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Conseil de l’Europe - Rapport de la mission d’information sur la situation des migrants et des réfugiés à Calais et à Grande-Synthe, France

Publié le lundi 17 octobre 2016 , mis à jour le vendredi 21 octobre 2016

Source : www.coe.int

Auteur  : Tomáš Boček, Représentant spécial du Secrétaire Général sur les migrations et les réfugiés

Date : 12 octobre 2016

Sommaire :

I. LA MISSION
II. INTRODUCTION

1. Réunions
2. Visites de terrain
III. CONDITIONS DE VIE DANS LES CAMPS ET A L’EXTERIEUR
1. Situation matérielle
a) Calais
b) Grande-Synthe
2. Violence envers les migrants et les réfugiés
3. Fermeture du camp de Calais
4. Situation des mineurs non accompagnés dans les camps
5. Possibilités en matière d’éducation
6. Trafic de migrants et mesures de sécurité autour du port de Calais
IV. PROCEDURES JURIDIQUES ET QUESTIONS RELATIVES A L’INTEGRATION
1. Informations sur les procédures d’asile et accès à celles-ci
2. Renvois
3. Intégration 4
V. DROIT DES MINEURS NON ACCOMPAGNES D’ENTRER AU ROYAUME-UNI
1. Requêtes aux fins de prise en charge en vertu du Règlement Dublin III
2. L’amendement Dubs
3. Perspectives d’avenir des mineurs non accompagnés dans les camps du nord de la France
VI. CONCLUSIONS
ANNEXE 1

Rapport disponible ci-dessous :

I. LA MISSION

Les 12 et 13 septembre 2016, j’ai visité les camps de Calais et de Grande-Synthe dans le Nord de la France, où se pressent un grand nombre de migrants et de réfugiés dans l’espoir de passer de façon souvent illégale au Royaume-Uni[1]. Entre le 21 et le 23 septembre, je me suis rendu à Paris et à Londres pour discuter de mes conclusions préliminaires avec des représentants des autorités, d’autres autorités compétentes et des représentants d’OIG et d’ONG. Ma visite de terrain visait à discerner quelle assistance le Conseil de l’Europe pourrait offrir aux autorités nationales à la fois en France et au Royaume-Uni afin d’améliorer la situation du nombre croissant de réfugiés et de migrants présents dans des camps à la frontière, et en particulier du nombre élevé de mineurs isolés étrangers (MIE) qui y vivent[2].
Quelque temps avant mon voyage à Calais, le Ministre français de l’Intérieur a annoncé que le camp de la « jungle » de Calais serait fermé d’ici la fin de l’année. Dans le présent rapport, j’examine les arrangements actuels concernant les occupants de ces camps et les questions spécifiques liées à la fermeture envisagée.

II. INTRODUCTION

1. Réunions

Au cours de ma visite dans les camps du Nord de la France, j’ai rencontré la préfète du département du Pas-de-Calais, les sous-préfets de Calais et de Dunkerque, des représentants des municipalités de Calais et de Grande-Synthe et de la police. Je me suis aussi entretenu avec les représentants d’un certain nombre d’OIG, d’ONG et d’autres associations à but non lucratif[3].
Au cours de ma visite à Paris, j’ai rencontré le directeur de l’OFPRA, le directeur général des étrangers en France (ministère de l’Intérieur) et son personnel, le Défenseur des droits et ses agents, et des représentants de la mairie de Paris. J’ai aussi eu des discussions avec le Représentant du HCR en France et le Directeur exécutif de l’UNICEF – France.
Lors de ma visite à Londres, j’ai rencontré des responsables du ministère de l’Intérieur, le Directeur des droits des enfants au Bureau du Commissaire aux enfants et des représentants de l’Association des directeurs de services de l’enfance et de l’Association des collectivités locales. Mon équipe a aussi rencontré un certain nombre d’OIG, d’ONG et d’autres associations à but non lucratif[4]. Par la suite, j’ai eu un entretien en conférence téléphonique avec le Commissaire indépendant contre l’esclavage.

2. Visites de terrain

A Calais, j’ai visité le centre de jour Jules Ferry, le centre pour femmes et enfants, le centre d’accueil provisoire (CAP), le camp de la « jungle » (baptisé aussi « la Lande ») et le centre de commandement et de contrôle commun du port de Calais. A Grande-Synthe, j’ai visité le camp de la Linière.

III. CONDITIONS DE VIE DANS LES CAMPS ET À L’EXTÉRIEUR

1. Situation matérielle

a) Calais
Le camp de Calais, situé dans le département du Pas-de-Calais, se compose d’un site « officiel » et d’un site non officiel mais « toléré »[5]. Le site officiel comprend le centre de jour Jules Ferry, un centre pour femmes et enfants et un Centre d’accueil provisoire (CAP). Il est géré par l’organisation La vice active, association française à but non lucratif. Le site non officiel du camp est qualifié de « jungle ».
Le centre de jour est ouvert tous les jours entre 9 et 17 heures. Il offre des petits-déjeuners et 4 500 repas chauds par jour[6], des installations sanitaires (y compris des douches), des installations pour recharger son téléphone portable et un petit dispensaire. Pour l’instant, ces services semblent être offerts avec efficacité, bien que les responsables du centre semblent préoccupés par leur capacité de prise en charge si les chiffres continuent de gonfler.
Le centre pour femmes et enfants a ouvert ses portes en mars 2015. Il peut accueillir un maximum de 400 femmes et leurs enfants. Les mineurs isolés ne peuvent séjourner dans le centre. La durée moyenne de séjour est de près de quatre-cinq mois. Etant donné que les hommes ne sont pas admis dans le centre, beaucoup de familles choisissent de se séparer car elles ont le sentiment que la sécurité des femmes et des enfants n’est pas garantie dans le camp de la « jungle ». Les garçons peuvent rester avec leur mère jusqu’à l’âge de 14 ans. Il convient de saluer l’existence d’une zone de sécurité pour mères et jeunes enfants, mais il conviendrait de disposer d’un hébergement adapté permettant aux adolescents de plus de 14 ans et aux pères de rester avec leur famille.
Le CAP, qui a ouvert en janvier 2016, a une capacité de 1 500 personnes et se compose de conteneurs. Les migrants âgés et vulnérables reçoivent un hébergement à titre prioritaire. Bien que le centre ne soit pas destiné aux mineurs isolés, près de 200 y habitent faute de bénéficier d’une solution de rechange adaptée. L’entrée dans le CAP est sécurisée et les résidents doivent donner leurs empreintes digitales pour y avoir accès, mais leur identité n’est pas contrôlée.
Quand j’ai visité le camp de Calais, on venait d’entamer des travaux pour aménager un nouveau centre fort nécessaire pour mineurs isolés. Le centre devait d’abord comprendre 72 places, mais sa capacité devrait rapidement doubler pour atteindre 144. L’ouverture du centre était prévue pour le 4 novembre 2016. Cependant, l’avenir de ce lieu semble maintenant compromis[7]. En tout état de cause le nombre de places disponibles – même si les capacités initiales prévues devaient doubler rapidement – est manifestement insuffisant pour accueillir les mineurs isolés ayant besoin d’urgence d’un hébergement adapté.
La partie officielle du camp est en général propre et les conditions de vie y sont décentes. Toutefois, des trafiquants et des passeurs opèrent dans le centre de jour, exigeant notamment un droit d’accès aux services.
Selon le recensement le plus récent réalisé par l’ONG du Royaume Uni Help Refugees, 10 188 personnes se trouvaient dans la « jungle » au début du mois de septembre. Sur la foi d’un recensement qu’elle a réalisé, la préfecture a avancé un chiffre officiel de 6 900 personnes au début du mois d’août. Selon le recensement de Help Refugees, les Afghans, les Soudanais, les Erythréens et les Ethiopiens forment 90% de la population du camp. Parmi les résidents, 1 179 étaient mineurs, 1022 étant des mineurs isolés. J’ai vu beaucoup de jeunes hommes dans la « jungle », mais peu de femmes.
Les conditions de vie sont très médiocres dans la « jungle ». Des tentes et des abris de fortune forment un bidonville anarchique dans une zone de dunes de sable près d’une rocade. Maintenant, il est difficile pour les nouveaux venus de trouver de la place pour y dresser leur tente. Cette surpopulation est due pour une part au fait que la zone sud de la « jungle » a été démantelée et les lieux entièrement nettoyés en mars 2016. La fermeture de la zone sud du camp a coïncidé avec l’augmentation rapide du nombre d’occupants : ils étaient près de 3 500 en avril 2016, mais 7 000 environ sont arrivés en juin et en juillet. La surpopulation a des effets néfastes réels sur l’hygiène dans le camp. Plusieurs femmes enceintes vivent dans la « jungle ». Cependant, l’association Gynécologie sans frontières a expliqué qu’un accord avait été conclu avec l’hôpital local, si bien qu’il n’y a pas de naissance dans le camp lui-même. La prostitution est aussi un problème. L’ONG « France terre d’asile » a été chargée de traiter cette question.
Les autorités m’ont dit qu’elles hésitaient à améliorer les conditions de vie, parce qu’elles craignaient que cela rende les camps plus attrayants et que davantage de migrants prennent le chemin de Calais. Cependant, il semble clair que jusqu’ici, la médiocrité de la situation matérielle n’a pas été un facteur dissuasif. La situation actuelle soulève des questions potentielles au regard de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme.

