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Contrôleur général des lieux de privation de liberté : Publication du rapport d’activité 2018

Publié le jeudi 9 mai 2019 , mis à jour le lundi 13 mai 2019

Source : CGLPL

Date : dossier de presse publié le 27 mars 2019 ; rapport intégral publié le 09 mai 2019

Présentation :

« La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté publie son rapport d’activité pour 2018.

Adeline Hazan a remis ce rapport au Président de la République (le 19 mars) ainsi qu’au Président du Sénat (le 12 mars). Il a également été adressé au Président de l’Assemblée nationale.

Ce rapport, présenté le 27 mars à la presse, est publié aux éditions Dalloz. Il est disponible en librairie. Il sera téléchargeable sur le site du contrôle à partir du 9 mai 2019 (délai conventionnel accepté pour ne pas interférer avec les actions promotionnelles de l’éditeur). »

Extraits :

« Avant-propos

(...) Malgré plusieurs condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’homme en raison du placement en rétention de familles avec enfants, ni le Gouvernement ni le législateur n’ont eu le courage de poser une interdiction de principe de la rétention des mineurs. On sait pourtant que cette possibilité n’est qu’une facilité administrative utilisée par certaines préfectures. Depuis 2013, le nombre de mineurs étrangers enfermés avec leurs familles dans les centres de rétention administrative ne cesse de croître, sans considération de l’atteinte à l’intégrité psychologique qu’entraîne nécessairement le placement d’un enfant en CRA. C’est pourquoi le CGLPL persiste à recommander, comme il le fait depuis 2012, que l’enfermement des enfants dans les CRA soit interdit, et que seules des mesures d’assignation à résidence puissent être mises en œuvre à l’égard des familles accompagnées d’enfants.

(...)

Si le nombre global des détenus augmente, le nombre de mineurs incarcérés n’a jamais été aussi important, alors que la détention des mineurs doit être exceptionnelle.

Parmi eux, la situation des mineurs étrangers non accompagnés, qui explique en grande partie cette croissance, s’avère particulièrement inquiétante. Ces jeunes gens sont manifestement incarcérés pour des faits qui, la plupart du temps, ne conduiraient pas au prononcé d’une telle décision s’ils vivaient avec leur famille. Une fois remis en liberté, ils sont exclus des dispositifs prévus pour les mineurs, faute de prise en charge en milieu ouvert par la protection judiciaire de la jeunesse et de prise en compte par l’aide sociale à l’enfance et ils se trouvent livrés à eux-mêmes sans hébergement ni tuteur, ce qui revient souvent à les remettre aux mains de réseaux de traite.

(...)

Dans tous les lieux de privation de liberté, les textes du droit français font en principe de l’enfermement une exception : le code de procédure pénale fait de la prison une peine de dernier recours, le placement en CRA ne peut intervenir qu’en l’absence d’autre solution, le placement en soins contraint ne peut être décidé que dans le but d’obtenir le consentement aux soins, et pour les mineurs, c’est l’accueil en unité éducative ouverte qui doit être privilégié. Or, pour chacune de ces catégories, le nombre de mesures d’enfermement est en augmentation et atteint des chiffres qui n’ont jamais connu de précédent. (...)

Chapitre 1. Les lieux de privation de liberté en 2018

1. Les établissements pénitentiaires en 2018

1.1. Bilan des visites

Il arrive aussi que des travaux aient été effectués : ici de nouveaux parloirs, ailleurs la rénovation d’un bâtiment, mais ces innovations sont partielles et souvent compensées par d’autres facteurs, un accroissement de la surpopulation, un accroissement de l’absentéisme ou un manque de personnel qui interdit de tirer profit des travaux réalisés. Ainsi, dans un centre pénitentiaire, un quartier mineurs flambant neuf est inoccupé depuis plusieurs années car il n’y a pas le personnel nécessaire pour l’ouvrir et les mineurs restent hébergés dans un étage de détention pour adultes, sans les équipements nécessaires et surtout sans séparation véritable des adultes. Dans un autre établissement, des parloirs familiaux et des UVF ont été construits mais ne sont pas ouverts faute de personnel. (...)

