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Rapport de la Coordination française du droit d’asile - « Exilé.e.s : Quels accueils face à la crise des politiques publiques ? »

Publié le vendredi 17 mai 2019 , mis à jour le vendredi 17 mai 2019

Source : Centre Primo Levi

Date : 16 mai 2019

Présentation :

«  Plus de 65,3 millions de personnes dans le monde vivent aujourd’hui loin de leur terre natale, dont elles ont été contraintes de s’exiler en raison des conflits armés, des violations des droits humains, de l’absence de perspectives d’avenir. Pour la plupart de ces personnes, tout est à reconstruire, or leurs conditions d’arrivée et de vie sont entravées par des politiques migratoires majoritairement guidées par une approche sécuritaire. Les citoyens, en particulier depuis 2015, sont nombreux à s’engager auprès d’elles sous diverses formes : aides d’urgence, soutien juridique dans l’accès aux droits, actions de plaidoyer collectives…

Pour ces acteurs et actrices mobilisé·e·s en faveur du respect des droits fondamentaux des personnes qui demandent l’asile, le rapport à l’État est un enjeu majeur.

A travers ce rapport, la Coordination française du droit d’asile (composée d’une vingtaine d’associations engagées dans l’accueil et la défense de ces personnes) propose à l’ensemble des acteurs de questionner et de mettre en contexte leurs pratiques, et de s’interroger sur les objectifs et les impacts de leurs actions – à moyen et long terme – sur la situation des personnes exilées.

Les étapes clefs de l’arrivée et de l’intégration des personnes exilées sont abordées : l’accès au territoire européen, à l’hébergement et au logement, et enfin à l’ensemble des droits indispensables à leur intégration (apprentissage du français, emploi, santé, etc.).

A chacune de ces étapes, ce rapport soulève un certain nombre de questions : quels sont les besoins des personnes concernées ? Quelle est la réponse publique apportée ? Quelles sont les logiques sous-jacentes et les carences des dispositifs mis en place ? Quelles actions la société civile mène-t-elle dans ce contexte et quelles sont les dynamiques existantes entre ces dernières et l’État ? … Finalement, la question qui sous-tend toutes les autres est la suivante : vers quoi va-t-on en matière d’accueil et d’intégration de ces personnes dont l’avenir dépend de nous tous ?  »

Sommaire :

«  Partie 1. DEMANDER L’ASILE DANS LE PAYS EUROPÉEN DE SON CHOIX

ACCÉDER AU TERRITOIRE EUROPÉEN POUR DEMANDER L’ASILE, UN DROIT ENTRAVÉ

Une politique de mise à distance orchestrée par l’Union européenne et ses États membres

  • Les instruments mobilisés par l’Union européenne pour mettre à distance les personnes exilées
  • Une modeste politique de réinstallation
  • L’espoir déçu de la relocalisation

Deux exemples de mobilisation de la société civile permettant aux personnes de demander l’asile en Europe

  • Les opérations de sauvetage en mer entravées par l’Union européenne et ses États membres
  • Le « parrainage privé »

TROUVER UN ASILE EN EUROPE, UN IMPOSSIBLE CHOIX DU PAYS D’ACCUEIL

Les obstacles physiques et administratifs mis en place par la France

  • Le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen
  • La machine infernale du règlement « Dublin »

Mobilisation de la société civile : seul recours pour pouvoir demander l’asile dans le pays de son choix

  • Les actions de soutien et de vigilance aux frontières intérieures menacées
  • L’accompagnement des personnes « dublinées »

ÊTRE HÉBERGÉ.E ET ACCOMPAGNÉ.E

LE DIFFICILE ACCÈS À UN HÉBERGEMENT

Le campement, nouveau paradigme de l’accueil des personnes exilées ?

  • Le campement, révélateur des défaillances du dispositif d’accueil
  • Les campements, à l’origine de nouveaux dispositifs d’hébergement et de tri

Mobilisation de la société civile auprès des personnes non hébergées : entre réponse à l’urgence et volonté de rappeler ses obligations à l’État

  • L’hébergement privé des personnes en situation d’urgence et l’enjeu de l’épuisement des soutiens

Plusieurs associations et de nombreux collectifs locaux tentent de trouver des solutions pour les personnes non hébergées.

(...)

Un autre collectif angevin réquisitionne des bâtiments vides depuis 2008 pour y héberger les personnes à la rue, quel que soit leur statut. Ainsi, 26 « réquisitions » ont eu lieu en 10 ans. En hiver 2017, près de 70 personnes étaient hébergées à Angers par ce biais. Ce collectif héberge également dans une maison une quinzaine de jeunes non reconnus mineurs par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et pour lesquels un recours devant le juge des enfants est engagé. Ces accueils ne requièrent pas seulement une mobilisation pour l’hébergement mais concernent également les transports, les règles de vie commune, les démarches administratives et le plaidoyer pour qu’une solution pérenne soit trouvée. L’engagement est donc particulièrement grand. (...)

