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Mineurs Isolés : Une détresse immense

Publié le vendredi 18 novembre 2016 , mis à jour le vendredi 2 décembre 2016

Source : www.medecinsdumonde.org

Date : 18 novembre 2016

«  Loin de leur famille, loin de leur maison, partis chercher en Europe une vie meilleure, des mineurs vivent seuls sur le territoire français. À Rouen, Médecins du Monde apporte un soutien psychosocial à ces jeunes fragilisés, contraints de vivre à la rue parce que leur minorité est remise en cause sur la base d’examens douteux et qu’on leur refuse la protection à laquelle ils ont droit.
En manifestant devant les locaux de l’aide sociale à l’enfance, nos équipes ont obtenu la mise à l’abri de 12 mineurs en novembre. Mais leur détresse demeure immense. Comme en témoignent les dessins par lesquels ils sont invités à s’exprimer et les appels à l’aide qui les accompagnent. Poignant.

MOHAMED

« J’ai pris le bateau pour venir en Italie. C’est un gros bateau qui nous a sauvés. »

Je m’appelle Mohamed Lamine Camara. Je viens de Guinée. Je suis allé au Mali, à Bamako pour travailler, je faisais de l’électricité. Je n’avais plus ma maman de Guinée. Donc j’ai décidé de sortir. Je suis allée travailler un peu au Niger. J’ai vu des hommes aller en Lybie. J’avais décidé moi aussi d’aller en Lybie. Mais on m’a attrapé, on m’a mis en prison. Quand j’ai pu sortir, j’ai travaillé dans les cultures. J’ai pris le bateau pour venir en Italie. C’est un gros bateau qui nous a sauvés.

Je suis allé à Rome. J’ai fait là-bas deux semaines. Je suis venu en France ici, à Paris. Un vieux monsieur m’a emmené jusqu’à Rouen. J’ai pas trouvé un endroit où je dors, où je mange. Ça fait trois semaines où je dors dans la rue. Quelqu’un m’a dit d’aller à l’Aide Sociale à l’Enfance. Une dame m’a emmené à l’Aide Sociale à l’Enfance. Quatre personnes m’ont reçu. Ils m’ont posé beaucoup de questions. Il n’y avait pas d’interprète, je ne comprenais pas tout, ils m’ont fait peur. Ils ont dit que je n’étais pas mineur. Je ne sais plus quoi devenir. J’aimerais aller à l’école.

BOUBACAR

« À Rouen j’ai fait trois mois dans la rue. »

Je m’appelle Boubacar, j’ai 15 ans et demi, je suis né le 25 mai 2001 à Conakry. J’ai traversé le désert et la mer Méditerranée pour venir en France parce que je fuyais l’école coranique. Je voulais apprendre le français mais mon père voulait que je sois un vrai musulman. J’ai voyagé seul jusqu’à la France, j’ai mis presque deux mois. A Rouen j’ai fait trois mois dans la rue. Ici je ne mange pas beaucoup, je dors pas bien, je suis dans la rue, je suis malade, je peux faire deux jours dans manger, je vous demande de nous aider, notre vie est très grave. J’aimerais apprendre un métier en France, j’aimerais être boulanger.

M’BEMBA

« J’ai traversé le désert, j’ai été maltraité. »

Je m’appelle M’Bemba, j’ai 16 ans, je suis né le 5 mai à Conakry. J’ai traversé le désert on a fouillé sur la route, beaucoup de violences, j’ai été maltraité. J’ai quitté la Guinée pour fuir l’école coranique. Je suis arrivé en Italie le 1er août, j’ai réussi à partir de Vintimille. Puis je suis allé à Rouen. L’Aide Sociale à l’Enfance, ils m’ont fait une interview. Je ne parle pas bien français, j’ai pas tout compris. La dame a pris une décision que soit disant physiquement je ne suis pas mineur. Elle m’a dit qu’il ne faut pas sourire quand on me parle. Je ne sais pas. Maintenant je dors dans la rue. Je veux demander au Président qu’ils nous aident parce qu’on n’a pas d’autres familles en France. J’aimerais être plombier en France.

