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Justice des mineurs : des pistes parlementaires pour la réforme

Publié le jeudi 21 février 2019 , mis à jour le jeudi 21 février 2019

Source : Dalloz Actualité

Date : 21 février 2019

Auteur : Pierre Januel

«  La mission des députés sur la justice des mineurs a rendu hier matin ses conclusions. Un rapport qui vient dans un calendrier bousculé par la réforme précipitée de l’ordonnance de 1945 pour créer un code de justice des mineurs. Parmi les pistes : un âge de responsabilité pénale des mineurs et une nouvelle procédure sans mise en examen.

Le constat posé par les députés Jean Terlier (LREM) et Cécile Untermaier (PS) est proche de celui de nombreux autres rapports. Le nombre d’affaires impliquant des mineurs est stable : 3,6 % des mineurs de plus de dix ans ont été impliqués dans une affaire pénale. 782 mineurs étaient écroués au 1er janvier 2019, à 80 % des prévenus. Il y a une augmentation des procédures rapides et un développement des mesures ordonnées par le juge dès la première convocation, avant le jugement, qui ont augmenté de 50 % en dix ans.

Le rapport note la « judiciarisation croissante de la réponse apportée aux comportements des mineurs ». Ainsi l’éducation nationale informe de plus en plus fréquemment le parquet de délits intervenus dans l’enceinte scolaire. Mais les rapporteurs peinent à justifier le durcissement de la réponse pénale à la délinquance juvénile qui s’expliquerait « notamment par la mutation du profil des mineurs ». Par ailleurs, environ la moitié des mineurs pris en charge pénalement ont également fait l’objet d’un suivi au titre de l’enfance en danger. (...)

Des propositions pour réformer l’ordonnance de 45

Cette mission a été lancée à l’été dernier, quand la réforme de la justice des mineurs était encore lointaine. (...) La mission se retrouve ainsi contrainte à faire des propositions sur une réforme qui devra aboutir dans les six mois.

Plusieurs pistes sont proposées par les députés. D’abord, le texte existant est dénoncé pour ses incohérences, qu’il faudra gommer (imputation de la durée passée en CEF sur la détention provisoire, voie officieuse, admonestation).

Actuellement, le droit français ne fixe pas un âge de la responsabilité pénale, qui dépend d’un discernement de l’enfant, laissé à l’appréciation du juge. Le seuil de treize ans (qui correspond à l’âge minimal d’incarcération) est régulièrement évoqué. Si le député LREM n’y est pas favorable, la socialiste Cécile Untermaier défend un tel seuil, considérant qu’il revient au législateur de le fixer, souhaitant clarifier le droit des mineurs et mieux nous conformer au droit international. Mais cela signifierait que les délinquants plus jeunes seraient pris en charge au titre de l’assistance éducative (gérée par les départements) ou qu’il faudrait renforcer les compétences civiles de la PJJ.

En 2011, le Conseil constitutionnel a interdit qu’un même juge instruise et prononce la peine, ce qui était une spécificité de la justice des mineurs. Cette censure a conduit à des modalités très différentes entre les tribunaux : certains ont formé des binômes de magistrat (l’un instruit, l’autre juge), d’autres magistrat instruisent et jugent (mais font signer l’ordonnance de renvoi par un autre juge) et d’autres font siéger un juge non spécialisé au tribunal pour enfants. L’une des pistes envisagées est la mise en place d’une nouvelle procédure sans distinction entre phase d’instruction et phase de jugement : une première audience se prononcerait sur la culpabilité du mineur et l’indemnisation de la victime et une seconde, six mois après, sur la sanction en tenant compte de l’évolution du mineur. La phase actuelle de mise en examen serait supprimée. Ce dispositif permettrait d’éviter les détentions provisoires trop longues. Mais pour les députés il « conviendra de ne pas rendre obligatoire cette nouvelle procédure » et de renforcer les moyens. Le juge pourrait alors avoir le choix entre la procédure de convocation par OPJ aux fins de jugement, la nouvelle procédure de jugement à peine différée ou la procédure actuelle de mise en examen.

Le député Jean Terlier (LREM) souhaite un bilan sur la procédure de présentation immédiate de mineur pour éventuellement faire évoluer ses conditions d’application. Les deux députés veulent également développer les sanctions pouvant être prononcées par le juge des enfants en cabinet sans renvoi obligatoire au tribunal pour enfants (stages, les amendes et des travaux d’intérêt général) et permettre au juge des enfants de rendre, concernant un mineur de seize ans révolus, un jugement en chambre du conseil pour tous les délits.

