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Directive « retour » : quel bilan de cinq années intenses en contentieux ?

Publié le lundi 9 janvier 2017 , mis à jour le mardi 14 mars 2017

Source : www.dalloz.fr

Auteur : Sylvain Humbert, Magistrat au tribunal administratif de Montreuil

Date : 9 janvier 2017

Revue française de droit administratif (RFDA) n°6/2016

« Adoptée en 2008, la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (1), mieux connue sous le nom de directive « retour », est entrée pour l’essentiel en vigueur le 24 décembre 2010 (2), en ouvrant une nouvelle ère pour les étrangers et leurs juges, en France comme dans l’Union européenne. « Directive de la honte » pour certains, complément naturel de l’acquis de Schengen pour d’autres, cet instrument de droit de l’Union européenne a profondément renouvelé l’approche du droit des étrangers. En posant des bases communes pour l’éloignement des étrangers relevant de la catégorie des « ressortissants de pays tiers », selon la double préoccupation de l’efficacité et du respect des droits fondamentaux, la directive retour s’est retrouvée applicable avec, dans son sillage, l’ensemble des principes généraux du droit et plus généralement les règles du droit primaire de l’Union européenne.

L’entrée en vigueur de la directive « retour » s’est faite en plusieurs étapes, en raison des (in)capacités françaises à transposer dans les temps les directives : après un premier temps où les autorités françaises ont fait les frais de l’impossible « invocabilité directe descendante » des dispositions d’une directive non transposée, la mise en oeuvre de la transposition nationale de la directive, résultant de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (dite « loi Besson ») et des décrets n° 2011-819 (3) et 2011-820 du 8 juillet 2011, a donné lieu à des clarifications à la fois par le Conseil d’État et la Cour de cassation. Le cinquième anniversaire de ces mesures de transposition appelle un bilan.

[...].

  • Qu’en est-il après cinq années de contentieux ?

[...]

Que reste-t-il de honteux ?

Il faut bien reconnaître que la directive a pu apparaître comme n’étant pas à la hauteur de la proclamation du respect des droits fondamentaux qu’elle s’assigne comme objectif, en autorisant la rétention des mineurs isolés, en plus de la rétention des familles (art. 17).

La gradation entre l’article 15 de la directive, relatif aux ressortissants de pays tiers placés en rétention selon le droit commun, qui autorise la rétention sous réserve de l’absence « d’autres mesures suffisantes mais moins coercitives » (§ 1), et l’article 17 relatif à la rétention des mineurs et des familles, pour lesquels la rétention n’est possible qu’« en dernier ressort et pour la période la plus brève possible » (§ 1), tend à rendre la rétention des mineurs, isolés ou non, comme tout à fait exceptionnelle. Mais elle n’est incontestablement pas impossible.

L’intérêt supérieur de l’enfant, résultant de l’article 3 de la Convention de New York sur les droits de l’enfant, peut conduire à regarder la rétention des mineurs avec leurs parents comme davantage dans l’intérêt de la famille et des enfants qu’une séparation. Au nom du réalisme, ne serait-ce que pour prévenir toute stratégie d’instrumentalisation des enfants pour éviter l’exécution d’un éloignement, il paraît difficile d’exclure absolument la possibilité de placer en rétention des familles pour la seule raison qu’il s’agit de famille.

Justifier en revanche la rétention des mineurs isolés semble bien plus ardu. Sur ce point précisément, la Cour de justice de l’Union européenne ne pourrait-elle pas généraliser ce que la Cour européenne des droits de l’homme a estimé dans l’affaire Popov c/ France du 19 janvier 2012 (11), en jugeant la rétention pendant quinze jours d’enfants mineurs en bas âge avec leurs parents, certes dans les circonstances particulières de la rétention dans un centre caractérisé par de mauvaises conditions d’accueil, comme contraire à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, à l’occasion d’une question préjudicielle mettant par exemple en cause le respect par la directive du droit primaire de l’Union, et notamment de la Charte des droits fondamentaux (12) ? Il faut noter en effet que la directive fixe des garanties dans la ligne de l’arrêt Popov, pour ce qui concerne les familles. Mais pour les mineurs isolés, le principe même de la rétention peut paraître en soi disproportionné, quelles que soient les garanties envisageables et sans que soit sur ce point tenté un rapprochement avec le maintien en zone d’attente, qui conserve des différences significatives avec l’éloignement du fait de l’absence d’antériorité du séjour sur le sol européen.

Abstraction faite de la rétention des mineurs, la dimension protectrice de la directive « retour » doit être soulignée, dans sa conception initiale comme dans l’interprétation qu’en donne au fil des questions préjudicielles la Cour de justice, ainsi que cela ressortira infra.

[...] »

Voir en ligne : http://www.dalloz.fr/documentation/...


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