b) Grande-Synthe
Le camp de Grande-Synthe, baptisé La Linière, est situé dans le département du Nord. Il est géré par la municipalité en collaboration avec les autorités centrales et l’association AFEJI[8] conformément à un accord tripartite. Le camp, aménagé par Médecins sans frontières conformément aux normes du HCR, a ouvert en mars 2016 pour remplacer le camp non officiel de Basroch, situé dans les environs, où les conditions de vie étaient déplorables.
A l’origine, le camp accueillait près de 1 500 personnes dans 400 cabanes en bois. Depuis, un certain nombre de cabanes ont été supprimées, si bien qu’il en reste 327. Actuellement, il y a près de 725 personnes dans le camp. La réduction des capacités a fait suite à une décision de limiter la taille du camp et de n’offrir un hébergement qu’aux personnes vulnérables[9]. Au moment de ma visite, il y avait là quinze mineurs isolés et une quarantaine d’enfants avec leurs familles. Pour la police, l’idéal serait que le camp accueille 2 à 300 personnes, ce qui, selon elle, serait véritablement gérable. La plupart de ceux qui se trouvent dans le camp de La Linière sont kurdes (près de 80%)[10]. Les autorités reconnaissent que le camp est devenu essentiellement une base pour les opérations de passage en contrebande de Kurdes et qu’il est dans une grande mesure aux mains des passeurs.
Le camp est ouvert. Ceux qui souhaitent y entrer n’ont pas besoin de s’enregistrer. Beaucoup de gens avec qui j’ai parlé estimaient qu’il vaudrait mieux que l’entrée dans le camp soit contrôlée et que les résidents soient enregistrés. Cela permettrait notamment de tenter de combattre les passages clandestins.
La moitié des occupants du camp ont demandé l’asile en France. Ceux qui ne l’ont pas fait souhaitent rester dans le camp soit parce que ce sont des passeurs, soit parce qu’ils ont payé des passeurs et qu’ils attendent une occasion de tenter d’entrer au Royaume-Uni.

2. Violence envers les migrants et les réfugiés

Il semble que le nombre croissant de réfugiés et de migrants dans le camp de Calais soit à l’origine de heurts fréquents entre les différents groupes ethniques. A Grande‑Synthe, la violence entre des bandes organisées de passeurs rivales est un problème grave. Des actes de violence sexuelle et familiale seraient aussi commis. La police explique que les victimes hésitent souvent à donner suite à une plainte. La prévalence de la traite des êtres humains suscite aussi des préoccupations. Cela étant, ma visite dans le camp a suivi de près une visite d’évaluation du Groupe d’experts du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) au cours de laquelle les questions liées à la traite ont été examinées dans le détail. Le GRETA publiera en temps voulu un rapport sur ses constatations.
Outre la violence des résidents du camp, il est aussi fait état de violences policières envers les migrants et les réfugiés, dont l’utilisation disproportionnée de gaz lacrymogènes. Le centre juridique situé dans la « jungle » a rassemblé des informations sur les incidents allégués qu’il a transmises au Défenseur des droits. On ne sait pas si des affaires pénales sont pendantes. Lors des discussions que j’ai eues, j’ai observé que la police n’était guère disposée à assumer la responsabilité de l’ouverture d’enquêtes ex officio sur l’usage de la force par ses propres membres et à contribuer à l’examen des plaintes par le Défenseur des droits.
Le recours à la force par la police et l’incapacité de protéger les résidents contre la violence que font régner des bandes criminelles et d’autres personnes ne laissent pas d’être préoccupants au vu de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme en particulier. Conformément à cet article, les Etats ont l’obligation non seulement de prévenir le recours illicite à la force par leurs propres agents, mais aussi de prendre des mesures préventives pour protéger les personnes dans certaines circonstances. Les policiers dans les camps devraient être sensibilisés aux obligations qui sont les leurs en matière de droits de l’homme, recevoir des instructions claires sur le recours raisonnable à la force et faire l’objet d’une supervision appropriée. Une enquête indépendante sur les allégations de violences policières et l’incapacité de protéger les résidents du camp semble aussi appropriée.