Les rapporteurs souhaitent aussi « accroître la formation spécifique des magistrats des parquets pour mineurs et envisager une spécialisation de ces magistrats ». La mission propose de confier les compétences en matière de prévention spécialisée de la délinquance à la PJJ. Pour développer le travail partenariat, le dossier unique de personnalité du mineur pourrait être accessible, dans une version simplifiée, aux forces de l’ordre et la notion de « secret partagé » redéfinie. Enfin, les députés souhaitent restreindre l’accès aux fichiers de police TAJ afin d’éviter qu’il puisse être un frein à la réinsertion de l’ancien mineur.

L’habilitation est contenue dans le projet de loi adopté définitivement lundi soir. Si le Conseil constitutionnel valide l’habilitation (qui reste large et peu précise), le gouvernement aura six mois pour publier ses ordonnances. La ministre Nicole Belloubet lancera dans les prochains jours, une concertation sur ce code de la justice penale des mineurs.

Synthèse des propositions

  • Créer davantage de classes relais pour prendre en charge les mineurs en situation de décrochage scolaire avancé ;
  • Accroître la formation spécifique des magistrats des parquets pour mineurs et envisager une spécialisation de ces magistrats sur le modèle des juges des enfants ;
  • Simplifier les mesures et les procédures de l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante dans le cadre d’un nouveau code de justice pénale des mineurs ;
  • Faire du jugement à peine différée la procédure de principe devant le juge des enfants, tout en lui laissant la possibilité de recourir à la convocation par officier de police judiciaire aux fins de jugement pour les affaires simples et de prononcer une mise en examen pour les affaires complexes ;
  • Développer les sanctions pouvant être prononcées par le juge des enfants en cabinet en prévoyant que des sanctions telles que les stages, les amendes et des travaux d’intérêt général ne nécessitent plus un renvoi obligatoire au tribunal pour enfants ;
  • Modifier l’article 8 de l’ordonnance de 1945 afin de prévoir que le juge des enfants puisse, pour les mineurs âgés de seize ans révolus, rendre un jugement en chambre du conseil tant que la peine encourue est inférieure ou égale à dix ans ;
  • Stabiliser des effectifs dans les CEF avec une revalorisation du statut, garantir un niveau adéquat de personnels d’encadrement, former les éducateurs à une intervention en milieu fermé ;
  • Mettre en place une véritable évaluation des parcours des jeunes accueillis dans les CEF ;
  • Confier les compétences en matière de prévention spécialisée de la délinquance à la PJJ afin de garantir son égale application sur l’ensemble du territoire ;
  • Garantir un socle de formation commun aux éducateurs intervenant en protection de l’enfance et dans le cadre de l’enfance délinquante ;
  • Utiliser les procédures disciplinaires en milieu scolaire pour prévenir la délinquance des mineurs ;
  • Encourager les chefs d’établissement à organiser la rencontre des mineurs exclus temporairement ou définitivement de leur établissement scolaire avec un éducateur ;
  • Mettre à profit le temps de l’exclusion pour mettre en place un accompagnement éducatif ;
  • Former spécifiquement les enquêteurs et les agents au traitement des mineurs délinquants ;
  • Développer les pôles psycho-sociaux dans les commissariats et les gendarmeries ;
  • Préciser la composition des CLSPD pour y inclure les acteurs de terrain autour de diverses thématiques et permettre aux parlementaires d’y assister ;
  • Promouvoir la création de GLTD dans les quartiers difficiles, notamment dans le cadre de la nouvelle stratégie de la police de sécurité du quotidien ;
  • Encourager l’information des services de police et de gendarmerie des suites données à leurs interventions ;
  • Mettre en place un fichier permettant au juge de disposer en temps réel du nombre de places disponibles dans les divers établissements ;
  • Favoriser la publication à destination des citoyens, du rapport d’activité de la juridiction ;
  • Redéfinir la notion de secret partagé dans le champ de la lutte contre la délinquance des mineurs ;
  • Mettre en place un fichier unique de suivi, ouvert à la première mesure, civile ou pénale ;
  • Identifier un éducateur référent à son ouverture ;
  • Harmoniser les référentiels d’évaluation partagés entre les différents acteurs ;
  • Améliorer le suivi des jeunes majeurs en maintenant un éducateur référent entre 18 et 21 ans ;
  • Restreindre l’utilisation du fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ) à des fins d’enquête administrative pour les mineurs.
  • Proposition de Mme Cécile Untermaier : fixer à treize ans l’âge de la responsabilité pénale des mineurs ;
  • Proposition de M. Jean Terlier : dresser un bilan statistique de l’utilisation de la procédure de présentation immédiate de mineur afin de nourrir une réflexion sur une éventuelle évolution de ses conditions d’application.  »

Voir en ligne : https://www.dalloz-actualite.fr/fla...


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