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Des enfants et adolescents en quête de protection

Publié le lundi 11 septembre 2017 , mis à jour le lundi 11 septembre 2017

Source : www.medecinsdumonde.org

« Un mineur non-accompagné (MNA) est un enfant de moins de dix-huit ans qui a été séparé de sa famille et n’est pas pris en charge par un adulte investi de cette responsabilité par la loi ou la coutume. L’absence de protection pour ces mineurs particulièrement vulnérables constitue une atteinte grave à la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.

AU DÉPART

Les mineurs isolés en France viennent pour la plupart d’Afrique subsaharienne francophone (Mali, Guinée, Côte d’Ivoire, Cameroun, RDC) mais aussi d’Afghanistan, du Pakistan, du Bangladesh, d’Érythrée, du Soudan, d’Angola, de Syrie, du Nigeria où ils ont fui le plus souvent la guerre, la précarité, les discriminations ou encore les violences familiales.

75% d’entre eux ont pris seuls la décision de migrer1 sans en informer leur famille, pour croire en un autre avenir.

Parce qu’ils ont fait l’expérience de parcours migratoires parfois longs, éprouvants et dangereux et qu’ils ont dû survivre dans des conditions de forte précarité lors du trajet ou à leur arrivée en France, ces jeunes constituent un public fragilisé, surexposé à des risques sanitaires et aux troubles post-traumatiques.

Nombreux sont ceux qui sont passés par la Libye et confirment avoir vécu l’expérience la plus traumatisante de leur parcours. Près d’un mineur sur deux aurait été kidnappé et torturé dans ce pays. Alors que la majorité souhaitait y rester, elle n’a souvent qu’une solution : fuir et se réfugier en Europe.

À L’ARRIVÉE EN FRANCE : NOUVELLES RUPTURES ET VIOLENCES INSTITUTIONNELLES
Chaque mineur en danger en France, étranger ou non, a droit à une protection de la part des autorités, devoir qui revient à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE).

En 2016, 8 054 MNA ont intégré les services de protection de l’enfance mais très vraisemblablement autant de mineurs, si ce n’est plus, ont été laissés sans protection. 60% des MNA qui sollicitent une protection voient leur minorité/isolement contestés et sont exclus des dispositifs de protection (80% environ à Paris)3. Ils passent souvent de longs mois à la rue, avant de voir, pour nombre d’entre eux, leur minorité reconnue par un juge et intégrer enfin la protection de l’enfance.

« Le premier accueil, pensé comme un sas dans une logique de tri, renforce la vulnérabilité de ces adolescents particulièrement fragiles, plutôt qu’elle ne l’atténue. »
Lorsqu’ils sont hébergés provisoirement, ce qui n’est pas toujours le cas, ils le sont souvent dans des conditions déplorables. Tous les ans, des alertes sanitaires sont adressées aux autorités pour faire cesser la mise à l’abri des MNA dans des hôtels à bas coût (17 euros la nuit, sans douche), insalubres (parasites dans la literie générant des épidémies de gale), situés dans des quartiers inadaptés où les jeunes sont surexposés (à Pigalle par exemple pour les jeunes filles). Ils errent dans la journée et se sentent très isolés dans ces lieux, effrayés par la proximité avec des adultes parfois malveillants, malmenés par les hôteliers, d’autant plus qu’ils n’ont ni suivi éducatif, ni accès aux soins ou aide à l’ouverture de leurs droits. Ce « premier accueil » accentue leur situation de danger et aggrave leur état de santé déjà fragilisé.

Contrairement à ce que la loi prévoit, aucun examen du danger n’est effectué via une évaluation des risques sur la santé, la sécurité ou la moralité (traite, exploitation, drogue…) auxquels le jeune serait exposé. Loin d’être un temps de répit et de mise en confiance, « le premier accueil », qui dure souvent plusieurs mois, est uniquement destiné à évaluer leur âge et leur isolement en France. La présomption de majorité ou de fraude est quasi-systématique. Lors des entretiens d’évaluation, des détails extrêmement précis sont demandés aux jeunes qui ne sont pas en mesure, en raison de leur état psychologique, de restituer leur récit sereinement et de façon cohérente. La simple analyse de leur apparence physique durant l’entretien (vêtements, pilosité, posture…) suffit parfois à remettre en cause leur minorité et mène à des conclusions totalement subjectives voire farfelues.

En cas de doute, alors même que certains de ces jeunes possèdent des papiers d’identité authentiques, les autorités ont recours à des tests osseux, pourtant reconnus par la communauté scientifique4 comme non fiables, dont la marge d’erreur s’élève à 18 mois et basés sur un protocole établi dans les années 30.

« En cas de doute, alors même que certains de ces jeunes possèdent des papiers d’identité authentiques, les autorités ont recours à des tests osseux. »
L’évaluation des MNA semble être une variable d’ajustement utilisée en fonction des capacités d’accueil. Elle alimente les discours de rejet sur la charge prétendument insurmontable que constituent les MNA. Pourtant, ils ne représentent que 6 à 10% des jeunes accueillis par l’ASE en France5.

Quand leur minorité n’est pas reconnue par les autorités, ces jeunes se retrouvent exclus de toute prise en charge. Ni mineurs, ni majeurs, ils ne peuvent faire valoir aucun de leurs droits ce qui compromet gravement leur accès aux soins de santé somatiques et psychologiques.

L’annonce du refus et la remise en cause de leur identité et de leur récit créent une nouvelle rupture chez les MNA et peut les précipiter dans un état psychique alarmant (sidération, passage à l’acte suicidaire…). Leurs parcours de soins sont chaotiques (difficultés d’accès à une couverture maladie, traitements compromis ou impossible à mettre en place tant que les conditions de vie restent instables...) et du fait de l’absence de référent parental certaines interventions lourdes seront suspendues.

NOTRE ACTION

Au travers de nos programmes dédiés à ce public à Caen, Nantes, Paris et Rouen mais aussi dans ses centres d’accueil et de soins, Médecins du Monde a rencontré en 2016 plus de 600 MNA dans 20 villes de France.

Nos équipes apportent un soutien psychologique, médical et social aux mineurs sans protection ou faisant face à des difficultés dans le cadre de leur prise en charge. En plus de proposer un accueil, des consultations et des activités psychosociales aux MNA, Médecins du Monde milite pour l’amélioration des politiques d’accueil en vue de garantir leur accès aux droits et aux soins :

Le premier accueil des MNA dans des conditions dignes et sécurisantes doit être inconditionnel et garantir un temps de répit permettant l’émergence d’une relation de confiance et la diffusion d’une information claire. Un bilan de santé doit être établi et l’accès aux soins doit être garanti.
L’évaluation des critères de danger, des risques et des besoins des MNA doit être pluridisciplinaire et basée sur des éléments objectifs. Une évaluation plus fine nécessite que les services de protection se soient préoccupés des troubles somatiques et psychologiques auxquels les jeunes sont exposés à leur arrivée. Les tests osseux doivent être interdits. »

Voir en ligne : http://www.medecinsdumonde.org/fr/a...


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