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Dispositif d’accueil de jeunes lycéens mineurs isolés étrangers

L’accueil et l’accompagnement de mineurs étrangers isolés par Urgence Jeunes

Publié le lundi 24 juillet 2017 , mis à jour le lundi 24 juillet 2017

Source : Après-demain 2017/3 (N ° 43, NF), p. 50-51.

Auteur : Patrice Lemeux

Date : Juillet 2017

« Au cours de l’hiver 2014-2015 plusieurs dizaines de jeunes mineurs isolés étrangers, tous scolarisés dans différents lycées parisiens étaient repérés par les équipes pédagogiques comme vivant dans des abris de fortune ou à la rue.

De nombreux enseignants, collectifs, syndicats lycéens, associations étaient mobilisés pour leur apporter des aides d’urgence, mais les questions du logement de ces jeunes et de leur accompagnement dans les nombreuses démarches administratives et sociales nécessaires à la résolution de leurs difficultés restaient entièrement posées.

Leur accès au dispositif de protection de l’enfance leur était refusé ou leur avait été retiré mais par ailleurs leur accès aux dispositifs d’hébergement d’urgence pour adulte s’avérait impossible ou inapproprié du fait de leur minorité.

C’est alors que face à cette situation humainement inacceptable, un dispositif d’hébergement exceptionnel et temporaire est mis en place par l’État et la ville de Paris.

Un dispositif conjoint

Conjointement, les services de l’Éducation nationale, de la Préfecture (DRIHL : direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement) et de la ville de Paris (DASES : direction de l’action sociale de l’enfance et de la santé) ont organisé et financé un dispositif d’hébergement et d’accompagnement social en faveur de 30 jeunes dans un premier temps. 100 places sont actuellement mobilisées. Conjointement encore, ces services coordonnent les admissions sur le dispositif ainsi que le développement de ses capacités d’accueil. Chaque jeune est pris en charge jusqu’à l’obtention d’un premier diplôme et l’organisation positive de sa sortie vers le logement ou à défaut vers un dispositif d’hébergement de droit commun adapté.

Des jeunes en marge des dispositifs préexistants

Les jeunes accueillis étaient auparavant hébergés dans des centres d’urgence parisiens, pour quelques-uns, ou étaient le plus souvent dépourvus de toute solution.

Ils ne faisaient pas ou plus l’objet d’une prise en charge de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), faute pour eux d’apporter la preuve de leur identité, de leur âge. La plupart des jeunes n’avaient en leur possession qu’un extrait d’acte de naissance, dont l’authenticité était contestée (bureau de la fraude documentaire). Si l’authenticité du document pouvait être établie, l’appartenance de ce document à son porteur n’était pas prouvée. L’expertise « d’âge osseux » apportait quant à elle des résultats souvent défavorables au jeune. (Tribunal pour enfant)

Les demandes de carte d’identité consulaire et de passeport sont des démarches qui durent de nombreux mois, du fait de la nécessité de faire venir du pays d’origine des extraits de naissance, jugements supplétifs ou autres documents d’état civil. Certains pays n’acceptent d’établir de passeport que sur leur territoire mais pas dans leurs représentations en France.

Ces démarches sont le préalable indispensable à toute demande de régularisation de leur situation administrative, en termes de droit au séjour des étrangers auprès de la Préfecture de Police.

Il est à noter que tous les jeunes qui ont, depuis leur arrivée à Urgence Jeunes, obtenu un Passeport ou une carte d’identité de leur consulat, ont ainsi vu confirmée l’identité qu’ils avaient déclarée.

La place centrale de la scolarité

Les scolarités sont très investies par les jeunes, on ne constate qu’un faible absentéisme, ils obtiennent des résultats satisfaisants, le taux de réussite aux examens est élevé, seuls deux jeunes ont échoué.

Les jeunes non francophones ou n’ayant jamais été scolarisés sont affectés dans des classes d’accueil spécialisées qui leur permet en une année voire deux, d’atteindre le niveau requis pour intégrer une scolarité aboutissant à un CAP.

Les métiers envisagés par les formations suivies se situent dans les domaines les plus divers, des services à la personne, de la restauration, des métiers de bouche, de l’industrie, du bâtiment, des espaces verts, donc le plus souvent des métiers en tension.