3. Fermeture du camp de Calais

Comme il est indiqué ci‑dessus, le ministre de l’Intérieur a annoncé, au début du mois de septembre, le démantèlement de la partie restante de la « jungle » le plus rapidement possible[11]. Les organisations non gouvernementales que j’ai rencontrées ont reconnu que la situation dans la « jungle » n’est ni souhaitable ni soutenable, et ont insisté sur la nécessité de mesures pour préserver le bien-être des résidents avant le début du processus d’évacuation. L’organisation Help Refugees à Londres m’a dit que les autorités françaises devaient organiser un nouveau recensement en coopération avec l’ancienne équipe qui en était chargée pour faciliter l’exercice d’évacuation. On ne sait pas si ce recensement a été effectué. Un recensement actualisé et précis est particulièrement important compte tenu des divergences entre les chiffres officiels et les chiffres non officiels et de l’absence de registre vérifiable des résidents du camp.
Lors des discussions que j’ai eues avec les autorités calaisiennes, le camp devait être fermé « avant la fin de l’année ». J’ai eu l’assurance que la « jungle » ne serait pas détruite tant qu’une autre solution d’hébergement dans des centres d’accueil et d’orientation (CAO)[12] n’aurait pas été trouvée pour tous ceux qui y vivent. J’en ai eu la confirmation plus tard lors des réunions auxquelles j’ai participé à Paris. Cela étant, les autorités n’ont pas été en mesure de me donner des détails précis sur ce qui est envisagé ni sur les modalités de démantèlement du camp. Elles ont reconnu qu’il n’était pas en leur pouvoir de contraindre les personnes à se rendre dans des CAO et qu’elles feraient tout leur possible pour persuader tous les intéressés de quitter Calais volontairement. Dans le passé, cela aurait été une tâche peu enviable, car la grande majorité des personnes se trouvant dans les camps du Nord de la France souhaitaient se rendre au Royaume-Uni et étaient peu intéressées par la France[13]. Or le renforcement de la coopération entre les polices française et britannique s’est traduit pas un taux supérieur d’interception de migrants clandestins, et le coût du passage au Royaume-Uni avec l’aide de passeurs a augmenté. Davantage de résidents font aujourd’hui part de leur désir de trouver asile en France, soit pour y construire leur vie, soit pour profiter des voies légales d’entrée au Royaume-Uni en application de la législation de l’Union européenne. Autre incitation, le gouvernement a promis la suspension des renvois effectués dans le cadre du Règlement de Dublin[14] pour ceux qui acceptent de se rendre dans un CAO. Cette promesse a toutefois été accueillie avec un certain scepticisme par les migrants et les organisations non gouvernementales, car toutes les préfectures n’ont pas respecté une promesse analogue qui avait été faite pendant l’évacuation de la zone sud du camp. On ne sait pas ce qu’il adviendra des personnes qui refusent de quitter la côte. Certains craignent qu’elles soient simplement transférées dans d’autres camps de la région ou déplacées le long de la côte en direction de la Belgique.
Deux faits importants se sont produits depuis ma visite à Calais. Premièrement, le délai de fermeture a été fixé (avant la fin du mois d’octobre). Deuxièmement, il est apparu, lorsque j’étais à Paris, que les autorités envisageaient non seulement la fermeture de la partie restante de la « jungle », comme elles l’avaient initialement annoncé, mais éventuellement aussi la fermeture de la partie officielle du camp. Le Directeur général des étrangers en France m’a dit qu’aucune décision n’avait encore été prise en ce qui concerne la partie officielle du camp. On peut voir dans l’arrêt des travaux du nouveau centre destiné aux mineurs non accompagnés une confirmation d’un avenir incertain.
Si la nécessité de trouver d’autres solutions d’hébergement pour les résidents du camp avant l’hiver est légitime, préoccupation dont les autorités ont fait état, ce délai risque d’être trop court et d’empêcher les pouvoirs publics de prendre les mesures nécessaires pour que tous les résidents aient un hébergement adéquat. Certains maires résistent aux appels en faveur de l’ouverture de davantage de CAO et on ne connaît pas encore le nombre de places qui seront disponibles. D’aucuns doutent du caractère approprié des CAO : s’ils représentent une solution raisonnable à court terme, les centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) sont mieux équipés pour faire face aux besoins des demandeurs d’asile et favoriser l’intégration : ils dispensent très rapidement des cours de langue et coopèrent avec les organisations non gouvernementales[15]. J’encourage aussi les autorités françaises à favoriser des structures d’hébergement plus petites pour limiter les risques de violence et de tension.
Plus de 100 enfants auraient disparu lors de la démolition de la zone sud du camp en mars. La démolition de la zone nord fait craindre des disparitions tout aussi nombreuses. Rien n’a encore été dit sur ce qui sera fait pour les mineurs non accompagnés présents dans le camp. Lors des discussions que j’ai eues à Paris, j’ai appris que des plans devaient être annoncés au début du mois d’octobre, mais à ce jour aucun plan n’a été dévoilé. L’affectation de CAO aux enfants exclusivement ne permettra pas de régler le problème de l’absence de structures adaptées aux mineurs isolés dans ces établissements[16].
Il existe de toute évidence un risque, plus ou moins grand selon les personnes auxquelles j’ai parlé, de voir les migrants revenir rapidement à Calais même si le camp est démantelé avec succès. Des deux côtés de la Manche, mes interlocuteurs se sont accordés sur la nécessité d’un plan clair pour éviter cette situation. Les autorités ont considéré que le renforcement de la sécurité à la frontière dissuaderait fortement les futurs arrivants. Mais cette supposition est largement gratuite et n’est pas confirmée par les tendances observées. Il n’existe pas, à ma connaissance, de plan clair pour que le camp ne soit pas reconstitué, soit sur le site actuel, soit ailleurs, dans les mois à venir. J’appuie sans réserve les efforts faits par les autorités françaises pour encourager les demandes d’asile en France et répartir les demandeurs d’asile plus équitablement sur tout le territoire en tenant compte de leurs souhaits. Je suis cependant persuadé qu’il faut, du moins à court terme, continuer à planifier l’arrivée de migrants dans la région de Calais. De plus, si le démantèlement du camp ne met pas un terme aux arrivées, y compris de mineurs non accompagnés, à Calais, la nécessité d’un centre réservé à ces mineurs sera plus impérieuse que jamais. Il semble que les autorités hésitent à faire une annonce au sujet des dispositifs qui resteront à Calais à la suite de la fermeture du camp, par crainte de décourager les départs et d’encourager de nouvelles arrivées sur la zone. Des dispositions réalistes doivent être prises pour garantir des conditions de vie humaines, étant donné le risque que certains migrants et réfugiés resteront à Calais ou y viendront après la fermeture du camp.

4. Situation des mineurs non accompagnés dans les camps

Comme nous l’avons déjà dit, les camps de Calais et de Grande‑Synthe comptent actuellement plus de 1 000 mineurs non accompagnés. Rien n’est actuellement prévu pour leur offrir un hébergement et des services appropriés. Comme il est indiqué ci‑dessus[17], l’arrêt des travaux du centre prévu à Calais ne laisse pas d’être préoccupant.
A l’extérieur, le centre d’hébergement de Saint-Omer, géré par France Terre d’Asile[18], est un centre où les enfants bénéficient d’un temps de répit et est une étape pour les mineurs de 15 ans et plus qui souhaitent demander l’asile en France. Or, comme le centre est situé à 50 kilomètres de Calais, nombreux sont ceux qui refusent d’y aller parce qu’ils ne veulent pas être séparés d’amis plus âgés. Les autorités se sont aussi plaintes du refus des mineurs en question, essentiellement des garçons de 15 à 17 ans qui se considèrent comme des adultes, d’être pris en charge. Les CAO ne proposent pas d’hébergement adapté aux mineurs isolés, car ils prennent uniquement en charge des familles et des adultes seuls. Certains mineurs non accompagnés, passant pour des adultes, parviendraient toutefois à passer entre les mailles du filet, ce qui est inquiétant.
D’après des représentants de la société civile, 80 % environ des mineurs non accompagnés voulaient auparavant se rendre au Royaume-Uni. Ces représentants estiment aujourd’hui que la grande majorité souhaite rester en France et est donc prête à accepter l’aide offerte. La protection de l’enfance est une compétence départementale en France. Pour de nombreux départements, la perspective d’héberger de nombreux mineurs non accompagnés représente une charge financière importante. Les services proposés sont saturés et le département du Pas‑de‑Calais n’est pas en mesure de faire face à la situation. Le centre de Saint‑Omer aurait commencé à refuser des enfants, car il a atteint sa capacité maximale. D’après Médecins sans frontières, 88 enfants ont demandé à être pris en charge à Calais, mais se sont vu opposer un refus faute de places.
Bien que chargée de recenser les personnes vulnérables, dont les mineurs non accompagnés dans le camp, France Terre d’Asile ne semble guère y être parvenue à ce jour. Faute d’hébergement approprié pour ces mineurs et en l’absence de tout système d’enregistrement, des enfants sont souvent portés disparus. Des ONG parlent de cas présumés de refus de la police française de consigner les disparitions d’enfants qu’elles ont essayé de signaler. La police britannique ouvre désormais des enquêtes lorsqu’elle a connaissance de disparitions d’enfants à Calais en effectuant des vérifications au Royaume-Uni[19].
L’absence de protection des mineurs non accompagnés à Calais est extrêmement préoccupante et appelle une solution d’urgence. Il faut améliorer le système d’identification des mineurs. Il existe un régime de tutelle qui s’applique à tous les enfants abandonnés dans le cadre de la législation générale sur la protection de l’enfance, mais ce régime ne fonctionnera pas si les mineurs non accompagnés ne sont pas identifiés et enregistrés. La désignation d’administrateurs ad hoc prend du retard et la détermination de l’âge est un problème, car la pratique varie d’un département à l’autre. Des normes uniformes fondées sur les meilleures pratiques s’imposent. Des dispositions doivent d’urgence être prises pour héberger les 1 000 mineurs isolés ou plus qui vivent actuellement dans des conditions indignes dans des camps du Nord de la France. Certains de mes interlocuteurs ont préconisé la mise en place d’un réseau européen d’agents de protection de l’enfance aux fins d’opérations transfrontalières et d’un partage de l’information plus efficaces. Compte tenu de l’importance de l’élément transfrontalier, cette proposition mérite d’être examinée plus avant. Il ne faut pas non plus oublier que la grande majorité de ces enfants, arrivés en Grèce ou en Italie, ont pris la route du Nord de l’Europe ; leur identification au début de leur traversée du continent serait de toute évidence dans leur intérêt supérieur[20].