1.3 Les mineurs en détention

En 2017, l’attention du CGLPL avait été attirée sur le fort taux d’occupation des lieux de détention accueillant des mineurs en Ile-de-France entraînant parfois un taux d’occupation supérieur à la capacité d’accueil des établissements. Considérant que les mineurs détenus ne devraient en aucun cas être confrontés à la surpopulation en raison de la spécificité de leur prise en charge qui doit reposer sur un travail éducatif individualisé et adapté, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, a interrogé le directeur de l’administration pénitentiaire sur cette forte augmentation du nombre d’incarcérations de mineurs, sur les mesures particulières mises en place dans les établissements connaissant un état de suroccupation et sur les moyens pour remédier à une telle situation.

Reconnaissant cette situation dont il ne peut maîtriser les causes, le directeur de l’administration pénitentiaire a indiqué prendre des mesures de gestion pour y faire face. Il précise notamment que pour éviter que les capacités maximales des quartiers mineurs ne soient dépassées, les DISP organisent des transferts administratifs pour répartir les mineurs détenus sur leur territoire. Par ailleurs, la direction de l’administration pénitentiaire met en œuvre une politique de transfert visant à harmoniser les taux d’occupation des quartiers mineurs et EPM de la région parisienne avec ceux des DISP environnantes qui connaissent des taux d’occupation moindres. Il précise enfin que la direction de l’administration pénitentiaire et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse travaillent à la mise en place d’une évaluation conjointe des situations individuelles avant tout transfert en veillant à la qualité des échanges d’informations entre les professionnels intervenant dans la prise en charge des mineurs et de l’information donnée aux titulaires de l’autorité parentale. Enfin il souhaite promouvoir une meilleure communication auprès des juridictions sur les lieux de détention et leurs taux d’occupation en leur rappelant la nécessité de favoriser les alternatives à l’incarcération. Il précise enfin qu’une attention particulière doit toutefois être portée au maintien des liens familiaux.

À la suite de cet échange, le CGLPL a souhaité, dans son plan de visites de 2018 porter une attention particulière à l’incarcération des mineurs. Il a donc visité les quartiers mineurs de cinq établissements ainsi que trois établissements pénitentiaires pour mineurs. Aucune de ces visites n’a confirmé de situation de suroccupation des quartiers mineurs ou des établissements pénitentiaires pour mineurs. En revanche, la population accueille dans ces établissements a très clairement augmenté depuis les visites précédentes. Un des EPM est passé d’une vingtaine à une cinquantaine de mineurs accueillis, dans un autre, en surpopulation au moment de la visite précédente, les effectifs sont revenus à la normale après une politique active de transferts en désencombrement, souvent dans l’urgence, vers les quartiers mineurs de la région, où près de 150 nouvelles places pour mineurs ont été créées, complétées par deux centres éducatifs fermés. Enfin, le troisième EPM visité hébergeait quarante-sept mineurs pour soixante places.

Ces visites ont en revanche mis en lumière quelques difficultés spécifiques liées à la prise en charge des mineurs en détention. Elles sont recensées ci-après.

1.3.1 La protection des mineurs accueillis

La protection des mineurs accueillis passe d’abord par une séparation stricte avec les majeurs. Par hypothèse, la question ne se pose pas dans les EPM. Elle n’est en revanche que très difficilement assurée dans les quartiers pour mineurs des autres établissements pénitentiaires.

Le plus souvent les quartiers mineurs bénéficient d’un étage dans une aile de détention, mais les circulations, certaines activités ou certains équipements sont partagés avec ceux qu’utilisent les majeurs. Des relations s’installent en conséquence. Les promenades fournissent souvent l’occasion d’échanges verbaux qui sont autant d’occasion de nouer des relations de dépendance, le plus souvent aggravées par des trafics, en particulier de tabac.

