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Accueil > Documentation > Rapports et études > Rapports associatifs nationaux > Bilan d’activité 2018 du Gisti

Source : Gisti

Date : 19 juillet 2019

Sommaire et extraits :

Introduction

(...) Il est probable que cette réforme [10 septembre 2018] ne modifiera pas sensiblement le volume moyen des admissions au séjour et des expulsions de personnes étrangères par rapport aux chiffres rappelés ci-dessus. Mais il est à prévoir qu’elle accentuera la précarisation de certaines catégories, comme les mineur·es isolé·es, les demandeuses et les demandeurs d’asile, certains parents d’enfants français, et qu’elle affectera un peu plus la situation des personnes étrangères dans les territoires ultramarins, notamment à Mayotte. En outre, avec l’augmentation de la durée de la rétention administrative et la multiplication des cas d’assignation à résidence, auxquelles s’ajoute un dispositif d’hébergement
« directif » – pour ne pas dire contraint – pour les personnes en cours de procédure d’asile, elle place de façon inquiétante la gestion des personnes étrangères, y compris de celles qui demandent protection en France, sous le signe de la suspicion, de la coercition et de la privation de liberté, laquelle n’épargne pas les enfants. (...)

Chapitre 1. Vie de l’association

I. L’association

II. Pilotage et suivi de l’activité

Chapitre 2. Les points forts de l’année

(...) La question du sort réservé aux mineures et mineurs isolés étrangers a continué, elle aussi, d’occuper le devant de la scène, mettant en évidence les graves carences des institutions et autorités chargées de leur protection alors que la suspicion et le rejet paraissent constituer le dénominateur commun de leur action. Au-delà du territoire de la métropole et des frontières, les Outre-mer ont continué de jouer le rôle de laboratoires des régressions des textes tandis que le Gisti s’est appliqué à décrypter et dénoncer une politique européenne d’immigration et d’asile dont l’externalisation et le recours massif à l’enfermement constituent plus que jamais les maîtres mots. (...)

I. Un Ceseda toujours plus restrictif et répressif

II. Une campagne d’ampleur inédite : les EGM

III. La solidarité mise à l’épreuve

IV. Asile : trier plus vite pour éloigner plus

V. Protection de l’enfance : l’entreprise de démolition

  • A. La tentative du gouvernement de sortir les MIE du droit commun

Le début de l’année 2018 a été marqué par la mobilisation contre le projet gouvernemental visant à transférer la mise à l’abri et l’évaluation des mineurs isolés étrangers (MIE) des départements vers les services de l’État. Dès la fin 2017, le Gisti, avec une trentaine d’organisations réunies au sein du collectif Justice pour les jeunes isolé·e·s (Jujie), avait pris position contre cette tentative d’exclure les MIE du droit commun au profit d’un dispositif dérogatoire placé sous l’égide du préfet (« Justice pour les Jeunes Isolés Étrangers : Enfants isolé·e·s étranger·e·s : le droit commun et des moyens ! », 3 novembre 2017). Le Gisti et plusieurs autres organisations ont ensuite demandé à être auditionnés par la mission bipartite, composée de membres des services d’inspection ministériels et de l’association des départements de France (ADF), chargée par le Premier ministre de faire des propositions de réforme de ce dispositif. À cette occasion, ont été mis en évidence les risques de rupture de l’égalité de traitement entre les mineur·es isolé·es concerné·es par ce dispositif dérogatoire et les autres jeunes pris en charge par l’aide sociale à l’enfance.

À l’occasion de la sortie du rapport de la mission bipartite, les organisations du Jujie ont une nouvelle fois insisté sur le fait qu’« une telle réforme serait non seulement contraire aux principes et aux droits tels que définis par les conventions internationales, mais renverserait également tous les principes de protection de l’enfance en droit français » (« Mineur·e·s isolé·e·s : pour une protection de l’enfance, immédiate, pleine et entière », 20 février 2018).

En mai, le gouvernement a finalement accordé un soutien financier renforcé aux départements pour la prise en charge de ces enfants, sans modifier leur compétence en matière d’évaluation et d’accueil des MIE. Il a toutefois profité des débats parlementaires sur le projet de loi « asile et immigration » pour y introduire une des propositions de la mission bipartite visant à créer un fichier national destiné à collecter les empreintes et les photographies de tous les « ressortissants étrangers se déclarant mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille ».