5. Possibilités en matière d’éducation

Je suis préoccupé par l’accès à l’éducation limité dont disposent les enfants migrants et réfugiés qui vivent dans le camp de Calais. Bien que le centre Jules Ferry comporte deux salles de classe gérées par des enseignants dépêchés par l’Etat français, seul le français y est enseigné. Si environ 80 enfants assistaient à ces cours en juin, ils n’étaient que 40 lors de notre visite[21]. Par ailleurs, leur présence en classe est sporadique : dans la pratique, seuls 10 à 15 enfants viennent à chaque cours. Le Centre d’accueil provisoire abrite lui aussi des structures éducatives pour les mineurs non accompagnés qui y vivent, mais là aussi, l’accent est mis sur l’apprentissage du français. Dans la « jungle », des structures éducatives ont été mises en place qui sont gérées par des volontaires. Cependant, elles fonctionnent de manière ponctuelle et tendent à être axées sur l’apprentissage du français et de l’anglais[22]. J’ai demandé au cabinet de la maire si les enfants vivant dans le camp étaient autorisés à fréquenter les écoles voisines, mais ne considéraient pas cette solution comme réaliste.
A Grande-Synthe, une nouvelle initiative mise en place au début de la nouvelle année scolaire permet aux enfants migrants de fréquenter des écoles françaises voisines. Lorsque ce nouveau dispositif a été lancé, les autorités ont fermé les infrastructures ad hoc utilisées jusqu’alors. A la date de ma visite, 37 enfants étaient inscrits à l’école. Les habitants du camp tentant fréquemment la nuit de monter à bord de camions à destination de l’Angleterre, les enfants sont fatigués et ne vont à l’école que l’après-midi. Les communes de Grande-Synthe (écoles primaires) et de Dunkerque (collèges) assurent leur transport[23]. Les enfants migrants ne peuvent être plus de deux par classe.
Certains des bénévoles œuvrant dans le camp ont critiqué la fermeture des structures éducatives du camp. Toutefois, les autorités m’ont expliqué que si le camp continuait de disposer de structures éducatives, les parents migrants ne voudraient pas inscrire leurs enfants aux écoles françaises locales. Il a donc été décidé que l’intégration dans les écoles voisines présentait plus d’avantages que la restriction de l’accès à l’éducation au sein du camp. Certains membres de la société civile conviennent qu’en réalité, la nature limitée des enseignements dispensés à Grande-Synthe, notamment l’absence de cours de soutien linguistique spécialisés (français comme langue étrangère), rendent ces enseignements largement inefficaces d’un point de vue purement académique. Ils soutiennent néanmoins cette initiative car elle constitue un outil d’intégration utile : les familles dont les enfants sont scolarisés tendent à être plus nombreuses à demander l’asile.
Il est peut-être trop tôt pour juger du succès de cette initiative du point de vue de l’éducation ou de l’intégration. Cependant, je salue la bonne volonté et la motivation manifestées par les responsables du camp de La Linière et des communes de Grande-Synthe et Dunkerque dans la mise en place de ce dispositif. Les premières indications concernant l’amélioration de l’intégration des familles concernées sont très positives. La prochaine étape consistera à tenter d’augmenter le niveau de l’instruction fournie en proposant plus de soutien linguistique et autre aux enfants concernés.

6. Trafic de migrants et mesures de sécurité autour du port de Calais

Il m’est clairement apparu que le trafic de migrants constitue un grave problème dans les camps du nord de la France[24]. Les trafiquants proposent un large éventail de « prestations » allant du basique au très sophistiqué, à des prix correspondants. Financièrement, ils ont intérêt à faire venir des migrants à Calais ; l’efficacité de toute évacuation du camp de Calais dépend donc du démantèlement des réseaux trafiquants opérant entre la France et le Royaume-Uni, qui passe par la lutte contre l’action des trafiquants plus au sud.
Un nouveau centre de commandement et de contrôle conjoint a ouvert dans le port de Calais. Son but est d’échanger des renseignements opérationnels en temps réel. Le centre collecte et analyse des données, et cherche à en dégager des schémas pouvant être transmis à d’autres acteurs pertinents. Il est prévu d’agrandir le centre pour y installer une unité de renseignement. Un agent du service des poursuites judiciaires de la Couronne britannique est affecté à Lille pour apporter son aide dans les affaires de trafic. L’amélioration de la coopération entre les autorités françaises et britanniques porte ses fruits : 30 réseaux de trafic ont été démantelés depuis le début de l’année à Calais, et 16 à Grande-Synthe depuis mars.
Les autorités françaises et britanniques ont indiqué que les contrôles de sécurité à la frontière avaient été considérablement renforcés. Les personnes qui cherchent à monter dans des camions sur l’autoroute ou la rocade autour de Calais sont vite décelées lors du passage des camions aux rayons X à la douane[25]. Les tentatives fructueuses supposent souvent de monter dans un camion loin avant Calais[26]. Les autorités des deux pays ont souligné la nécessité de maintenir des mesures de sécurité rigoureuses : si la sécurité est réduite, alors Calais recommencera à attirer des migrants espérant se rendre de l’autre côté de la frontière. C’est pour cette raison que les autorités des deux pays considèrent les accords du Touquet[27] comme un important outil de gestion de la migration à la frontière.
Les violences commises par une minorité de migrants et de réfugiés pour monter dans des camions à destination du Royaume-Uni ont augmenté[28]. Leur principale tactique consiste à bloquer l’autoroute et la rocade menant au port, forçant ainsi les chauffeurs à ralentir de sorte qu’ils puissent grimper à bord. On signale que des migrants ont menacé des chauffeurs et que cinq à six policiers sont blessés chaque jour. Par ailleurs, les personnes qui tentent de monter dans des camions vandalisent les maisons voisines et volent des biens en vue de bloquer les routes. La municipalité a expliqué que les activités de cette minorité avaient entraîné une aggravation des relations avec les habitants de Calais et accru le sentiment d’intolérance à l’égard de la présence des réfugiés et des migrants dans la région.
La majeure partie de la route qui mène au port est maintenant bordée de clôtures de barbelés pour tenter de prévenir les incursions nocturnes. Peu avant ma visite, la construction d’un nouveau mur de béton[29], financé par le Royaume-Uni et visant à empêcher l’accès à l’autoroute, a été annoncée. Les autorités sont d’avis que, même après le démantèlement du camp, le mur sera essentiel pour réduire l’attrait de Calais à l’avenir[30]. Si je reconnais la nécessité de protéger les migrants, les chauffeurs de camions et les personnes vivant à proximité de l’autoroute et de la rocade, je doute que le mur atteigne l’un quelconque de ces objectifs. On imagine facilement que les migrants chercheront à accéder à l’autoroute plus loin, là où il est prévu que le mur se termine. Toutefois, je reconnais que le mur aidera peut-être la police à réaliser des patrouilles plus efficaces en lui permettant de concentrer ses ressources dans la zone située après l’extrémité du mur.
En dépit du renforcement des mesures de sécurité, il semblerait que le nombre de personnes réussissant à entrer au Royaume-Uni ne soit pas négligeable. Si les autorités, pour des raisons que l’on peut comprendre, sont réticentes à publier des chiffres officiels, il est clairement apparu lors de ma visite que le nombre de traversées était perçu différemment d’un côté de la Manche à l’autre. Les Français ont affirmé que le nombre de traversées était minime et semblent considérer le problème comme résolu, tandis que les Britanniques estiment que les traversées illégales continuent de poser un problème sérieux
.