Dans un gros établissement de banlieue parisienne s’est même établie une sorte de féodalité dans laquelle chaque mineur semble entretenir à distance une relation privilégiée, une sorte de filiation morale ou de tutelle, avec un adulte. L’expression « mon majeur », couramment utilisée, en est l’illustration. Dans un autre quartier mineurs, il est frappant d’observer que les mineurs sont assez immobiles pendant leur promenade, restant la plupart du temps dans un espace restreint situé au pied du bâtiment qui leur permet d’échanger avec les majeurs hébergés dans les étages supérieurs. Cette cohabitation peut engendrer des conflits qui se conduisent à des règlements de comptes lorsque le mineur est appelé à être transféré chez les majeurs. Certains jeunes majeurs refuseraient en conséquence de se rendre en cour de promenade.

Dans un autre centre pénitentiaire, les mineurs placés au quartier disciplinaire se trouvent à l’étage inférieur d’un quartier d’isolement où peuvent être placés des détenus radicalisés, et il a été constaté que certains mineurs tenaient à leur sortie du QD des propos qui n’étaient pas les leurs à leur entrée. Consciente de cette difficulté, la direction a indiqué tenir compte du profil des personnes placées au quartier d’isolement pour décider du placement de mineurs au quartier disciplinaire.

La question se pose de savoir pourquoi le confinement disciplinaire en cellule n’est pas plus simplement privilégié. Dans un quartier mineurs visité, les jeunes détenus doivent être protégés les uns des autres. Pour cela, l’administration a organisé des groupes de trois à cinq jeunes, afin de limiter les risques d’agressions ; les différents groupes ne se rencontrent jamais, ni pour le sport, ni pour l’enseignement alors que le niveau scolaire au sein d’un groupe est totalement hétérogène, ce qui nuit à la qualité de la prise en charge.

Dans un des EPM visités, quatre jeunes filles étaient manifestement insuffisamment protégées car exposées à des comportements irrespectueux de la part des garçons, dix fois plus nombreux qu’elles.

1.3.2 Le cas particulier des mineurs étrangers non accompagnés

Dans de très nombreux établissements, un nombre important de mineurs étrangers non accompagnés étaient présents : 20 % dans un quartier mineurs de région parisienne, 50 % dans un EPM, un tiers dans un autre. Dans les établissements de province, les mineurs non accompagnés peuvent aussi arriver par transfert, notamment en provenance d’établissements de la région parisienne. Cette proportion est en forte croissance et explique en grande partie la croissance globale du nombre des mineurs détenus. Ces jeunes gens sont manifestement incarcérés dans un souci de protection, car, la plupart du temps, les faits qu’ils ont commis ne conduiraient pas à l’incarcération d’un enfant vivant avec sa famille.

La prise en charge prévue pour les mineurs incarcérés s’avère souvent inadaptée à ces jeunes, indépendamment des difficultés causées par la barrière linguistique. En outre, une fois libérés, ils sont exclus des dispositifs prévus pour les mineurs, faute de prise en charge en milieu ouvert par la PJJ et de prise en compte par l’ASE, notamment pour leur attribuer des places en foyers d’hébergement. Ils ne peuvent donc pas faire l’objet d’un suivi judiciaire et sont livrés à eux-mêmes sans hébergement ni tuteur.

Néanmoins, des professionnels ont développé des modalités de prise en charge intéressantes : travail de recherche sur la famille, constitution des dossiers administratifs, accompagnement spécifique sur la santé… La PJJ finance l’intervention d’interprètes mais sur ses propres lignes budgétaires au détriment du financement des activités pour tous les jeunes. En interne, ils peuvent être inclus dans des groupes scolaires adaptés (FLE – français langue étrangère). Ils sont répartis dans les différentes unités pour permettre une meilleure intégration et éviter de les stigmatiser. Parfois l’éducation nationale construit un dispositif les incluant dans des groupes scolaires adaptés, la PJJ bataille auprès des juges pour obtenir des ordonnances de placement provisoire et un suivi en milieu ouvert, l’unité sanitaire en organisant pour eux des groupes de parole. De la sorte, même en l’absence de prise en charge institutionnelle formalisée, la bonne volonté de tous se mobilise pour faire face aux besoins avec un succès inégal.