De nombreuses associations ont mis en place des ateliers afin de travailler ensemble sur ces situations, mais aussi des systèmes de limitation de l’engagement sur la durée afin de les protéger et de rendre l’action pérenne.

Hélène et Catherine, militantes auprès des personnes exilées à Angers.

Hélène : « La première réquisition à laquelle j’ai participé, c’était en 2008. Beaucoup de réfugiés étant à la rue, nous avons décidé de réquisitionner une maison qui avait appartenu à des religieuses et qui a été préemptée par la municipalité pour accueillir plus de 60 personnes. Depuis, nous avons organisé 26 réquisitions de bâtiments publics ou de SCI qui spéculent sur le foncier. Actuellement, il y a 3 bâtiments réquisitionnés dont un depuis octobre 2017, la Vendange, où sont hébergés 15 mineurs. Ces jeunes sont à la rue parfois avant l’évaluation de leur minorité et puis après l’évaluation, quand ils n’ont pas été reconnus mineurs et contestent l’évaluation devant le juge. Matériellement, c’est très compliqué. Nous sommes ravitaillés par les Restos du Cœur et le Secours Populaire sur l’alimentaire, même s’il faut toujours acheter des compléments, par Emmaüs pour l’ameublement, et nous sommes en lien avec d’autres associations comme le Secours Catholique pour l’aide juridique. Depuis peu, le collectif s’est constitué en association « asile et partage » afin de faciliter nos relations avec les autres acteurs associatifs. Cela rassure car nous étions perçus comme trop militants et certaines associations voulaient rester dans un cadre légal pour leurs actions. »

Catherine : « Nous sommes quelques personnes mobilisées sur la durée à la Vendange, avec un investissement qui peut être conséquent, jusqu’à 25h/semaine, pour les jeunes ; c’est parfois difficile, même quand je me couche je pense à tout ce qu’il y a à faire le lendemain et pourtant je suis retraitée du social.

La prise en charge des jeunes recouvre de nombreux aspects. S’y ajoute la dimension relationnelle voire affective, avec la nécessité d’une juste distance.

Les jeunes suivent des cours de maths et de français au GREF, où ils vont avec des vélos récupérés et réparés car le site est éloigné de la ville, et il n’y a ni bus ni argent pour prendre les transports. Des bénévoles vont également sur place pour leur donner des cours. Pour les problèmes de santé, tout n’est pas couvert par l’AME et là encore il faut compléter. Mais la Vendange va bientôt être évacuée, ce qui empêche de bien investir le lieu. »

Hélène : « Malgré le quotidien, nous avons deux réunions toutes les semaines, une réunion à 18h pour parler de l’organisation de la maison et une à 19h pour parler du plaidoyer. Pour tenir la durée, je suis moins investie au quotidien mais je suis toujours présente à ces réunions. Nous avons sollicité à de nombreuses reprises le conseil départemental, la mairie et la préfecture pour que les jeunes soient pris en charge ou qu’à minima on mette à notre disposition des locaux avec des baux précaires, qui est une demande constante depuis 10 ans. Cela nous a toujours été refusé. On a déjà fait des pétitions en ligne, on s’est rendu dans les locaux du conseil départemental, en vain.

De nombreux jeunes sont à la rue et ce sont parfois les travailleurs sociaux qui nous contactent pour que les jeunes soient hébergés. Nous pallions aux défaillances de l’ASE ou aux insuffisances dans le système actuel de protection de ces jeunes : récemment un couple de jeunes a été hébergé dans un hôtel mais sans leur donner de quoi se déplacer et se nourrir. Ils sont restés deux jours à l’hôtel sans manger jusqu’à ce que j’aille les voir, mais cela fait encore plus de transports et de complications que s’ils étaient à la Vendange. »

  • L’aide d’urgence auprès des personnes à la rue
  • Interpeller l’État pour ne pas rendre invisibles les besoins des personnes non hébergées

De nombreux collectifs rencontrés, parce qu’ils touchent aux limites de ce que la mobilisation citoyenne peut assurer mais aussi parce qu’ils souhaitent que la réponse à des besoins fondamentaux soit publique, sollicitent les autorités. Ces sollicitations prennent des formes distinctes : restitution des situations rencontrées quotidiennement sur les campements par le biais des réseaux sociaux pour le Collectif Migrants Wilson, mobilisation dans des cadres inter-associatifs par le biais de communiqués de presse pour les collectifs et associations mobilisées sur les campements parisiens, manifestation et occupation du Conseil départemental à Angers, mais aussi actions contentieuses individuelles pour l’accès à l’hébergement des demandeurs et demandeuses d’asile. Elles ciblent également des acteurs différents en fonction des besoins : la mairie pour l’accès à l’eau, le conseil départemental pour les prises en charge des mineurs, l’État pour l’hébergement, etc. (...)