SANASSY

« Mon père et ma mère sont morts. »

Je m’appelle Sanassy. J’ai 16 ans, je suis né en Guinée Conakry. Mon père et ma mère sont morts, le petit frère de mon père me maltraitait. Je suis venu en France, ça fait trois mois dehors à Rouen. Je veux de l’aide, je n’ai pas de famille ici. Aidez-nous les enfants isolés dans les rues de France. J’aimerais être peintre.

BAFODÉ

« Je cherche la journée là où je peux manger et dormir. »

Je m’appelle Diakhaby Bafodé. Je viens de la Guinée. Depuis mes 14 ans, je travaille dans les champs. Mon père est mort, ma mère aussi est morte, personne ne pouvait plus s’occuper de moi. Je suis parti. J’ai passé la Libye. Le camion rouge, c’est le camion pour mon voyage, je suis monté à Agadez pour entrer en Lybie. J’ai passé à Italie. Je comprends pas la langue, je quitte pour venir en France ici. On m’a dit d’aller à l’Aide Sociale à l’Enfance car je suis mineur. J’ai des rendez-vous depuis le 18 août. Je suis dehors, je cherche la journée là où je peux manger, là où je vais pouvoir dormir aussi, un endroit un peu caché. En France ici, je voudrais faire école et travailler ? Je veux faire agent de sécurité car c’est important qu’on soit tous en sécurité. Aidez-moi.

KARAMOKO

« L’Aide Sociale à l’Enfance ne veut pas de moi. »

Mon nom c’est Karamoko Touré. J’ai 16 ans. Je viens de la Guinée. J’ai perdu mes deux parents à l’âge de six ans. J’ai été élevé par une première femme de mon père qui m’a maltraité, qui m’a fait sortir de l’école pour faire du travail forcé. J’ai des cicatrices à cause de ça. J’ai pris la route pour venir en Lybie jusqu’en France. J’étais dans un gros camion qui transporte les marchandises. J’ai pris la mer pour venir en Italie. Maintenant je suis en France dans la rue. L’Aide Sociale à l’Enfance ne veut pas de moi. Je vais la journée à Médecins du Monde. J’ai mal aux dents. Cela me fait mal pour dormir dehors. Sur le dessin là c’est le camion où j’étais pour partir de Guinée. Pouvez-vous m’aidez, je veux faire mes études pour avoir le bon métier, électricien ou agent de sécurité en France.

MOUSSA

« Nous étions 100 personnes dans le zodiac. J’ai jamais eu aussi peur de ma vie. »

Je m’appelle Moussa, j’ai 16 ans, je suis né en Guinée. J’ai traversé le grand désert pour échapper à l’école coranique. L’école coranique c’est pas bon, quand on vous envoie là-bas, on n’a plus de libertés, il y a les travaux forcés, on doit porter la barbe longue, on ne peut plus s’habiller comme on veut, on doit aller dans les champs faire les travaux forcés. J’ai voulu m’enfuir en France. J’ai été en prison en Libye, j’ai été frappé, mais je m’en suis sorti. J’ai traversé la mer dans un zodiac. Nous étions plus de 100 personnes dedans. J’ai jamais eu aussi peur de ma vie. J’ai beaucoup vomi. J’ai mis cinq mois pour arriver en Europe. Je suis arrivé à Rouen en juin. L’Aide Sociale à l’Enfance m’a dit de me débrouiller, que je ne suis pas mineur. Depuis je n’ai pas d’abri, je dors dehors, à l’hôpital et au 115 de temps en temps. Je vais à Médecins du Monde la journée. Un avocat m’a aidé. Le juge des enfants a dit que l’ASE n’avait pas de preuve que je ne suis pas mineur et a demandé à l’ASE de me prendre en charge. Mais il n’y a pas de places. J’ai des rendez-vous sur rendez-vous. J’ai raconté mon histoire plusieurs fois. La dernière fois ils m’ont fait raconter mon histoire plus de 2h30.