Le CGLPL recommande aux pouvoirs publics de procéder à une évaluation des difficultés liées à la prise en charge des mineurs non accompagnés et de prendre toute mesure utile pour leur accorder la protection nécessaire au regard des engagements internationaux de la France.

1.3.3 La prise en charge pluridisciplinaire

Après des difficultés de coordination entre les services pénitentiaires et ceux de la protection judiciaire de la jeunesse, le CGLPL constate que des progrès, encore incomplets, ont été réalisés. Dans les quartiers mineurs, ces deux services et ceux de l’éducation nationale font des efforts de coordination. Le responsable local de l’enseignement rencontre régulièrement les familles en marge des parloirs et leur remet des attestations de suivi scolaire qui permettent le bénéfice de prestations de la caisse d’allocations familiales.

L’administration pénitentiaire organise la prise en charge en incitant les mineurs à se lever pour participer aux enseignements, et pour favoriser la participation aux activités de la PJJ l’après-midi. Enfin, un établissement, de très grande taille, organise un suivi des mineurs devenant majeurs au moment de leur passage en détention pour adultes.

Dans la plupart des établissements visités, les équipes sont investies dans la prise en charge mais n’ont que peu de possibilités. Dans l’un des quartiers mineurs visités, les surveillants mettent tout en œuvre pour animer des activités adaptées au profil des mineurs, mais ne le font qu’avec difficulté. Dans un autre l’offre en matière d’enseignement, d’activités éducatives et sportives est très insuffisante de sorte que l’événement marquant de la journée se résume à l’activité promenade. Dans un autre cette promenade est réduite à une heure par jour et les mineurs ont dit beaucoup s’ennuyer, malgré les efforts apparents déployés par la PJJ pour proposer des activités.

Dans le meilleur des cas les activités diverses hors cellule représentent environ six heures par jour ; dans un autre établissement, un mineur bénéficie, chaque semaine, au mieux de cinq heures d’école, d’une heure de sport, de neuf heures de promenade, et éventuellement d’une heure d’activité de la PJJ, soit seize heures d’occupation. Le reste du temps, outre ses éventuelles visites au parloir, il est inoccupé en cellule ; il ne peut que dormir ou regarder la télévision.

Ces moyennes peuvent connaître des variations dans les deux sens : quelquefois l’école est supprimée en raison des charges qui retiennent les enseignants ailleurs : des réunions diverses, des surveillances d’épreuves au profit des personnes détenues majeures ou, à l’inverse, des sorties extérieures organisées pour les mineurs condamnés. Mais de telles sorties, difficiles à préparer en raison de la brièveté des séjours des mineurs en prison, sont rares.

Dans les EPM, la situation est plus complexe. Les professionnels ne sont pas toujours bien positionnés et présents et le fonctionnement de la structure repose sur quelques personnes de très bonne volonté et très impliquées. Malgré de nombreux temps d’échanges entre les institutions intervenantes et l’effort de construire un emploi du temps pour chaque mineur (remis et affiché en cellule), le fonctionnement institutionnel reste assez opaque.

L’organisation du quotidien des jeunes est un casse-tête, chaque institution ayant le sentiment que le jeune doit être pris en charge prioritairement par elle. Les agendas, pourtant fixés, peuvent changer au dernier moment. Ce fonctionnement a nécessairement des répercussions sur la vie et le comportement des mineurs qui s’engouffrent dans les nombreuses incohérences des adultes et subissent le manque d’organisation. Parfois des règles internes limitent l’accès aux activités. Ainsi dans un établissement, les groupes de plus de cinq sont interdits, ou bien les activités ne peuvent se dérouler qu’en présence d’un éducateur et d’un surveillant. Toutes ces conditions sont susceptibles d’empêcher le déroulement d’activités ou la participation d’une partie des jeunes.