L’HÉBERGEMENT ET L’ACCOMPAGNEMENT DES DEMANDEURS ET DEMANDEUSES D’ASILE

Un dispositif d’hébergement sous contrainte

  • Des conditions d’accueil distinctes en fonction du statut administratif des personnes
  • Des conditions d’hébergement et d’accompagnement dégradées au sein du dispositif national d’accueil
  • Un hébergement sous contrôle dans un objectif d’expulsion de l’hébergement et d’expulsion du territoire

Mobilisation de la société civile auprès des personnes hébergées

  • Une grande palette d’actions auprès des personnes hébergées
  • Des modalités d’articulation entre bénévoles et gestionnaires variables
  • La possibilité de stratégies communes ?

LE LOGEMENT DES PERSONNES RÉFUGIÉES

Le développement des dispositifs publics d’accompagnement et de logement des personnes protégées

  • Les limites des dispositifs de droit commun
  • Le développement de dispositifs publics spécifiques

Quand la mobilisation de la société civile inspire l’État

  • L’hébergement citoyen des personnes réfugiées : un hébergement spécifique qui attire de nouveaux acteurs
  • Quand l’État encourage l’hébergement citoyen des personnes réfugiées

ACCÉDER À L’ENSEMBLE DE SES DROITS POUR S’INSTALLER DURABLEMENT EN FRANCE

L’APPRENTISSAGE DU FRANÇAIS

Une réponse publique uniformisée et accessible seulement à certaines catégories de personnes exilées

  • La formation linguistique dans le cadre du contrat d’intégration républicaine
  • Des programmes publics ponctuels ciblant certaines catégories de personnes exilées
  • Des initiatives institutionnelles non coordonnées

Une myriade d’initiatives de la société civile destinées aux personnes exilées en général

L’EMPLOI ET LA FORMATION

Les initiatives publiques

  • Le projet « Hébergement orientation parcours vers l’emploi » (« Hope »)
  • Le programme Accelair

La mobilisation de nouveaux acteurs de la société civile dans l’insertion par le travail des personnes réfugiées

LA SANTÉ

Principes fondamentaux, droits et besoins

Santé publique : approche, accès effectif et offre

L’instrumentalisation du concept de vulnérabilité : Telle qu’elle est envisagée par l’Ofii chargé de son évaluation, la vulnérabilité se résume à une définition restrictive : sont considérées comme vulnérables certaines catégories telles que les femmes enceintes, les personnes handicapées ou âgées, les victimes de torture ou les mineurs. En outre, la procédure d’évaluation de la vulnérabilité se limite à un simple entretien par le biais d’un questionnaire à remplir lors du passage au Guda, visant uniquement à détecter les vulnérabilités « objectives » : femmes enceintes ou personnes lourdement handicapées.

Dans la plupart des cas, la détection de la vulnérabilité des personnes passe par le signalement des associations spécialisées ou des centres de soins associatifs et l’apport indispensable de certificats médicaux circonstanciés par les intéressé·e·s. La vulnérabilité sociale liée aux conditions de vie précaires dans lesquelles les personnes sont maintenues en France (dormir à la rue ou dans des lieux insalubres, être sans ressources financières ou sociales, être victime de discriminations) n’est pas prise en compte.

L’usage de cette notion se traduit in fine par la mise en place de parcours différenciés et « facilités » dans une certaine mesure pour les personnes dites et reconnues « vulnérables », au risque de créer des situations d’inégalités de traitement (facilités à obtenir un hébergement, un logement, une allocation, des soins adaptés, etc.).

C’est l’Ofii, sous tutelle du ministère de l’Intérieur, qui est chargé depuis 2015 d’évaluer la vulnérabilité des personnes demandant l’asile, et c’est encore l’Ofii - et non plus le ministère de la Santé - qui, depuis le 1er janvier 2017, est chargé des délivrances de titres de séjour pour raisons médicales (lesquelles se sont effondrées de 39% en 201787). L’évaluation de l’état de santé, qu’il soit physique ou psychique, se fait dans un climat de suspicion à l’égard des personnes migrantes. Le ministère de la Santé se retrouve écarté des enjeux de santé des personnes étrangères au profit du ministère de l’Intérieur.