En France j’aimerais faire de la plomberie, ou de l’électricité. S’il vous plait, aidez-nous les mineurs comme moi qui arrivent en France car ils ont dû fuir leur pays en traversant des étapes vraiment trop dures. Prenez-nous en charge pour être des hommes de demain.

KALOGA

« J’ai pris le car pour le Mali, puis le Niger, puis le Burkina. »

Je m’appelle Ousmane Kaloga. Je suis né le 1er ocobre 1999. Je suis guinéen. Mon père s’appelle Abdoulah Kaloga. Ma mère Gounoba Simakan. Quand j’avais 5 ans, mon père est décédé, je suis resté avec maman dans le village. Après le décès de ma mama le 1er mars 2014, j’étais menacé par mon oncle qui me battait à cause de l’héritage que mon père m’a laissé ; une plantation, de l’acajou, et avec des magasins et des maisons. Le frère de mon père a essayé de me tuer. J’ai pris ma petite sœur, elle a 13 ans, et je suis parti à Conakry. Je l’ai laissée chez un ami de mon père, Mamadou Kaloga. J’ai pris le car pour le Mali, puis le Niger, puis le Burkina. Je me souviens du bruit des chantiers, j’y travaillais pour gagner l’argent pour le voyage. En Lybie j’ai pris le bateau. C’est les italiens qui nous ont sauvés car le bateau était percé. Je ne voulais pas resté en Italie car je ne comprendrais pas leur langue ; j’ai dit que j’avais 25 ans pour qu’ils ne me gardent pas. Puis j’ai quitté là-bas, j’ai pris le train jusqu’à Vintimille, puis à pied, entré à Nice. Je suis parti à Paris, puis j’ai pris un train au hasard. Je suis arrivé à Rouen.

J’ai demandé à des gens à la gare pour me donner du manger. J’ai montré aux gens mon extrait de naissance. Ils m’ont dit d’aller à l’Aide Sociale à l’Enfance. Là-bas, ils m’ont demandé mon histoire et j’ai tout expliqué. Ils ont dit qu’ils vont pas me prendre, que je suis majeur. Je pense qu’ils m’ont dit ça parce que je leur ai dit la vérité, je leur ai dit qu’en Italie j’avais dû dire un autre âge car je voulais venir en France ici. J’aimerais étudier et avoir un métier. Je demande aux politiques de considérer ma propre décision de partir de Guinée car j’étais menacé et de m’aider.

KEVIN

« Mon éducatrice m’a dit : il faut attendre cinq mois pour avoir une place. »

Je m’appelle Kevin Ipoma. J’ai 17 ans. Je viens du Congo Kinshasa. Quand mon père, un général de l’armée a été emprisonné, toute ma vie a changé. Je n’expliquerai pas tout car ça fait mal dans ma tête. Quand je suis arrivé à Rouen, je croyais encore que j’allais pouvoir reprendre mes études. Mais j’ai compris que l’Aide Sociale à l’Enfance veut que je meure. Ils m’ont dit que je n’avais pas 17 ans, je ne sais pas pourquoi, ils ont décidé ça. Médecins du Monde m’aide tous les jours. Tous les soirs j’appelle le 115. J’en peux plus, il faut appeler à 18h, à 19h, à 21h, à 22h…je dors souvent dans le hall de l’hôpital. Mais il y a tellement de monde maintenant que je dois dormir même dans la rue.

Au 115, on est réveillé à 5h du matin, si on a eu la chance de dormir un peu. Le juge des enfants a dit à l’ASE que je suis mineur, qu’ils doivent me prendre en charge. C’était début août. Depuis, j’ai toujours des rendez-vous, des questions, des rendez-vous. Je suis toujours dans la rue. Hier mon éducatrice m’a dit « Monsieur Kevin Ipoma, y’a pas de places, il faut attendre cinq mois pour avoir une place ». Je lui ai dit « Cinq mois, vous voulez que je meure ». Elle a rien dit. Je veux travailler. Je veux y arriver.