IV. PROCÉDURES JURIDIQUES ET QUESTIONS RELATIVES À L’INTÉGRATION

1. Informations sur les procédures d’asile et accès à celles-ci

Dans la partie officielle du camp de Calais, des informations sur les procédures d’asile peuvent être obtenues par le biais de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII). Des représentants de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) se rendent aussi dans le camp une fois par semaine et effectuent des maraudes dans la « jungle ». En outre, le centre juridique de la « jungle » donne des conseils concernant ces procédures.
Pour déposer une demande d’asile à Calais, les candidats doivent tout d’abord se rendre à la Plateforme d’accueil des demandeurs d’asile (PADA) du centre de Calais, où ils se voient remettre des informations détaillées sur les procédures d’asile et remplissent les formulaires de demande préliminaires. On leur fixe également un rendez-vous au guichet unique[31] dans les 3 à 10 jours qui suivent, au cours duquel il est procédé au relevé de leurs empreintes digitales, à la détermination de la procédure à laquelle est soumise la demande et à la recherche d’une solution d’hébergement, une proposition devant leur être soumise à cet égard. Au vu de l’augmentation du nombre de demandes d’asile déposées en France[32], la PADA de Calais est actuellement surchargée et les délais pour l’obtention de ce premier rendez-vous et pour le traitement des demandes sont considérables. D’après des bénévoles travaillant au centre juridique de la « jungle », il peut y avoir jusqu’à cinq mois d’attente pour l’obtention d’un rendez-vous au guichet unique, et le délai est encore plus long pour les migrants qui demandent le transfert de leur dossier au Royaume-Uni, conformément aux dispositions relatives au regroupement familial du Règlement Dublin III[33]. L’OFPRA m’a informé qu’une fois qu’un dossier est en sa possession, il est traité dans un délai de deux à trois mois.[34]
Pour alléger la charge qui pèse sur Calais, l’OFPRA a attiré l’attention sur l’importance de répartir les demandeurs d’asile en France. Plutôt que de déposer leur dossier à Calais, les occupants du camp peuvent demander à être dirigés vers un Centre d’accueil et d’orientation (CAO), où il est possible de déposer une demande d’asile. Cependant, il y a actuellement un important manque de places dans les bus ralliant les CAO : les personnes souhaitant se rendre dans l’un d’entre eux passent la nuit sur les lieux où sont affrétés ces bus pour pouvoir avoir une place à bord le lendemain, mais seul un petit nombre de passagers est accepté. Certains suggèrent qu’il serait préférable d’ouvrir un centre de transit dans le sud-est de la France pour pouvoir traiter les demandes sur le lieu d’arrivée de la majorité des migrants, en provenance d’Italie.
A Grande-Synthe, la Cimade apporte des conseils juridiques sur l’asile aux occupants du camp. Cependant, l’association ne peut pas tenir de bureau sur place en raison de la menace que constituent les passeurs, dont les intérêts sont contrariés si les migrants choisissent de rester en France plutôt que d’essayer de gagner le Royaume-Uni. C’est pourquoi elle tient un bureau dans la ville de Grande-Synthe. L’OFII et l’AFEJI réalisent des maraudes dans le camp.
Au vu de l’absence de système formel d’accueil, il n’est pas étonnant que bon nombre de migrants et réfugiés occupant les camps du nord de la France n’aient pas connaissance de leur droit de demander l’asile à la France, ni de leur éligibilité potentielle au regroupement familial en vertu du Règlement Dublin III. Si les informations à ce sujet sont disponibles, elles ne leur sont pas systématiquement communiquées. Ainsi, c’est à eux qu’il revient de s’informer, leurs droits ne leur étant pas notifiés d’office. Par ailleurs, en raison du manque de services d’interprétation vers les langues des migrants, il est parfois difficile de leur faire passer le message. Les associations de bénévoles et les autres organisations proposant des conseils aux migrants doivent faire face à la concurrence des trafiquants et des passeurs dans le camp, qui ont tout intérêt à ce que les migrants tentent de traverser la Manche en direction du Royaume-Uni, et les encouragent donc à le faire.
L’enregistrement des occupants du camp de Calais permettrait de faire en sorte que chaque nouvel arrivant reçoive des informations détaillées. Cette mesure serait d’autant plus importante à la veille de l’évacuation de ce dernier. En fait, l’octroi d’informations accessibles et pertinentes, formulées dans une langue que les migrants sont en mesure de comprendre, pourrait contribuer à encourager ceux d’entre eux qui sont réticents à recourir aux possibilités d’asile en France. Etant donné que la plupart des migrants résidant dans les camps disposent d’un téléphone portable et d’un accès à Internet, il serait possible, à l’aide d’applications pour téléphone portable, de contribuer à garantir la bonne diffusion des informations sur les procédures d’asile en France. De bonnes pratiques à cet égard ont été observées dans de cadre de projets mis en œuvre dans d’autres Etats membres du Conseil de l’Europe. Pour remédier au manque d’information des migrants, il pourrait également être utile d’instaurer dans chacun des deux camps un centre permanent de conseil juridique qui serait doté de ressources humaines suffisantes.
Selon l’OFPRA, 60% des demandes d’asile déposées à Calais ont été acceptées, et, parmi les 40% restantes, 11% l’ont été à la suite d’un recours.[35] L’Office a également précisé que la proportion de migrants se voyant accorder l’asile directement par l’OFPRA a augmenté ; auparavant, la protection internationale était le plus souvent accordée à l’issue d’un recours.[36]

2. Renvois

La consultation du fichier EURODAC[37] pour les migrants se trouvant en France donne un résultat positif dans environ 70% des cas, ce qui veut dire que les migrants concernés ont déjà été enregistrés dans un autre pays de l’UE auparavant. En principe, ces personnes sont susceptibles d’être renvoyées dans les Etats en question. Dans la pratique, cependant, il semblerait que le nombre de renvois en vertu du Règlement de Dublin soit particulièrement faible.[38]
Bon nombre de mes interlocuteurs ont souligné la nécessité d’instaurer une procédure de renvoi qui soit fonctionnelle et claire. Il en va de la crédibilité de l’ensemble du système d’asile. Les autorités françaises ont mentionné la complexité de la procédure en France et les nombreuses possibilités de recours. L’implication de nombreuses instances rend encore plus difficile le renvoi des personnes non autorisées à rester dans le pays.

3. Intégration

L’importance du nombre de migrants à Calais et le comportement d’une petite minorité d’entre eux ont entraîné des difficultés pour la ville. L’image négative de Calais véhiculée par les médias a eu des répercussions sur l’économie et le tourisme locaux. A Paris, les représentants de la ville ont parlé de « tension » entre, d’une part, les besoins des migrants, pour lesquels des structures d’aide sont actuellement mises en place[39], et, d’autre part, les besoins des nombreux sans domicile fixe de la ville à l’approche de l’hiver. Plus généralement, ils ont fait part de leur préoccupation concernant l’assistance limitée à l’intégration qui est proposée dans les CAO, soulignant à plusieurs reprises la nécessité d’engager le processus d’intégration des migrants dès le dépôt des demandes d’asile.
Les villes ont un rôle fondamental à jouer dans la promotion de l’intégration et la facilitation des relations entre les populations locales et les migrants. Il conviendrait de mettre en place des initiatives pour faciliter l’apprentissage de la langue et l’accès au marché du travail. J’ai été informé que le Cabinet de la Maire de Paris souhaitait introduire une pratique consistant à évaluer les compétences des demandeurs d’asile pour établir leurs profils professionnels et les orienter vers les Centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) dans les domaines pertinents. C’est là un projet prometteur, dont d’autres villes pourraient s’inspirer s’il est couronné de succès. Par ailleurs, il est également nécessaire de se doter de politiques d’intégration claires qui garantissent la protection des demandeurs d’asile et des réfugiés contre la xénophobie et la discrimination.