Les réponses du secteur associatif et son articulation avec la santé de droit commun

Face à la demande et aux carences de l’offre publique, plusieurs associations ont investi le champ de la santé des personnes exilées en France : le Comité pour la santé des exilés (Comede) depuis 1979, Médecins du Monde depuis 1986 (dont les centres d’accueil de soins et d’orientation avaient vocation à accueillir toutes les personnes précaires et accueillent désormais 97% de personnes de nationalité étrangère, ainsi qu’un certain nombre d’associations plus spécialisées (victimes de torture, femmes victimes de violences, mineurs non accompagnés, etc.). Après les avoir fermés en 2012, Médecins sans Frontières a rouvert des programmes en France à destination des personnes exilées : mise en place d’actions mobiles à Calais, à Grande-Synthe et à Paris, puis ouverture en décembre 2017 d’un centre de soins pour mineurs non accompagnés à Pantin, près de Paris. Preuve que les problématiques de santé touchent l’ensemble des acteurs de l’accueil, c’est un groupement principalement constitué d’organismes gestionnaires de Cada mais également d’associations comme La Cimade, qui a pris l’initiative d’ouvrir fin octobre 2018 un centre de soins pour les personnes exilées à Montpellier – région où les besoins sont grandissants suite à la création de plusieurs centres d’accueil.

Si ces organisations ont des mandats et des approches variées, la grande majorité d’entre elles ont intégré la nécessité de recours à des interprètes professionnels, de médiateurs en santé, de pluridisciplinarité et de suivis longs. Malgré leur capacité d’accueil limitée et leur inégale répartition sur le territoire français, elles constituent un réseau indispensable au regard des besoins non satisfaits par le dispositif de droit commun. De nombreux patients leur sont d’ailleurs orientés par des centres médico-psychologiques (CMP) ou les services hospitaliers. Elles travaillent de pair avec ces derniers (notamment pour les hospitalisations) et orientent elles-mêmes des patients vers eux lorsque les droits sont ouverts et qu’une structure adaptée a été identifiée, tout en veillant à la continuité du parcours de soins et en laissant la possibilité à la personne de revenir vers elles en cas de difficulté.

Enfin, parallèlement à leur action clinique, elles ont presque toutes fait le choix, d’une part, de développer une offre de formation pour renforcer les capacités des professionnels soignants, ainsi qu’une approche de soutien aux initiatives locales et aux créations de structures ; d’autre part, de mener des actions de plaidoyer auprès du ministère de la santé afin qu’une véritable politique de santé publique soit mise en place pour les personnes exilées.

À Calais, par exemple, ce travail de plaidoyer mené par les acteurs associatifs locaux (Médecins du monde, MSF, Gynécologie sans frontières, etc.) a abouti :

> au renforcement des moyens de la PASS du centre hospitalier de la ville de Calais ;
> à l’installation, au centre Jules-Ferry, d’un véritable pôle de soins de proximité, anciennement géré par MSF et transformé en antenne de la Pass (augmentation de ses capacités d’accueil et de prise en charge sanitaire, en particulier consultations médicales, lits, permanence paramédicale 7 jour sur 7) ;
> à la consolidation du dispositif de veille sanitaire et à la mise en place d’actions de prévention sur le terrain : vaccination, planification familiale …

À Paris, c’est aussi grâce à un travail en étroite collaboration entre associations de terrain (MSF, Médecins du Monde, le Samusocial), collectifs citoyens (Solidarité Wilson, la Gamelle de Jaurès, etc.) et acteurs publics (agence régionale de santé, Pass, hôpitaux, etc.) que des actions sanitaires et humanitaires ont pu se développer auprès des personnes vivant à la rue, dans les campements de fortune et bidonvilles.

Dans le contexte de tension et de suspicion généralisée à l’encontre des personnes étrangères, de nombreuses associations ont intégré, fin 2017, un groupe de travail piloté par le ministère de la Santé visant à l’élaboration d’une instruction aux agences régionales de santé sur un « parcours de santé des migrants ». Ces associations y ont défendu des propositions pour endiguer la détérioration de l’accès aux soins des plus précaires, notamment des personnes exilées. (...)

LE LIEN SOCIAL

Les initiatives publiques de la Délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés (DIAIR)

Initiatives de la société civile

LA RÉUNIFICATION FAMILIALE

Une procédure en apparence simplifiée… mais toujours difficilement accessible

Le manque d’accompagnement et d’information

CONDITIONS MINIMALES POUR QUE L’ASILE SOIT UN DROIT RÉEL, CFDA, FÉVRIER 2018

SIGLES ET ACRONYMES »

Rapport disponible au format pdf ci-dessous :

Rapport_CFDA_16052019

Voir en ligne : https://www.primolevi.org/actualite...


Pour aller plus loin