BOURAMA

« Cette nuit j’ai dormi sur un parking. »

Je m’appelle Bourama Touré. Je viens de Guinée Conakry, le village Kamksta. J’ai 14 ans, né le 4 mars 2002. J’ai passé par la Lybie, j’ai eu peur dans le bateau. J’ai mis 20 jours pour arriver en France. Je suis très fatigué. Je suis arrivé à Rouen le 22 août. J’ai dormi à la salle d’attente de la police. Ils m’ont dit d’aller à l’Aide Sociale à l’Enfance. Ils m’ont qu’il n’y a plus de places, ils m’ont donné des rendez-vous. Depuis je dors la nuit dans la salle d’attente de la police. Le 8 septembre, la police m’a emmené à l’hôpital la nuit ; j’étais trop fatigué, et mal à la tête. A l’hôpital ils m’ont donné médicaments. L’Aide Sociale à l’Enfance est venue me chercher à l’hôpital. Elle m’a dit de rester dehors. Je suis dehors. Cette nuit j’ai dormi sur un parking. Le matin je suis allé au secours populaire pour apprendre mieux le français. Je veux aller à l’école. Je veux vous faire une sollicitation pour m’aider.

ABOUBACAR

« L’inspecteur de l’ASE a déchiré mon acte de naissance original. »

Je m’appelle Aboubacar. J’ai 16 ans. Je suis né en Guinée Conakry. J’étais en danger à cause d’un problème familial. J’ai traversé le désert et la mer en zodiak. Je suis arrivé à Rouen en 2016. L’ASE m’a fait une interview, on m’a refusé, on m’a dit que je n’étais pas mineur. L’inspecteur de l’ASE a déchiré mon acte de naissance original. Où est passé mon droit ? J’ai fait trois mois dans la rue, je ne dormais pas beaucoup, je marchais la nuit dans la rue, j’avais très mal à la tête, je ne mangeais presque pas. Avec l’avocate, j’ai expliqué ma situation. Le juge des enfants a dit que j’étais mineur. L’ASE m’a pris à l’hôtel le 13 juillet. Il y a un problème pour manger à l’hôtel. J’ai faim souvent. Il n’y pas de fruits, pas de lait, pas de légumes. Je m’ennuie trop à l’hôtel. J’aimerais savoir si c’est normal ce qui se passe. Où est passé la fraternité, l’égalité et le droit de tous les mineurs ?

KASANDA

« C’est à cause du général Kanyama que j’ai dû partir. Ils voulaient tuer les enfants des rues. »

Je m’appelle Dieu Merci Kasanda. J’ai 17 ans. Je suis à Kinshasa. J’étais un enfant de la rue. C’est à cause du général Kanyama que j’ai dû partir. C’était l’opération Likofi, il voulait tuer les enfants des rues. J’ai dû fuir parce que j’étais du clan de l’armée rouge. Je suis arrivé en France le 3 novembre à Paris. C’était les attentats, je me suis caché Gare du Nord. J’avais peur. J’étais à Rouen le 6 juin. L’ASE, ils m’ont dit que je ne suis pas mineur, je ne sais pas pourquoi, le monsieur de l’ ASE n’était pas content après moi, il n’y avait pas d’interprète, je ne comprenais pas tout. L’ ASE m’a chassé. Maintenant je suis toujours dans la rue. J’ai eu un avocat. Le juge des enfants il a dit que L’ ASE il doit prendre moi en charge, il dit que je suis mineur. Depuis que le juge a dit ça, je suis toujours dans la rue comme ça. J’ai des malaises. Je demande à la France de me protéger. Que je fais mes études ici, je veux être boulanger ou faire de la peinture. »

Voir en ligne : http://www.medecinsdumonde.org/fr/a...


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