  • B. Un fichier pour mieux dissuader les jeunes en recherche de protection

Créé par la loi du 10 septembre 2018, ce fichier a pour principal objectif d’empêcher les jeunes dont la demande de protection a été rejetée par un département – faute de pouvoir disposer de preuves jugées suffisantes de leur minorité ou de leur isolément – de déposer une nouvelle demande auprès d’un autre département.

Dès octobre 2017, le Défenseur des droits avait pourtant signifié son opposition de principe à la création d’un tel fichier qu’il considère « comme une atteinte grave à la vie privée s’agissant de personnes considérées mineures jusqu’à preuve du contraire » (avis n° 17-11, 11 octobre 2017). Par la suite, plusieurs organisations, dont le Gisti, ont alerté les parlementaires sur les risques de créer « un fichier contraire au principe d’intérêt supérieur de l’enfant, au droit à la protection et au principe de non-discrimination » (« Fichage des mineur·e·s non accompagné·e·s : la protection des enfants doit passer avant la suspicion », 17 juillet 2018). Après le vote de la loi, le Gisti et la Ligue des droits de l’Homme ont adressé au Conseil constitutionnel, à l’occasion de sa saisine par les parlementaires, un argumentaire (une « porte étroite ») pour tenter de le convaincre du caractère liberticide de ce fichier. Dans sa décision du 6 septembre, le Conseil constitutionnel a toutefois choisi de ne pas se prononcer sur cette disposition, laissant entière la question de sa constitutionnalité.

Mais les dispositions les plus inquiétantes sont celles contenues dans le projet de décret d’application de ce fichier, préparé par le ministère de l’intérieur. Outre la prise d’empreintes et de photographies prévue par la loi, ce projet dispose que les jeunes concerné·es devront également fournir leur état civil, la référence de leur document d’identité, leur adresse, leurs coordonnées téléphoniques ou encore les conditions de leur arrivée en France. À charge pour les services préfectoraux de collecter l’ensemble de ces données et de les enregistrer dans un fichier dénommé Appui à l’évaluation de la minorité (AEM). Tel qu’il est conçu, ce dispositif ouvre la possibilité pour les départements, avant même de commencer l’évaluation sociale d’un·e jeune en demande de protection, de l’envoyer en préfecture pour qu’il ou elle y soit fichée et que les données recueillies puissent être croisées avec deux autres fichiers, Visabio (qui contient toutes les données relatives aux demandes de visas) et AGDREF (les fichiers recensant tous les personnes étrangères connues des services préfectoraux). Avec neuf autres organisations, le Gisti a rendu public ce projet de décret en dénonçant dans un communiqué de presse « un texte qui permettra aux départements de remettre en cause encore plus aisément la minorité des enfants qui sollicitent une protection et facilitera leur éloignement du territoire, sans égard pour le respect de leur vie privée et leur droit à une protection » (« Fichage des enfants et adolescent·e·s non accompagné·e·s : le gouvernement doit renoncer à son projet de décret », 23 novembre 2018). Ces organisations ont adressé à la Cnil, chargée de rendre un avis sur le projet de décret, un argumentaire détaillé mettant en évidence les atteintes aux droits des MIE que pouvait entraîner la mise en œuvre de ce fichier. Elles se sont aussi attachées à sensibiliser les membres du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), instance placée auprès du Premier ministre et chargée d’émettre des avis sur les dispositions législatives et réglementaires dans ce domaine, sur les conséquences graves qu’aurait ce texte sur la situation des MIE. Le CNPE a fini par rendre un avis défavorable au projet de décret lors de son assemblée plénière du 13 décembre 2018.

Invités ensemble à une réunion de « concertation » par le ministère de l’intérieur, la Cimade, Infomie, l’Unicef et le Gisti ont décliné cette offre en rendant public leur réponse : « Nous considérons que ce décret ne peut être ni amendé ni amélioré. Le gouvernement doit renoncer à mettre en œuvre les dispositions sur le fichage des mineur·e·s isolé·e·s » (« Fichage des mineur·e·s isolé·e·s : il n’y a rien à discuter », 12 décembre 2018).