De manière générale, le fonctionnement institutionnel permettant une bonne prise en charge pluridisciplinaire tend à s’améliorer. Tous les intervenants sont présents dès l’arrivée du mineur en détention, et, si les membres des équipes ne portent pas nécessairement le même regard, ils insistent sur la cohérence des actions menées dans l’intérêt des jeunes qu’ils prennent en charge. La situation de chaque jeune est en principe évoquée lors de commissions pluridisciplinaires uniques auxquelles participent l’administration pénitentiaire, la protection judiciaire de la jeunesse et des enseignants. Seuls les services médicaux ne sont présents que dans certains établissements. Il existe même un cas où les mineurs sont reçus lors de réunions de la commission pluridisciplinaire unique qui leur est consacrée mensuellement et un autre où les éducateurs du milieu ouvert sont invités.

En résumé, si l’on est en partie sorti des difficultés qui ont pu marquer la coopération interinstitutionnelle dans les années 2000, celle-ci n’a pas encore atteint toute la fluidité souhaitable.

1.3.4 Conditions matérielles de détention

Dans les quartiers mineurs, les conditions d’hébergement sont très inégales : ici le bâtiment a été conçu pour des majeurs et partagé par la suite ; là le quartier est sousdimensionné et les salles d’activité sont nettement insuffisantes ; ailleurs, les salles d’activité doivent être partagées avec les majeurs, ce qui fait peser de lourdes contraintes sur les surveillants qui doivent organiser les mouvements très précisément pour que majeurs et mineurs ne se croisent pas. Lorsque les mineurs occupent un étage de détention parmi d’autres, des détritus sont régulièrement jetés dans la cour par les majeurs hébergés dans les étages supérieurs.

Dans les établissements pénitentiaires pour mineurs, l’immobilier est récent mais vieillit mal et beaucoup de cellules sont abîmées, même s’il existe, ce qui n’est pas toujours le cas, une politique active de réparation des dégradations volontaires. Les travaux programmés sont rares, et il est surprenant de constater qu’après dix ans de fonctionnement, les matériaux choisis pour équiper les cellules sont toujours aussi fragiles, de sorte qu’ils sont cassés ou inexistants.

Dans l’un des établissements visités, on ne peut qu’être inquiet des effets du nouveau marché de gestion déléguée, dont les prestations ont été revues à la baisse quantitativement et qualitativement : le plan de remise en peinture anciennement triennal est devenu quinquennal, le personnel du prestataire va passer de cinq à trois l’an prochain, les distributions de vêtements, de produits d’hygiène et d’entretien ont été diminuées et les jeunes disent tous ne pas manger à leur faim, ce que confirment les professionnels qui les côtoient.

Les conditions matérielles de prise en charge des mineurs doivent être améliorées, mieux suivies et mieux évaluées et faire l’objet de contrôles spécifiques en raison de la nécessité de fournir un cadre éducatif adapté.

(...)

1.3.6 Les mesures disciplinaires

La discipline au sein des quartiers mineurs et établissements pénitentiaires pour mineurs fait l’objet d’interprétations et de pratiques variables ; elle est souvent relayée, mais de manière ambiguë par des « mesures de bon ordre », plus souples, plus rapides, mais moins rigoureusement appliquées.

Les bonnes pratiques en matière de discipline reposent toujours sur une réflexion préalable sur le sens de la mesure disciplinaire. Il s’agit du souci d’introduire une dimension éducative dans le cadre de la procédure disciplinaire pour susciter la réflexion du jeune sur ses actes en adoptant une attitude associant dialogue et fermeté. Il semble que cette approche soit constructive puisqu’il a été indiqué aux contrôleurs qu’un grand nombre de mineurs affectés dans un quartier mineurs qui applique une telle doctrine à la suite d’un transfert disciplinaire changent de comportement.