V. DROIT DES MINEURS NON ACCOMPAGNÉS D’ENTRER AU ROYAUME-UNI

1. Requêtes aux fins de prise en charge en vertu du Règlement Dublin III

Les mineurs non accompagnés ont la possibilité d’entrer légalement au Royaume-Uni en introduisant une « requête aux fins de prise en charge » conformément au Règlement Dublin III[40], qui dispose que c’est à l’Etat membre de l’UE dans lequel réside légalement un membre de la famille de l’enfant concerné qu’il incombe d’examiner la requête de ce dernier, pour autant que ce soit dans l’intérêt supérieur du mineur. Au début du mois de septembre, Safe Passage, un programme mené par Citizens UK[41], a transmis au ministère britannique de l’Intérieur (Home Office) une liste d’environ 180 enfants qui se trouvaient à Calais et qui, selon l’Organisation, étaient potentiellement éligibles au regroupement familial au Royaume-Uni. D’autres organisations et avocats de toute l’Europe entrent désormais en contact avec Safe Passage pour demander des conseils sur la mise en œuvre des Règlements de Dublin, ce qui traduit la nécessité de meilleures orientations à cet égard.
Le ministère britannique de l’Intérieur a déclaré qu’il s’engageait à faire venir depuis Calais les enfants ayant des proches au Royaume-Uni. Au moment de ma visite à Londres, les dossiers de 71 mineurs se trouvant à Calais avaient été traités, et une décision d’autorisation d’entrée au Royaume-Uni en vertu du Règlement Dublin III aux fins du regroupement familial avait été prise.[42] D’après les autorités britanniques, la principale difficulté est d’obtenir les documents nécessaires et d’enregistrer les enfants concernés dans le système. Cependant, une fois l’enregistrement effectué, le processus se déroule apparemment sans encombre ; après l’acceptation des dossiers, les transferts ont eu lieu rapidement.
Les représentants de la société civile et des organisations intergouvernementales avec lesquels je me suis entretenu ont relevé une série de points préoccupants au sujet des procédures de transferts opérées en vertu du Règlement de Dublin. L’appel à une simplification de la procédure est quasi unanime. Pour certains, les démarches seraient facilitées si un travail plus important de collecte d’informations et de documents était entrepris du côté français[43] ; à l’inverse, d’autres ont souligné que la plupart des documents permettant d’établir l’existence de liens familiaux étaient déjà en possession des membres de la famille présents au Royaume-Uni et que des efforts supplémentaires devraient donc être déployés sur place pour se les procurer. Des avocats se sont plaints d’avoir à entreprendre toutes les démarches visant à établir et vérifier les liens familiaux et ce, sans aide aucune, financière ou autre, du Home Office. Le Home Office a expliqué que lors de l’examen d’une requête aux fins de prise en charge, il tenait compte des informations transmises par l’Etat membre demandeur, y compris toutes les pièces justificatives fournies par l’Etat ou les parties concernées. Les renseignements figurant dans les dossiers du Home Office interviennent également dans la prise de décision[44]. Certains reprochent au Home Office un manque de cohérence dans les pièces demandées pour établir les liens familiaux[45]. D’autres ont évoqué des retards dans l’organisation des transferts physiques des enfants faute de représentants légaux en nombre suffisant en France et de personnes pour accompagner les mineurs isolés jusqu’au Royaume-Uni[46].
Les représentants des autorités locales britanniques ont indiqué qu’il leur appartenait d’attester les liens familiaux et que des contrôles rigoureux étaient réalisés dans les 48 heures. Une fois qu’un enfant a rejoint sa famille, aucun suivi n’est assuré : la famille est censée s’occuper des démarches en matière de santé et d’éducation. Certains membres de la société civile estiment que cette approche nie toute la difficulté liée au regroupement d’une famille dont les membres ont parfois connu des années de séparation et subi de graves traumatismes. D’autres font observer que lorsque les membres d’une famille en sont à un stade précoce de la procédure d’asile, ils reçoivent peu de soutien. Un soutien approprié doit de toute évidence être apporté à ces familles pour les aider à s’occuper correctement de l’enfant.
Certaines organisations non gouvernementales s’interrogeaient sur le devenir des dossiers déposés à Calais concernant les enfants qui seront transférés ailleurs en France dans la perspective de la fermeture imminente du camp. La solution la plus logique, et qui devrait être privilégiée, est de faire en sorte que les dossiers soient traités bien avant la fermeture du camp et que les enfants déclarés éligibles soient immédiatement transférés vers le Royaume-Uni. Cependant, en cas de nouveaux arrivants, les mesures nécessaires devront être prises pour veiller à ce que le traitement de leurs dossiers ne soit ni retardé ni freiné par un quelconque transfert ailleurs en France. Que ce soit pour ces enfants ou pour tous les mineurs non accompagnés des camps du nord de la France, il importe qu’un hébergement approprié leur soit assuré en attendant l’achèvement des procédures « Dublin ».

2. L’amendement Dubs

L’autre moyen qu’ont les mineurs non accompagnés d’obtenir l’autorisation légale de pénétrer au Royaume-Uni est de bénéficier de « l’amendement Dubs »[47]. Cette disposition législative, adoptée en mai 2016, appelle le ministre à prendre, dès que possible, des dispositions en vue de l’accueil et de la prise en charge d’un nombre spécifique de mineurs réfugiés non accompagnés d’autres pays d’Europe dès lors que cela répond à leur intérêt supérieur. Les dispositions en question s’appliquent aux enfants présents en Grèce, en Italie et en France avant le 20 mars 2016. Le nombre d’enfants devant être réinstallés sera déterminé par le gouvernement en concertation avec les autorités locales[48].
Safe Passage a communiqué au Home Office les noms de quelque 200 enfants vivant dans le camp de Calais susceptibles d’être éligibles à une entrée au Royaume-Uni au titre de la disposition. Pour le moment aucun enfant n’a encore bénéficié de l’amendement Dubs. Le Home Office a fait savoir qu’il menait d’intenses discussions pour accélérer les mécanismes d’identification, d’évaluation et de transfert des enfants vers le Royaume-Uni. Il a demandé aux autorités locales de proposer des places d’hébergement et pense être en mesure de communiquer d’ici fin octobre le nombre de mineurs non accompagnés autorisés à entrer sur le territoire.
Les représentants des autorités locales ont expliqué que les enfants qui seront admis au titre de l’amendement Dubs se heurteront à des difficultés supplémentaires car, contrairement aux enfants bénéficiant du système de Dublin qui, eux, vivront avec leur famille, les enfants de l’amendement Dubs seront confiés aux services sociaux locaux et cela suppose qu’un placement approprié leur soit proposé. L’Association des directeurs des services de protection de l’enfance a attiré l’attention sur le fait qu’il ne s’agit pas seulement de trouver une place pour les mineurs non accompagnés mais aussi de leur offrir une vie meilleure. Dans ce contexte, le placement en famille d’accueil est la meilleure solution qui soit : elle offre un cadre familial, gage de soutien et de stabilité, mais le manque de places en famille d’accueil est tel que le système est mis à rude épreuve. Lorsque le placement en famille d’accueil n’est pas possible, des ententes doivent être trouvées avec des bailleurs privés[49]. Cela pose d’importants problèmes de financement : si le financement alloué par enfant est suffisant pour couvrir les frais liés à un placement en famille d’accueil, il ne suffit en revanche pas à financer un logement privé. Les représentants des autorités locales ont également fait observer qu’il serait utile que davantage d’informations soient communiquées avant l’arrivée de l’enfant au Royaume-Uni, de manière à prévoir un placement qui soit adapté à ses besoins et à prendre toutes les dispositions liées à l’éducation et à la santé en amont.
Des organisations non gouvernementales se sont également inquiétées de savoir comment serait évalué l’intérêt supérieur de l’enfant dans la pratique. Ils ont dénoncé le fait qu’aucune stratégie en la matière n’ait été rendue publique et qu’aucune indication quelle qu’elle soit n’ait été donnée sur les éléments susceptibles d’être requis. Le Home Office m’a fait savoir que l’évaluation serait réalisée conjointement par ses agents et le HCR, mais ce dernier a précisé qu’il interviendrait de son côté au tout début du processus.
L’autre problème qui se pose est celui de l’afflux permanent à Douvres de mineurs non accompagnés clandestins en provenance de France. Environ 850 mineurs non accompagnés sont actuellement hébergés dans le Kent, l’autorité locale dont Douvres dépend, qui se retrouve donc au bord de l’asphyxie. Un peu plus tôt cette année, il a été envisagé de répartir ces enfants sur l’ensemble du territoire britannique et d’autres autorités locales ont été sollicitées pour proposer des hébergements. Toutefois, à ce jour, les offres ne sont pas légion[50]. Le système proposé par l’amendement Dubs fonctionnera en parallèle du programme de répartition national et le Home Office a confirmé qu’il lui appartenait de décider si les places offertes par les autorités locales seraient attribuées à un enfant « Kent » ou à un enfant « Dubs ». Bien souvent, pour les représentants de la société civile, la priorité était de trouver un hébergement pour les enfants « Kent », qui sont déjà au Royaume-Uni, même si le Home Office refuse que cela soit systématique. Quoiqu’il en soit, le peu de places mises à disposition à ce jour par les autorités locales au titre du système de répartition au niveau national n’est guère encourageant.
Si les responsables du Home Office semblent ne pas douter du bon fonctionnement du système, il ne faut, selon moi, pas négliger les inquiétudes soulevées par les autorités locales. Dans la mesure où le système dépend des offres d’hébergement faites par ces autorités, l’absence de financement approprié est un facteur qui risque de considérablement jouer dans leur capacité et leur volonté de proposer ces places. Quoiqu’il en soit, le délai fixé à la fin octobre pour l’annonce du nombre d’enfants est beaucoup trop tardif pour permettre de transférer les enfants concernés vers le Royaume-Uni avant la fermeture du camp si le calendrier désormais prévu est respecté.