Nous encourageons vivement l’apprentissage, formation en alternance rémunérée chaque fois que possible.

La nécessaire prise en charge globale

Chaque jeune accueilli bénéficie d’un hébergement en chambre ou appartement partagé, un référent social de l’équipe assure son accompagnement sur toute la durée de la prise en charge. Les psychologues de l’association sont également à la disposition de chaque jeune qui le souhaite. Nombre de ces jeunes ont vécu dans leur pays et durant leur périple pour gagner l’Europe, des évènements violents qui les ont profondément affectés.

Tant que la situation administrative ne permet pas d’accéder à des ressources de droit commun, revenus d’activité ou aides sociales, chaque jeune reçoit une allocation représentant environ 200 € mensuels, sous forme de tickets service et d’aides en espèces. L’accès aux restaurants solidaires de la ville de Paris est offert à chaque jeune. L’éducation nationale prend en charge les frais de cantine et les principaux frais liés à la scolarité.

L’association grâce à une subvention de la Fondation Seligmann va contribuer à la mise à disposition de fournitures scolaires de bases, et à la mise à disposition de matériel informatique, PC et tablettes, sous forme de prêt.

Les jeunes sont éligibles à la bourse des lycées dans la plupart des cas, toutefois l’absence de représentant légal ne permet pas aux mineurs de la percevoir. Dans ce cas l’association intervient sous forme d’aides régulières, carte Navigo, ou d’aides exceptionnelles pour faire face aux dépenses les plus urgentes, telles que des vêtements d’hiver, les frais d’établissement des passeports et autres documents d’identité, les frais de dépôt de dossier à la Préfecture de Police, soins et médicaments non remboursés notamment.

Bien que les démarches soient parfois longues et complexes, chaque jeune bénéficie d’une protection sociale assurée par l’aide médicale de l’État (AME). Dans l’attente de ces droits, des consultations médicales sont organisées par des associations telle Médecins du monde, et les permanences d’accès aux soins de santé des hôpitaux publics parisiens (AP-HP consultations généralistes ou spécialisées, bucco-dentaires et psychiatriques).

Quelques chiffres :

Depuis la création de ce dispositif à UJ, 102 jeunes ont été accueillis, une trentaine d’entre eux ont pu être réorientés vers une prise en charge de l’ASE (minorité reconnue par le juge des enfants)
Le public est très largement masculin, moins de 5 % de jeunes femmes accueillies.
Au 1er janvier 2017, 29 jeunes étaient mineurs.
46 jeunes ont pu obtenir un passeport.
21 jeunes ont pu obtenir un titre de séjour ou un récépissé en tenant lieu (le plus souvent titre de séjour étudiant).
10 jeunes sont en formation en alternance rémunérée.
10 jeunes sont positionnés par les services de la DRIHL ou le SIAO (service intégré d’accueil et d’orientation) sur un relogement en foyer de jeunes travailleurs ou en résidence sociale et sont dans l’attente d’une décision favorable des bailleurs sociaux.

Conclusion : l’indispensable accompagnement administratif

Les perspectives d’insertion des jeunes lycéens et donc de sortie positive de ce dispositif spécifique, sont favorables si l’on prend en compte les deux facteurs principaux d’insertion que constituent leur investissement scolaire d’une part et leur volonté d’intégration d’autre part.

La réussite de la scolarité des jeunes est manifeste tant en ce qui concerne leur assiduité que leurs résultats et leur succès aux examens de fin d’année.

Leur volonté d’intégration est confirmée aussi par leurs progrès linguistiques mais également par une occupation adaptée du logement mis à leur disposition et une capacité à gérer leur quotidien et leur budget, quoique modique, de manière autonome.

Cependant l’obtention du diplôme ne permettra pas de stabiliser leur situation globale ; en effet, dépourvus de titre de séjour et par conséquent de droit au travail, ils ne pourront s’insérer durablement sur le territoire.

Ainsi la poursuite de leur accompagnement dans les démarches administratives de régularisation pourra s’avérer nécessaire si l’on veut aboutir à une véritable insertion dans l’emploi et le logement. »

Article disponible en format pdf :

Voir en ligne : https://www.cairn.info/revue-apres-...


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