La revue Plein droit a consacré l’édito de son numéro 118 d’octobre 2018 à ce sujet. Intitulé « La logique de “Dublin” appliquée aux mineurs », il établit un parallèle entre le fichage des MIE, qui va les empêcher d’aller demander protection dans un autre département quand celui où il se trouve refuse de les accueillir, avec le règlement « Dublin » interdisant aux demandeurs d’asile de choisir l’État dans lequel ils souhaitent trouver refuge.

  • C. La suspicion généralisée à l’égard des documents d’état civil et d’identité

La question de la validité des documents d’état civil et d’identité des jeunes qui sollicitent le dispositif de protection de l’enfance a pris une ampleur considérable. La loi du 14 mars 2016, qui a inscrit dans le code civil la possibilité de recourir aux expertises osseuses, a de ce fait rendu obligatoire la discussion sur la validité des documents d’état civil. La disposition issue de cette loi prévoit en effet qu’il n’est possible de recourir à ces examens radiologiques qu’« en l’absence de documents d’identité valables » (art. 388 du code civil). Depuis longtemps, des départements ont trouvé le moyen de disqualifier les actes de naissance présentés par les jeunes. Il leur suffit de considérer, même si l’authenticité de l’acte n’est pas contestable, que « rien ne permet de le rattacher de façon certaine à la personne qui les détient » selon la formule consacrée. Ce qui revient à exiger que les jeunes, en plus d’un acte de naissance, soient en mesure de présenter au moins une pièce d’identité avec photo pour apporter la preuve de leur minorité. Pourtant, rares sont ceux et celles qui disposaient avant de partir de leur pays d’une carte d’identité, souvent inutile sur place et jugée trop coûteuse, et encore moins d’un passeport. Lorsqu’un·e jeune est en mesure de présenter un de ces documents d’identité, les départements peuvent demander aux préfectures d’en contrôler l’authenticité. Les bureaux de la fraude documentaire de la police aux frontières rendent ensuite des rapports d’expertise documentaire dont les conclusions sont à peu près aussi peu fiables que celles des expertises osseuses. Car la base documentaire à laquelle se réfèrent les autorités françaises pour comparer les documents présentés par les jeunes est incomplète et pas forcément à jour des dernières évolutions des réglementations étrangères. Les risques d’erreur existent et, de surcroît, tout défaut apparent sur un acte ou un document étranger (fautes d’orthographe, absence d’une mention, cachet illisible, etc.) est considéré comme preuve de fraude, sans qu’il soit tenu compte de la réalité qui prévaut dans les services d’état civil de nombreux pays étrangers où le manque de moyens matériels et humains occasionne de nombreuses malfaçons.

Début 2018, le Gisti a pu se procurer une note, émanant de la Division de l’expertise de la fraude documentaire et de l’identité de la police aux frontières, concernant la Guinée Conakry, qui pousse encore plus loin le degré de suspicion puisqu’il est écrit : « Vu les fraudes combinées à un manque de fiabilité dans l’administration guinéenne et des délais de transcription non respectés, la Division de l’Expertise en Fraude Documentaire et à l’Identité préconise de formuler un avis défavorable pour toute analyse d’acte de naissance guinéen ». C’est ainsi l’ensemble des actes d’état civil d’un pays qui est discrédité par une note de deux pages non signée et non publiée au Journal officiel. Le Gisti a saisi d’un recours en annulation de cette note le Conseil d’État, mais l’affaire est toujours pendante.

Le Gisti est aussi intervenu volontairement devant le Conseil d’État à l’appui d’une demande d’avis formulée par un jeune dont l’acte de naissance comportait des irrégularités formelles, mais qui avait par la suite présenté une carte consulaire et un passeport dont l’authenticité n’était pas contestée. Le Conseil d’État a reconnu à cette occasion que les documents délivrés postérieurement à l’acte contesté ne devaient pas pour autant être disqualifiés (CE, avis, 26 avril 2018).

Pour tenter de contrer ces expertises documentaires devant les juridictions administratives et judiciaires, Infomie, le centre de ressources sur les MIE auquel participe le Gisti, a mis sur pied un groupe d’avocat·es et de juristes qui s’est donné pour premier objectif de travailler sur les règles en matière d’état civil de six des principaux pays de provenance des MIE. L’objectif est de mettre à disposition des avocat·es défendant des MIE des éléments d’information sur les conditions de délivrance des actes d’état civil et des documents d’identité dans chaque pays, ainsi qu’une sélection de jurisprudence pour leur permettre de contester les conclusions des expertises documentaires.