3. Perspectives d’avenir des mineurs non accompagnés dans les camps du nord de la France

Il est très frustrant de voir que, alors même que le droit de séjourner au Royaume-Uni est reconnu à beaucoup de mineurs non accompagnés, la lenteur des procédures est telle qu’ils perdent confiance dans le système et tentent de franchir la frontière clandestinement, s’exposant à de graves dangers. Il importe par ailleurs qu’ils disposent d’informations plus claires et plus accessibles : les enfants craignent également de se retrouver piégés du système français s’ils sont déboutés de leur demande d’entrée au Royaume-Uni au titre du Règlement Dublin III ou de l’amendement Dubs. Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour expliquer aux enfants les possibilités que leur offre la France et pour qu’ils se débarrassent des a priori négatifs qu’ils semblent nourrir au sujet de la France en tant que pays de destination.
Pour échapper à la menace imminente d’une expulsion, des enfants risquent chaque jour leur vie pour gagner le Royaume-Uni clandestinement au lieu d’attendre de pouvoir y entrer légalement par des voies officielles. Des disparitions massives, comme celles survenues lors du démantèlement de la zone sud de la « jungle » de Calais, semblent très probables à moins que le transfert des enfants éligibles ne soit réalisé avant la fermeture du camp. Il a été proposé que des efforts soient déployés pour amener d’autres pays que la France et le Royaume-Uni à proposer des hébergements pour les mineurs non accompagnés qui n’ont pas de famille en Europe. C’est une solution qui mérite d’être approfondie.

VI. CONCLUSIONS

Le présent rapport s’attache à la situation dans les camps du nord de la France, en particulier ceux de Calais et de Grande-Synthe. Comme je l’ai expliqué, la situation a changé depuis que j’ai pris la décision de m’y rendre et elle va vraisemblablement continuer à évoluer. Je considère toutefois qu’il est important de proposer des domaines dans lesquels une assistance concrète du Conseil de l’Europe serait utile en l’état actuel des choses. Je recommande par conséquent que le Conseil de l’Europe :
- appelle les autorités françaises
o à rendre publique sans délai leur stratégie pour l’hébergement et la prise en charge de tous les migrants du camp de Calais, et plus particulièrement des mineurs non accompagnés et des familles, dans la perspective de la fermeture du camp ;
o à confirmer que certaines dispositions concernant l’hébergement des migrants continueront de s’appliquer après la fermeture du camp afin de garantir qu’ils soient traités dans le respect de leurs droits fondamentaux conformément aux articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
- aide les autorités françaises à revoir leur mise en œuvre de la législation relative à la protection de l’enfance pour veiller à ce qu’elle soit rapidement et correctement appliquée à l’égard des mineurs non accompagnés ;
- obtienne confirmation auprès des autorités françaises et britanniques que tous les dossiers en attente pour des transferts opérés depuis Calais au titre du Règlement de Dublin ou de l’amendement Dubs seront traités avant la fermeture du camp ;
- apporte une expertise au Royaume-Uni concernant la manière d’évaluer l’intérêt supérieur de l’enfant pour décider des transferts au titre de l’amendement Dubs ;
- envisage d’inclure dans son plan d’action sur les enfants touchés par la crise des migrants et des réfugiés
o une proposition préconisant la création d’un réseau européen d’agents de protection de l’enfance ;
o un appel lancé aux autres Etats membres du Conseil de l’Europe pour qu’ils mettent davantage d’hébergements à disposition de mineurs non accompagnés ;
- aide les autorités françaises à organiser une formation qui sera dispensée aux forces de police sur les enquêtes relatives aux allégations de violence et sur leurs obligations en la matière énoncées aux articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
- se mette en relation avec d’autres parties prenantes en vue de renforcer la société civile pour lui permettre de communiquer aux réfugiés et aux migrants des informations sur leurs droits juridiques ;
- appelle les autorités françaises à renforcer leur capacité à traiter les demandes
- aide les autorités françaises à mettre en place un système amélioré de traitement des dossiers permettant aux tribunaux administratifs français de traiter sans retard les recours contre les décisions de rejet des demandes d’asile ou d’éloignement du territoire français ;
- aide les autorités françaises à élaborer des politiques d’intégration des réfugiés et des demandeurs d’asile, par le transfert de compétences et l’échange de bonnes pratiques ; quelques-uns des principaux mécanismes de suivi de l’Organisation, comme la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, ont accumulé dans ce domaine un savoir-faire considérable qui pourrait être d’un grand concours dans la poursuite de ces objectifs ; il en va de même du programme des Cités interculturelles ;
- appelle les autorités françaises concernées à assumer leurs responsabilités en matière de scolarisation obligatoire des enfants jusqu’à l’âge de 16 ans ;
- fournisse une expertise sur la manière d’améliorer l’enseignement dispensé aux enfants vivant dans les camps du nord de la France, notamment l’offre de cours de soutien pour l’apprentissage de la langue française aux enfants migrants et réfugiés ;
- facilite l’échange de savoir-faire en matière de lutte contre le trafic illicite de migrants et encourage une coopération accrue entre les autorités françaises et britanniques dans ce domaine.

ANNEXE 1

Programme
Lundi 12 septembre 2016 (Calais)
8 h 30 Réunion avec le sous-préfet de Calais et un représentant de la police
9 h 45 Accueil par la chargée de mission auprès de la préfecture du Pas-de-Calais sur les affaires migratoires et par le directeur du Service d’accueil et d’aide aux personnes migrantes de Calais
Visite du centre de jour Jules Ferry et du centre réservé aux femmes et aux enfants
10 h 45 Visite du Centre d’accueil provisoire (CAP)
11 h 15 Réunion avec des représentants d’ONG
12 h 30 Déjeuner de travail avec la préfète du Pas-de-Calais et le sous-préfet de Calais
14 h 00 Visite de la « jungle »
15 h 30 Visite du centre franco-britannique de commandement et de contrôle conjoint
16 h 30 Réunion avec le premier adjoint de la maire de Calais
Mardi 13 septembre 2016 (Grande-Synthe)
8 h 30 Réunion avec le sous-préfet de Dunkerque et des représentants des forces de sécurité
9 h 15 Réunion avec des représentants d’ONG
9 h 45 Visite du camp de Grande-Synthe
11 h 10 Rencontre avec le directeur de cabinet du maire de Grande-Synthe
Mercredi 21 septembre 2016 (Paris)
15 h 00 Réunion avec le directeur de l’OFPRA
Jeudi 22 septembre 2016 (Paris)
8 h 30 Petit-déjeuner de travail avec le représentant du HCR auprès de la France et le directeur exécutif d’UNICEF France
10 h 30 Réunion avec le directeur général des étrangers en France, du ministère de l’Intérieur
12 h 30 Réunion avec une conseillère et la déléguée générale adjointe aux relations internationales de la maire de Paris
15 h 00 Réunion avec le Défenseur des droits et des conseillers
Jeudi 23 septembre 2016 (Londres)
10 h 00 Réunion avec le directeur des services de l’enfance au Bureau du Commissaire à l’enfance
12 h 00 Réunion avec le président de l’Association des directeurs des services de l’enfance (ADCS) et un conseiller principal de l’Association des collectivités locales (LGA)
13 h 00 Réunion avec des responsables du Bureau de l’Intérieur, notamment des représentants du service des garde-frontières (Border Force)
16 h 30 Réunion avec des représentants d’ONG

