seul un tuteur peut déposer par exemple une demande d’asile pour le mineur, une étape pourtant essentielle pour l’avenir. Et les délais pour le traitement de ces demandes sont particulièrement longs. Pour le regroupement familial, l’espoir de beaucoup, un compte à rebours se met en marche : une telle démarche implique que la demande d’asile soit reconnue et que l’on soit encore mineur.

« Je suis très heureux »

Ferdos dispose depuis le début de l’année d’une tutrice. Le jeune Afghan a rencontré l’avocate Lisa Griesehop, très engagée socialement avec sa compagne Conny. Et depuis le mois de juin, l’adolescent habite chez les deux femmes et a rejoint dans leur appartement deux autres réfugiés, majeurs eux, les Camerounais Ghislain et Cédric. « Ce sont des jeunes qui viennent de très loin qui ont vécu des choses terribles. C’est important de leur donner une chance pour un nouveau départ ici et nous devons faire quelque chose, nous engager personnellement. Pour moi, cette décision a été simple à prendre. Cela a enrichi notre vie. Ça n’est pas une charge, c’est une vie de famille très agréable, pleine d’amour. Nous découvrons d’autres cultures dans la plus grande compréhension », explique Lisa.

Ferdos a une nouvelle famille : « Lisa et Conny me soutiennent. C’est beaucoup mieux que lorsque je vivais seul et que j’étais livré à moi-même. Je ne pouvais pas aller à l’école. Maintenant ça va mieux. Lisa et Conny sont comme mes vrais parents. » Son allemand fait de jour en jour des progrès et Lisa ne manque pas de le corriger. Le jeune garçon en veut et potasse sa nouvelle langue. Dans un mois, il entre dans un lycée « normal ». Un défi qu’il perçoit comme une chance, mais aussi une gageure : « J’ai un peu peur. Je rentre en seconde. En Afghanistan, je suis allé à l’école jusqu’à la sixième. C’est une super chance pour moi et je veux la saisir. Je veux passer mon bac et devenir ingénieur. »

Tous les réfugiés mineurs non accompagnés n’ont pas la chance de Ferdos dont l’avenir en Allemagne paraît désormais assuré. Mais Tobias Klaus du BumF veut rester optimiste malgré les déficiences de leur prise en charge : « L’accès rapide à l’école permet à beaucoup de jeunes d’obtenir rapidement un diplôme, de commencer un apprentissage et de s’insérer sur le marché du travail. Ces adolescents ont certes subi des expériences très dures, mais ils obtiennent ici une deuxième chance, plus facilement que les adultes. Si les conditions sont réunies et si la prise en charge est optimale, ça peut être une success story ; si cela n’est pas le cas, cela peut avoir des conséquences dramatiques pour les jeunes, mais aussi pour la société. »

Ferdos fait assurément partie de la première catégorie : « Je suis en sécurité ici, respecté ; les gens sont gentils avec moi. Je peux me développer, réaliser mes rêves ; je suis très heureux. » »

Voir en ligne : http://www.rfi.fr/hebdo/20160812-al...


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