  • D. Une dégradation continue des pratiques en région parisienne

La permanence interassociative de l’Adjie, créée en 2012 à l’initiative du Gisti, constitue toujours un point d’observation privilégié des pratiques en région parisienne. En 2018, 710 nouveaux dossiers de jeunes ont été enregistrés dont 587 concernaient un refus de prise en charge d’un département. Les autres jeunes sont venu·es pour des problèmes liés à une mauvaise prise en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE). La permanence a aidé 338 de ces jeunes à saisir le tribunal pour enfants. Les autres ont fait le choix de changer de département ou sont encore en attente de documents complémentaires pour prouver leur minorité. En octobre, 67 décisions avaient été rendues par les tribunaux saisis, 40 % d’entre elles avaient abouti à une mesure de placement à l’ASE.

À Paris, la situation ne s’est guère améliorée. L’ONG Human Rights Watch (HRW) a rendu public en juillet 2018 un rapport sur le « traitement arbitraire des enfants migrants non accompagnés à Paris » au titre évocateur : « C’est la loterie ». Après avoir réalisé 49 entretiens avec des MIE et rencontré les principaux intervenants parisiens, HRW considère que « le traitement réservé à de nombreux mineurs non accompagnés à Paris, qui cherchent à obtenir la confirmation de leur statut d’enfant, est arbitraire, nie leur droit à être entendus équitablement et ne respecte pas l’obligation de donner la priorité à l’intérêt supérieur de l’enfant ». Elle confirme au passage que le Dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers (Demie), la cellule de la CroixRouge mandatée par la mairie de Paris pour effectuer les évaluations, continue d’opposer des refus au faciès aux jeunes qui se présentent ou les soumet à des « entretiens flash », des pratiques dénoncées dès janvier 2017 par l’Adjie (« À Paris, la Croix-Rouge et la mairie laissent des mineurs à la rue en plein hiver », 23 janvier 2017). HRW a ainsi recueilli le témoignage d’enfants refoulés à l’entrée du Demie en raison de leur apparence physique ou « au terme d’entretiens sommaires, plutôt qu’à l’issue de l’évaluation complète prévue par la loi française ».

Fin 2017, un rassemblement avait été organisé par le Jujie devant la mairie de Paris « pour exiger le respect des droits des jeunes isolés à Paris ». Un courrier, cosigné par le Gisti et sept autres organisations, et ayant pour objet les « Carences de vos services en matière d’accueil provisoire d’urgence », a été adressé à Anne Hidalgo quelques jours après ce rassemblement. Il a débouché sur une rencontre avec les services de la mairie de Paris en février 2018 mais n’a été suivi d’aucune amélioration. En mars, les défaillances de la politique de protection de l’enfance de Paris ont conduit à la mort de Nour, un jeune de 17 ans, mis à l’hôtel par les services de l’ASE sans réel suivi éducatif, en dépit de plusieurs hospitalisations en psychiatrie. Ce jeune sera retrouvé mort dans la Seine quelques jours après sa sortie de l’hôpital. Un rassemblement a été organisé à sa mémoire devant l’Hôtel de Ville le 21 mars (« Un mineur isolé pris en charge par l’ASE de Paris meurt faute d’un suivi adapté », 15 mars 2018). Le contact avec sa famille a ensuite été établi pour l’aider à porter plainte.

En novembre, le Gisti et Melting Passes ont rappelé à Dominique Versini, adjointe en charge de la protection de l’enfance de la mairie de Paris, et à France Terre d’Asile (FTDA) qui recommandaient sur leurs comptes tweeter respectifs d’aller voir le documentaire Just Kids que quasiment tous les joueurs de cette équipe de foot, composée d’anciens mineurs isolés, avaient fait l’objet, à leur arrivée à Paris, dans les années 2014-2015, d’un refus de protection de la part de leurs services (communiqué de presse « Juste des enfants remis à la rue », 9 novembre 2018).