[1] Il y a d’autres camps dans les départements du Pas-de-Calais et du Nord, qui accueillent au maximum quelques centaines de résidents.
[2] Lors de cette mission, j’ai été soutenu par mes conseillers juridiques, M. Stephanos Stavros et Mme Michelle Lafferty, et par M. Mikaël Poutiers, de la Division des droits des enfants du Conseil de l’Europe.
[3] Acted, AFEJI, Care 4 Calais, Cimade, France Terre d’Asile, Gynécologie sans frontières, Help Refugees, La Vie Active, the Legal Centre, Médecins du monde, Médecins sans frontières, Refugee Youth Service, Safe Passage, Salam, Save the Children, Secours Catholique - Caritas, Social Workers Without Borders, le HCR et Utopia 56.
[4] La Croix-Rouge britannique, Calais Resilience Collective, Care 4 Calais, Ecpat UK, Help Refugees, The Migrants Law Project (Centre juridique d’Islington), Safe Passage, Save the Children, le HCR et l’UNICEF RU.
[5] Dans le présent rapport, l’expression « camp de Calais » désigne à la fois les zones officielles et autres du camp de Calais.
[6] La direction du camp a précisé que toute personne qui le demande reçoit un repas chaud.
[7] Voir partie III.3 ci-dessous l’évocation de la fermeture prévue de la « jungle » (camp de la Lande).
[8] L’AFEJI (association des Flandres pour l’éducation, la formation des jeunes et l’insertion sociale et professionnelle) est une organisation qui combat toutes les formes d’exclusion.
[9] Les autorités ont souligné que le critère de « vulnérabilité » n’est pas nécessairement facile à appliquer. Il n’a pas été utilisé pour ceux qui se trouvaient déjà dans le camp au moment où la décision a été prise.
[10] Il y a aussi près de 90 Iraniens et 70 Afghans.
[11] Les plans de fermeture du camp ont été confirmés par le Président, M. Hollande, lors de sa visite à Calais du 26 septembre 2016.
[12] Les CAO sont sous la responsabilité des communes.
[13] Plusieurs explications m’ont été données : ces personnes parlent anglais, des membres de leur famille vivent au Royaume-Uni et elles pensent avoir plus de chances de se voir accorder l’asile et de trouver un emploi dans ce pays.
[14] Renvoi dans le premier pays d’entrée dans l’Union européenne.
[15] Les demandeurs d’asile peuvent avoir accès aux CADA une fois qu’ils ont déposé leur demande d’asile.
[16] Cela étant, des CAO réservés aux familles, et en particulier aux femmes seules avec enfants, seraient les bienvenus.
[17] Voir la partie III.1.a.
[18] Organisation mandatée par le gouvernement pour s’occuper des mineurs non accompagnés dans le camp de Calais.
[19] Sur la base du fait que l’enfant a peut‑être réussi à traverser la Manche.
[20] A la suite d’une récente réunion à Paris, des défenseurs européens des droits de l’enfant ont adopté une déclaration commune, (le 28 juin 2016) dans laquelle ils appellent tous les Etats et l’UE à mettre en place un système adapté et fiable d’identification et d’enregistrement des enfants migrants dès leur arrivée en Europe et à chaque étape de leur parcours, par le recueil harmonisé de données essentielles.
[21] Au centre Jules Ferry, les cours du matin sont réservés aux enfants, mais les cours de l’après-midi sont ouverts à tous.
[22] Une école propose aussi des cours de mathématiques.
[23] Pour les enfants de 12-15 ans. Aucun enfant migrant n’est inscrit au lycée.
[24] Voir aussi la Partie III.0 plus haut.
[25] On m’a laissé entendre que ces techniques de trafic basiques servaient parfois à distraire la police et à mobiliser ses ressources, détournant ainsi son attention des méthodes plus sophistiquées utilisées pour faire passer les personnes ayant acheté des prestations supérieures.
[26] Dans les camps, on m’a dit que les trafiquants pouvaient garantir le passage au Royaume-Uni aux personnes prêtes à payer le prix fort.
[27] Ces accords mettent en place des contrôles juxtaposés en vertu desquels, pour certaines liaisons transmanche, les contrôles d’identité ont lieu dans le pays de départ plutôt que le pays d’arrivée.
[28] Les autorités estiment qu’environ 500-1 000 migrants sont impliqués.
[29] Ce mur mesurera un kilomètre de long et quatre mètres de haut, et sera insonorisé.
[30] Cependant, depuis l’annonce de la fermeture du camp, la maire de Calais s’est opposée à la construction du mur.
[31] Le guichet unique rassemble les services de l’OFII et de la préfecture.
[32] Environ 3 000 demandes en ce sens ont été déposées à Calais depuis le début de l’année 2016.
[33] Règlement (UE) n ° 604/2013 du Parlement européen du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.
[34] Ce délai a été réduit : il s’élevait à 5 à 7 mois il y a un an et demi. L’OFPRA a doublé le nombre de ses agents affectés aux demandes d’asile (800 agents aujourd’hui, contre 430 il y a quatre ans) ; il a également réformé ses procédures.
[35] Le taux général de protection en France est de 36%.
[36] Il y a quatre ans, 9% des migrants s’étaient vu accorder l’asile par l’OFPRA, et 22% d’entre eux avaient pu bénéficier de la protection internationale à la suite d’un recours. Actuellement, 28% des demandes sont acceptées par l’OFPRA, et 8% le sont à la suite d’un recours.
[37] EURODAC est une base de données biométriques visant à faciliter l’application du Règlement de Dublin, qui détermine l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée au sein de l’Union européenne, en Norvège, en Islande, en Suisse ou au Liechtenstein.
[38] Aucune explication n’a été donnée quant à la faiblesse de ces chiffres, mais il est probable qu’une grande partie des données d’EURODAC concerne la Grèce, à l’égard de laquelle les renvois en vertu du Règlement de Dublin sont suspendus pour le moment à la suite de l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire M.S.S. et autres c. Belgique et Grèce, requête n°30696/09, CEDH 2011.
[39] Les migrants souhaitant demander l’asile se voient proposer une place dans un CAO, et un nouveau centre humanitaire d’hébergement pour migrants ouvrira bientôt dans le 18e arrondissement de Paris. Un foyer pour les familles et les personnes vulnérables (créé en coopération avec le maire d’Ivry) devrait également bientôt voir le jour dans cette ville.
[40] Il ne faut pas confondre les « requêtes aux fins de prise en charge » et « les requêtes aux fins de reprise en charge », ces dernières désignant la procédure par laquelle les individus sont renvoyés dans le pays par lequel ils sont entrés dans l’Union européenne.
[41] Organisation non gouvernementale.
[42] Je n’ai pas réussi à savoir précisément combien d’enfants avaient effectivement rejoint le Royaume-Uni : les chiffres présentés étaient variables. Cependant, il semblerait que la majorité (si ce n’est l’ensemble) des enfants concernés étaient arrivés sur le territoire britannique au moment de ma visite à Londres.
[43] Selon eux, la participation d’agents du Royaume-Uni au recensement prévu dans la « jungle » de Calais pourrait être très utile à cet égard.
[44] A savoir les dossiers concernant les personnes présentes au Royaume-Uni.
[45] Le Home Office a indiqué qu’il suivait une approche qui se voulait « minutieuse sans être trop rigoureuse ».
[46] C’est pour l’instant l’OFII qui joue ce rôle bien qu’il ne souhaite apparemment pas continuer.
[47] Article 67 de la loi de 2016 sur l’immigration. Le mécanisme formel d’autorisation des transferts relève de la marge discrétionnaire prévue par le Règlement Dublin III.
[48] En Angleterre, les mineurs non accompagnés sont placés sous la responsabilité des autorités locales.
[49] Il s’agit pour l’essentiel d’appartements privés et j’ai cru comprendre que cette solution était réservée aux plus de 16 ans.
[50] S’il appartient au gouvernement de décider du déclenchement d’un programme de répartition obligatoire, il est pour le moment réticent à le faire.

Rapport disponible au format pdf ci-dessous :

Voir en ligne : https://search.coe.int/cm/Pages/res...


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