Des « mesures de bon ordre » (MBO) sont parfois infligées, principalement par le personnel pénitentiaire, pour incivilité ou refus de participer à une activité obligatoire ; il peut s’agir d’un retour anticipé en cellule, d’une privation de télévision ou d’activité, de travaux d’intérêt général ou d’une carence de réparation de matériel détruit en cellule.

Les comportements donnant lieu à ce type de sanction ainsi que les sanctions possibles sont parfois listés dans le livret d’accueil. Ces mesures permettent à l’administration d’apporter une réaction rapide, sans passage en commission de discipline. Les mineurs rencontrés n’ont pas émis de critiques concernant l’application de ces mesures, dont l’usage est apparu proportionné. En revanche, la procédure par laquelle ces sanctions sont décidées ainsi que leur traçabilité demeurent le plus souvent floues et les mesures prises sont parfois excessives, voire illégales, ainsi, par exemple le retrait de la seule heure de promenade proposée le samedi ou dimanche ou celui du repas collectif.

Dans la plupart des cas, le placement de mineurs au quartier disciplinaire est exceptionnel. Il est parfois accompagné d’une visite quotidienne par les éducateurs. Pourtant, dans d’autres établissements, on observe des pratiques abusives telles que l’usage disproportionné de la force, des sanctions disciplinaires incohérentes ou inadaptées, comme la privation d’enseignement ou une organisation « punitive » de la vie quotidienne au quartier disciplinaire (manque de couvertures, manque d’aération, manque de lumière, impossibilité de voir le psychologue, annulation de rendez-vous médicaux, diminution du nombre de douches, etc.).

Le CGLPL rappelle que les mesures disciplinaires appliquées aux mineurs doivent avoir une visée éducative et ne peuvent porter atteinte ni au maintien des liens familiaux, ni à l’éducation, ni au développement physique et psychique des enfants. À ce titre, le placement en quartier disciplinaire doit avoir un caractère exceptionnel.

(...)

4. Les centres et locaux de rétention administrative, les services de la police aux frontières et les zones d’attente en 2018

4.1. Bilan des visites

4.1.2 Les services de la police aux frontières

Les services de la police aux frontières qui ont été visités représentent des cas très particuliers qu’il est difficile de ramener à des principes communs : deux d’entre eux sont en Guyane et répondent aux besoins très spécifiques de ce territoire, deux autres sont situés le long de la frontière italienne et donc fortement marqués par des difficultés conjoncturelles liées à l’arrivée de personnes migrantes dans des proportions importantes, le dernier enfin est un service plus « classique » qui n’appelle que des observations habituelles.

Les services de la frontière italienne ont fait l’objet de nouvelles visites, les précédentes s’étant déroulées en 2017 en plein cœur de la période de « crise ». En 2018 les flux s’étaient réduits. Le dispositif de contrôle du secteur frontalier avec l’Italie est resté globalement inchangé. Les locaux se sont agrandis, des travaux de maintenance urgente (consolidation de cloisons et planchers) ont été faits, mais sur l’un des sites, l’espace ne bénéficie toujours pas d’équipement (éclairage, chauffage, climatisation, chaises, matelas ou couvertures) et sur l’autre les équipements ne sont pas entretenus. Des nécessaires d’hygiène ne sont fournis que sur l’un des sites et sont très incomplets, de même que les sanitaires.

À Menton, les étrangers sont toujours maintenus de 19h jusqu’au matin dans ces locaux non aménagés et avec pour simple nourriture, des madeleines et une petite bouteille d’eau qui ne sont pas distribuées de manière systématique à l’arrivée des personnes ni à intervalle régulier pendant leur enfermement. Le nettoyage est aujourd’hui formellement organisé mais réalisé de manière aléatoire en raison de l’usage intensif des lieux. Les refoulements directs à la frontière semblent avoir cessé. Les mineurs isolés ne font plus l’objet de refus d’entrée et sont systématiquement confiés à l’ASE ; une association les conduit dans un foyer. Pour autant, les mineurs accompagnés de majeurs qui ne sont pas leurs représentants légaux ne sont toujours pas considérés comme étant des mineurs isolés.