Le Gisti s’est aussi intéressé à la situation des mineurs marocains en errance dans le quartier de la Goutte-d’Or qui, selon l’association Trajectoires, sont « polyconsommateurs de substances psychotropes (benzodiazépines, cannabis, solvants, ecstasy, etc.) exposés à de nombreux dangers car se livrant à des activités délinquantes fréquentes (vol à l’arraché, cambriolage, deal) et pouvant pratiquer des activités dangereuses (prostitution) ». Un premier contact a été établi avec certains d’entre eux à l’occasion de la permanence « asile » qui se tient chaque semaine dans les locaux de l’ATMF (voir supra, C, 1). Une réunion d’information sur leurs droits a été organisée par l’ATMF et le Gisti début mars 2018. En juillet, le Gisti a eu connaissance d’une réunion entre le préfet de police de Paris et l’ambassadeur du Maroc concernant ces jeunes « en vue de leur identification et de leur retour au Maroc ». Par un communiqué en date du 13 juillet, il a rappelé aux autorités françaises et marocaines qu’« un mineur isolé ne peut faire l’objet d’une mesure d’éloignement exécutée sous la contrainte » et que « seul·e un·e juge des enfants peut, dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative, ordonner le retour d’un·e mineur·e dans son pays à condition que cela soit conforme à son intérêt supérieur » (« Mineurs marocains isolés, le retour pour seule perspective ? », 13 juillet 2018). À cette occasion, il a rendu public un projet de coopération entre les deux pays, permettant à des policiers marocains de venir en France pour fournir un « soutien opérationnel en matière de prévention et de répression de la délinquance et de l’immigration irrégulière ».

Le Gisti s’est aussi intéressé la situation des MIE dans les autres départements de la région parisienne. Dans les Yvelines, il a cosigné, en août, une lettre adressée au président du conseil départemental qui recense tous les obstacles auxquels se heurtent les MIE sollicitant ses services, et qui lui demande d’assumer ses obligations en matière de protection de l’enfance. Faute d’avoir obtenu une réponse satisfaisante, cette lettre a été rendue publique en septembre (« Mineurs isolés dans les Yvelines : le département doit respecter ses obligations », 28 septembre 2018). Quelques jours plus tard, une délégation des signataires était reçue par les services du département.

En Seine-et-Marne, un collectif d’associations et d’avocat·es a engagé une série de contentieux individuels contre les refus systématiques du département d’accorder ou de renouveler des aides aux jeunes majeurs étrangers isolés. Le Gisti s’est associé à ce travail et a déposé en août, avec la Ligue des droits de l’Homme, un recours en annulation assorti d’une demande de suspension contre la note de la directrice générale adjointe à la solidarité du département mettant fin, de façon discriminatoire, à toutes les aides « jeune majeur » en faveur des jeunes isolé·es (voir Activité contentieuse, p. 44).

  • E. La campagne « Témoigner de la maltraitance à l’égard des jeunes isolé·e·s »

Fin octobre, le Jujie a lancé la campagne « Témoigner de la maltraitance à l’égard des jeunes isolé·e·s » en demandant à des « jeunes écrivant eux mêmes ou aidés par un soutien, des travailleurs sociaux écœurés de devoir trier des enfants à la place de leur mission éducative, des militants et bénévoles contraints de tenter de pallier les carences des responsables » de dire, jour après jour, ce qu’est la réalité de cette jeunesse discriminée et abandonnée (voir texte de lancement de la campagne « Témoigner de la maltraitance à l’égard des jeunes isolé·e·s », 25 octobre 2018). Les témoignages, en provenance de toute la France, ont été publiés quasi quotidiennement sur le blog Médiapart du Jujie (https:// blogs.mediapart.fr/jeunes-isoles-etrangers) pendant près d’un mois. Une quarantaine de personnalités (syndicalistes, artistes, élu·es, responsables associatifs, etc.) ont annoncé leur intention d’aller remettre ces témoignages à la présidence de la République à l’occasion de la journée des droits de l’enfant, le 20 novembre (« Mineur·e·s isolé·e·s : Mettre chacun devant ses responsabilités », 19 novembre 2018). Une délégation a pu approcher de l’Élysée pour y remettre le dossier, mais les services de la présidence ont refusé de la recevoir. Le même jour, se sont tenus dans plusieurs départements des rassemblements à l’appel du JUJIE. En région parisienne, le rassemblement a eu lieu place de la République à Paris et a réuni 39 organisations (voir le texte d’appel : « Pour exiger le respect des droits des jeunes isolé·e·s en Île-de-France »).

