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Déboutés du droit d’asile : le Centre Primo-Levi dénonce les failles de la procédure

Publié le lundi 21 novembre 2016 , mis à jour le vendredi 23 décembre 2016

Source : www.ash.tm.fr

Auteur : Emmanuelle Chaudieu

Date : 21 novembre 2016

« "Parmi les quelque 40 000 personnes qui sont chaque année déboutées du droit d’asile en France, certaines ont subi des actes de torture ou d’autres formes de violence politique", souligne le Centre Primo-Levi dans un rapport publié jeudi 17 novembre. Plus de 50 % des patients suivis par le centre ont ainsi été déboutés en 2015, année au cours de laquelle la France a rejeté 67 % des demandes d’asile contre 47 % en moyenne en Europe. Pourtant, notre pays est "loin d’être ’submergé’ de demandes", relèvent les auteurs, en signalant que sur 24,5 millions de personnes contraintes à fuir leur pays à travers le monde en 2015, 1,26 million ont déposé une demande d’asile en Europe, dont 74 468 en France.

Intitulé "Persécutés au pays, déboutés en France", ce document, fruit d’une enquête auprès de différents acteurs de terrain, met en lumière "les failles de la procédure qui peuvent expliquer que des personnes ayant été victimes de la torture et d’autres formes de violence politique se fassent débouter et menacer d’expulsion".

Une procédure qui manque de temps

Le rapport explique d’abord que l’exigence de "crédibilité" demandée dans le cadre de la procédure de demande d’asile se révèle "incompatible avec la réalité psychique" des personnes victimes de torture : en effet, parmi les effets de celle-ci "figurent des perturbations de la mémoire qui s’expriment souvent par des manifestations contradictoires, telles que l’amnésie (partielle ou intégrale) ou l’hypermnésie", qui sont souvent exacerbées par le stress lors des entretiens avec les officiers de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et avec les juges de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Le Centre relève en outre que les officiers de protection et les juges ne sont pas suffisamment sensibilisés aux problématiques psychiques. "Cela se manifeste dans la façon dont sont menés les entretiens, mais aussi dans le traitement différencié des certificats médicaux : plus encore que les autres, les certificats qui (ne) font état (que) de troubles psychiques semblent bien souvent mis de côté", écrivent les rédacteurs du rapport.

Par ailleurs, alors que "le temps est l’un des pré-requis essentiels pour appréhender le plus justement possible une personne qui a été victime de torture", les délais imposés entre les premières étapes de la procédure "sont souvent trop courts pour rassembler les documents et pour élaborer, écrire et faire traduire correctement le récit". Au final, "sur une procédure qui peut durer en tout jusqu’à deux ans, voire plus, il aura été offert au total deux heures ou deux heures 30 au demandeur pour expliquer son histoire, et aux juges pour décider de l’avenir d’une personne ou d’une famille !"
Autre faille constatée : les interprètes et les avocats ne sont "pas toujours à la hauteur". Le Centre Primo-Levi estime également que la liste des pays d’origine sûrs, mise en place par la réforme de 2003, est "un déni du droit d’asile". Le rapport dénonce enfin "un climat de ’désaccueil’ et de suspicion" à l’égard des réfugiés qui "n’est évidemment pas sans incidence sur le traitement des demandes d’asile". Dans ce contexte, "l’instruction est finalement souvent menée à charge, en contradiction totale avec le principe de l’asile : à travers leurs écrits et – si elle leur est donnée – leur parole, les demandeurs d’asile se retrouvent aujourd’hui soumis à la difficile tâche de convaincre les officiers de protection de l’OFPRA et les juges de la CNDA que ce qu’ils disent n’est pas un mensonge et que leurs motifs de fuite ne sont pas d’ordre économique", pointe le rapport.

Des conséquences dramatiques

Le Centre Primo-Levi s’est également intéressé aux impacts du refus, décrivant "un processus de déshumanisation réactivé". Outre la menace de l’expulsion, les déboutés du droit d’asile n’ont plus accès à l’hébergement, et ceux qui ont eu la chance d’obtenir une place en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) disposant d’un mois pour en partir. "Or quitter un lieu où l’on a vécu un an ou un an et demi implique une nouvelle fracture, d’autant plus quand on n’a nulle part d’autre où aller : le semblant de stabilité et de vie sociale qu’il apportait prend fin du jour au lendemain", écrivent les auteurs. A cela s’ajoutent les difficultés d’accès aux soins et à l’accompagnement socio-juridique.

Pour pallier ces failles, le centre formule une série de recommandations, appelant notamment à une "remise en question de la politique d’expulsion des déboutés du droit d’asile fondée sur la seule base des refus de protection qui leur sont opposés par l’OFPRA et la CNDA". Il demande en particulier un traitement plus juste des demandes de réexamen passant par un assouplissement des conditions de recevabilité de ces demandes, un entretien systématique à l’OFPRA et, enfin, la suppression du juge unique et l’instauration d’une audience systématique à la CNDA. Il recommande également la "création d’une juridiction d’appel et un contrôle effectif des décisions de la CNDA par le Conseil d’Etat".

Il appelle enfin au "respect du principe de l’accueil inconditionnel et en particulier l’accès des personnes déboutées au dispositif d’hébergement d’urgence" et prône "l’introduction, le financement et la valorisation de missions d’accompagnement social auprès des étrangers quelle que soit leur situation", ainsi que la mise en place d’une couverture santé pour tous, avec un accès non discriminatoire à l’ensemble des prestations de santé. »

Voir en ligne : http://www.ash.tm.fr/actualites/det...


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