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La Seine-et-Marne attaquée en justice pour l’abandon des jeunes migrants

Publié le lundi 3 septembre 2018 , mis à jour le lundi 3 septembre 2018

Source : France Inter

Date : 03 septembre 2018

Auteur : Sara Ghibaudo

Présentation :

La Ligue des droits de l’homme et le Gisti saisissent le tribunal administratif pour dénoncer l’abandon des jeunes étrangers par le département de Seine-et-Marne. Face à l’afflux de jeunes mineurs isolés, le Conseil général avait décidé l’année dernière de ne plus les prendre en charge à leur majorité.

Fodé (le prénom a été changé) était hébergé depuis 2016 par une association qui dépend de l’aide sociale à l’enfance de Seine-et-Marne. Mais le 1er juin, il a eu 18 ans, et il a dû quitter les lieux. Ayant refusé l’hôtel miteux et surpeuplé (à trois par chambre se souvient-il) proposé comme hébergement d’urgence, il a posé ses sacs, un soir vers 23H, dans une gare. C’est un passant qui a eu pitié de lui, qui l’héberge pour le moment : "J’étais à la gare, tout seul avec mes bagages, je ne savais pas où aller. Heureusement il y a le monsieur qui est venu me demander pourquoi [j’étais] là, si [j’étais] migrant, je [venais] d’arriver... Je lui dis ’non, ça fait trois ans que je suis là, mais ils m’ont mis dehors !’ Il y a plein de jeunes dans le 77, à 18 ans on les met à la rue. En pleine année scolaire, on te dit, ’ben là, tu sors !’"

Fodé a quand même décroché son CAP (maintenance des bâtiments de collectivités), et voudrait enchaîner sur un bac pro électricité. Même s’il s’inquiète de ne pas pouvoir rester très longtemps chez son bienfaiteur, sa priorité est à l’entendre de trouver un patron qui le prenne en apprentissage : "Je me pose la question de comment je vais faire cette année. J’aurais voulu faire la rentrée avec les jeunes, avec les amis. Au lycée, j’étais toujours le premier, raconte-t-il en souriant. Il y a des professeurs qui me soutenaient, qui me disaient ’c’est pas facile en France, il faut tenir le coup’ mais... j’espère pouvoir continuer".

Les associations dénoncent une politique discriminatoire

Son avocate Ambre Benitez a déjà saisi le tribunal administratif pour que Fodé continue à être aidé par le Conseil Général. Un jeune sans soutien familial qui veut poursuivre ses études et qui n’est pas encore autonome se voit normalement proposer un "contrat jeune majeur", avec un accompagnement (hébergement, financier, éducatif) possible jusqu’à 21 ans. Dans le département, le Collectif 77 de soutien aux mineurs et jeunes majeurs étrangers suit une trentaine de jeunes étrangers, mineurs et majeurs, confrontés à ces difficultés de prise en charge (le collectif affirme que des mineurs se seraient vu refuser un contrat d’apprentissage, que le département doit signer en tant que tuteur légal).

Aujourd’hui, avec la Ligue des droits de l’homme et le Gisti, c’est bien la politique du département de Seine-et-Marne qui est attaquée devant le tribunal administratif de Melun, via une circulaire du Conseil Général. Cette note, datée du 16 juin 2017, donne pour instruction de "faire sortir des dispositifs ASE (NB aide sociale à l’enfance) les jeunes majeurs non accompagnés pour les orienter vers les structures d’hébergement d’urgence de l’État", et de "suspendre les CJM (NB contrats jeunes majeurs) pour les mineurs non accompagnés qui auront 18 ans en 2017".

Le cas de Fodé, et d’autres dont des avocats et le collectif ont eu connaissance, montrent que les consignes ont bien été appliquées, même si le Conseil Général assure n’avoir pas mis en oeuvre cette politique de manière "systématique". Me Ambre Benitez espère que la justice y mettra un coup d’arrêt : "On essaye de démontrer que toute la politique mise en place depuis un certain temps est discriminatoire, pour éviter que de nouveaux jeunes soient confrontés à cette situation et à une mise à la rue le jour de leurs 18 ans, et puissent bénéficier des mêmes aides sociales que les autres jeunes, indépendamment de leur nationalité".

La Seine-et-Marne met en avant qu’elle accueille plus de 600 mineurs et jeunes majeurs étrangers, un chiffre qui avait fortement augmenté en 2016 après le démantèlement de la "jungle" de Calais. Comme d’autres départements, elle est confrontée à des dispositifs d’accueil saturés, et à un coût financier qui a presque triplé en trois ans (il devrait atteindre près de trente millions d’euros cette année). La note attaquée précise aussi qu’il s’agit de "mettre l’État face à ses responsabilités". "Ce coup de poing sur la table a fait réagir" se félicite-t-on d’ailleurs au Conseil général. Un an après, en juin dernier, le département et la préfecture ont signé un protocole, l’État a promis de contribuer à la prise en charge des jeunes migrants. Fodé lui, espère encore trouver un hébergement, un lycée et un patron pour continuer son apprentissage.

A écouter en ligne iciou ci-dessous :

Voir en ligne : https://www.franceinter.fr/emission...


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