(...)

4.1.3. Les zones d’attente

Les zones d’attente visitées en 2018 sont de taille si variable qu’elles n’ont guère de points communs. Les plus petites ne comportent pas toujours de locaux d’hébergement, connaissent un faible trafic et n’appellent que des remarques habituelles sur la tenue inégale des registres, ou le caractère incomplet de la notification des droits. C’est sur la zone d’attente de Roissy que se concentrent les difficultés. Elle accueille un nombre croissant de personnes (6 997 en 2012 ; 7 930 en 2017), mais le nombre de demandes d’asile à la frontière a baissé (2 019 en 2012 ; 1 229 en 2017). Au total 66,98 % des personnes maintenues sont libérées sur le territoire national et 33 % réacheminées.

(...)

Le service est par ailleurs confronté à la difficulté de gestion des mineurs non accompagnés dont le nombre excède parfois les capacités d’accueil. Un surcroît de vigilance est déployé, mais la police est démunie, devant la situation de certains enfants, victimes de filières de traite. Les interlocuteurs de ces jeunes savent que sitôt placés dans un foyer (quand il y a de la place, ou dans un hôtel le plus souvent), ils s’évanouissent dans la nature pour rejoindre ceux qui les ont fait venir. L’enfermement des mineurs est parfois présenté comme un temps de pause dans un parcours contraint, qui pourrait être mis à profit pour que les mineurs concernés demandent protection. Ce n’est jamais le cas.

Le CGLPL rappelle la recommandation formulée au 1.3.2 du présent chapitre sur la protection des mineurs étrangers non accompagnés.

4.2 La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie

(...)

Au-delà des conditions matérielles d’hébergement dans les neuf CRA habilités à
recevoir des familles, qui se sont plutôt améliorées au fil des ans, c’est le principe même de l’enfermement de ces enfants qui doit être remis en cause, notamment en raison des traumatismes qu’il provoque et des bouleversements qu’il entraîne dans les rapports entre parents et enfants. Au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, la plupart des institutions internationales et des ONG préconisent l’interdiction de l’enfermement de mineurs étrangers. Ce n’est hélas pas le chemin que prend notre pays. Le Parlement n’a pas saisi l’occasion de projet de loi qui lui était soumis pour mettre fin à l’enfermement des enfants. (...)

Chapitre 2. Les rapports, avis et recommandations publiés en 2018

Chapitre 3. Les suites données en 2018 aux avis, recommandations et rapports du contrôleur général

Chapitre 4. Les suites données en 2018 aux saisines adressées au contrôle général

Chapitre 5. Bilan de l’activité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté en 2018

Chapitre 6. « Madame la Contrôleure générale… ». Lettres reçues

Chapitre 7. Lieux de privation de liberté en France : éléments de chiffrage

Annexe 1. Carte des établissements et des départements visités en 2018

Annexe 2. Liste des établissements visités en 2018

Annexe 3. Tableau récapitulatif des principales recommandations du CGLPL pour l’année 2018

Annexe 4. Les contrôleurs et collaborateurs en fonction en 2018

Annexe 5. Les textes de référence

Annexe 6. Les règles de fonctionnement du CGLPL

Table des matières  »

Rapport intégral disponible au format pdf ci-dessous :

Rapport_annuel_2018_CGLPL

Dossier de presse :

CGLPL_DP_rapport_annuel_2018

Photographies du rapport ci-dessous :

Photographies_CGLPL_2018

Voir en ligne : http://www.cglpl.fr/2019/publicatio...


Pour aller plus loin