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Examens radiologiques osseux : quand le Conseil constitutionnel fait rimer absence de fiabilité avec conformité

Publié le vendredi 28 juin 2019 , mis à jour le vendredi 28 juin 2019

Source : Revue des Droits de l’Homme

Date : 21 juin 2019

Auteur : Priscillia de Corson

Extraits :

« Les examens radiologiques d’âge osseux sont une pratique courante en France, notamment en vue de déterminer si des jeunes exilés, se déclarant mineurs et isolés, relèvent véritablement de la protection de l’enfance.

Certains pays, comme l’Angleterre, ont interdit le recours aux examens radiologiques osseux, et la récente question prioritaire de constitutionnalité dont a eu à connaître le Conseil constitutionnel visait à contraindre la France d’en faire autant. La solution retenue par le Conseil est plus nuancée, autorisant le recours à ces examens radiologiques tout en réaffirmant l’importance de les entourer de nombreuses garanties légales afin de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant.

(...)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 décembre 2018 d’une question prioritaire de constitutionnalité par la Cour de cassation relative à la conformité à la Constitution de l’article 388 du Code civil, portant sur les examens radiologiques osseux.

(...)

La constitutionnalité de ces dispositions relatives aux examens radiologiques osseux a été contestée au motif que les dispositions en cause :

  • méconnaissent l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt de l’enfant ;
  • sont entachées d’incompétence négative car elles ne définissent pas ce que sont des « documents d’identité valables » ;
  • méconnaissent le droit au respect de la vie privée en ne préservant pas suffisamment la réalité du consentement du mineur (en omettant d’interdire au juge de déduire l’absence de minorité du refus de se prêter aux expertises médicales) ;
  • méconnaissent le principe de sauvegarde de la dignité humaine ;
  • méconnaissent le principe de protection de la santé.

Dans une décision en date du 21 mars 2019, le Conseil constitutionnel a jugé les deuxième et troisième alinéas de l’article 388 du Code civil conformes à la Constitution, validant ainsi le recours aux examens radiologiques osseux, tout en reconnaissant leur manque de fiabilité. Il a veillé toutefois à préciser l’étendue des garanties légales qui entourent ces examens. Enfin, le Conseil a affirmé avec force l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, qui ne saurait permettre que des personnes mineures soient « indûment considérées comme majeures »

1. La conformité des examens radiologiques osseux à la Constitution, malgré un manque de fiabilité avéré

(...)

Le Conseil constitutionnel ne remet pas en cause l’absence de fiabilité des examens radiologiques osseux et il reconnaît que : « en l’état des connaissances scientifiques, il est établi que les résultats de ce type d’examen peuvent comporter une marge d’erreur significative ».

Faute d’existence d’un moyen de preuve indubitable de l’âge, le Conseil a probablement estimé utile d’ajouter un élément de plus au faisceau d’indices dont disposent les autorités judiciaires et administratives.

Il rappelle que leur utilisation est encadrée par le législateur qui a prévu que « Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. ». Il précise ensuite qu’il appartient à l’autorité judiciaire d’apprécier la minorité ou la majorité de (la personne) en prenant en compte les autres éléments ayant pu être recueillis.

(...)

Le recours aux examens radiologiques osseux n’a pas été censuré, mais les juges constitutionnels ont apporté d’importants précisions aux garanties qui doivent accompagner cette pratique.

2. Une procédure encadrée par des garanties légales renforcées

(...)

A) Le principe de subsidiarité du recours aux examens d’âge osseux et le rôle de l’autorité judiciaire dans le contrôle de cette subsidiarité

(...)

La décision du 21 mars 2019 ne précise pas la notion de « documents d’identité valables », ce que le Conseil constitutionnel n’a pas qualifié d’incompétence négative. Aucune référence explicite n’a été faite à l’article 47 du Code civil dans la décision. En revanche, les juges précisent qu’ « il appartient à l’autorité judiciaire de s’assurer du respect du caractère subsidiaire de cet examen. »

(...)

B) Le consentement de l’intéressé, et les conséquences du refus de se soumettre aux examens

(...)

Le Conseil constitutionnel, après avoir rappelé les garanties légales posées par l’article 388 du Code civil, déclare qu’il « appartient aux autorités administratives et judiciaires compétentes de donner leur plein effet aux garanties précitées ».

Il faut certainement interpréter cette décision du Conseil comme exigeant des autorités tant administratives que judiciaires qu’un examen radiologique osseux qui ne satisferait pas à l’ensemble de ces exigences soit écarté de la procédure et ne soit donc pas pris en considération dans la détermination de la minorité.

Il aurait été préférable que le Conseil constitutionnel impose au législateur d’inscrire explicitement dans la loi la mise à l’écart d’une expertise réalisée en violation de ces garanties. A défaut, seule l’observation de la pratique va nous permettre de savoir si les garanties légales attachées aux examens radiologiques osseux seront mieux respectées suite à la décision du Conseil.

(...)

3. La consécration d’une exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant bénéficiant aux mineurs isolés étrangers

(...)

La décision du 21 mars 2019 est intéressante et novatrice en ce qu’elle affirme donc l’application de cette même exigence aux mineurs non accompagnés, et plus précisément à ceux dont l’âge est en question.

Ce faisant, le Conseil affirme l’importance que « des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures », et reconnaît la nécessité d’appliquer une présomption de minorité, afin d’éviter tout risque de priver une personne mineure des droits qui lui sont reconnus.

Une telle présomption est explicitement consacrée à l’article 388 du Code civil, mais devrait avoir une portée beaucoup plus générale. En effet, seul le respect de la présomption de minorité permettrait de protéger les droits des jeunes dont l’âge est en question. Une telle présomption est largement défendue par les instances internationales et est sous-jacente dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais peine à être appliquée en France. (...)  »

Article disponible au format pdf ci-dessous :

RevueDH_tests_osseux_21062019

Voir en ligne : https://journals.openedition.org/re...


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