VI. Les exclu·es de la scolarisation

Pendant longtemps, les refus de scolarisation d’enfants étrangers se fondaient essentiellement sur l’absence de titre de séjour des parents. Depuis quelques années, les motifs de refus se sont diversifiés : absence de justificatif de domicile, manque de places disponibles dans les écoles, occupation précaire, voire illégale du lieu de vie. Ces refus ne touchent plus seulement des enfants en âge d’entrer à l’école primaire mais, de plus en plus, des mineur·es, souvent allophones, de plus de seize ans, à qui les rectorats, ne s’estimant plus liés par l’obligation scolaire, ne proposent pas d’affectation. Les mineur·es isolé·es se heurtent aux mêmes difficultés, auxquelles s’ajoutent parfois celles liées à la contestation de leur âge.

Ces atteintes au droit à la scolarisation s’accompagnent le plus souvent de pratiques dissuasives. Les familles se heurtent à des exigences démesurées de la part de l’administration en matière de pièces à fournir : le dossier n’est jamais complet, il manque toujours un document pour que la demande soit traitée.

Le Gisti a cosigné à la rentrée 2018, avec une cinquantaine d’organisations, une tribune collective publiée par Libération pour demander au président de la République et au ministre de l’éducation nationale de rendre le droit à la scolarisation pleinement effectif (« Rentrée scolaire : De trop nombreux enfants à la porte de l’école ! », 17 septembre 2018).

Le Gisti s’est aussi engagé dans plusieurs contentieux concernant la scolarisation d’enfants étrangers. Il est notamment intervenant volontaire dans une affaire pendante devant la cour administrative d’appel de Versailles aux côtés de familles Roms dont les enfants ont été scolarisés par le maire de Ris-Orangis dans une « classe spéciale » située dans un gymnase municipal, en dehors de tout établissement scolaire et en méconnaissance du principe d’égalité de traitement entre les usagers du service public.

À Paris, le rectorat refuse de scolariser les mineur·es isolé·es qui ne peuvent présenter une ordonnance de placement provisoire du juge des enfants les confiant aux services de l’ASE. Cette exigence est bien sûr totalement illégale. Elle fait obstacle à la scolarisation des MIE en cours d’évaluation par le département (en amont de la saisine du juge des enfants), alors même que cette évaluation peut durer plusieurs mois et retarder d’autant l’entrée en formation du ou de la jeune concernée. Mais elle fait aussi obstacle à la scolarisation des jeunes après leur évaluation lorsque celle-ci débouche sur une décision de refus de prise en charge par le département. Dans cette dernière hypothèse, la ou le jeune peut saisir le juge des enfants avec de bonnes chances d’obtenir au final une mesure judiciaire de protection mais, dans l’attente de cette décision, le rectorat refuse systématiquement la scolarisation.

Ces refus de scolarisation se matérialisent par l’impossibilité de passer le test de niveau scolaire au centre académique pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés (Casnav) de Paris, préalable obligatoire à l’affectation dans un établissement scolaire. Les recours en référé-liberté déposés devant le tribunal administratif de Paris ont jusqu’à présent échoué, les juges estimant que les seules démarches auprès du Casnav ne démontrent pas l’existence d’un refus implicite de scolarisation et, qu’au surplus, l’atteinte au droit à l’éducation ne peut être invoquée dès lors que la minorité n’est pas certaine. Pour tenter de contrer cette jurisprudence défavorable, le Gisti participe à un groupe de travail réunissant l’Adjie, RESF, Paris d’exil, la Timmy et des avocat·es. L’objectif est d’organiser le plus souvent possible un accompagnement des jeunes dans leurs démarches auprès du Casnav en les faisant précéder de demandes écrites afin de démontrer l’existence d’un refus oral pour ensuite l’attaquer.

VII. Outre-mer : Mayotte dans l’œil du cyclone

VIII. En guise de politique européenne : enfermement et externalisation

Chapitre 3. Activités permanentes

- Publications

I. Organisation de l’activité de publication

II. Bilan de l’activité de publication

-  Formations et autres interventions extérieures

I. Les formations

II. Les interventions et la communication extérieures

-  Activité contentieuse

I. Organisation de l’activité contentieuse

II. Grandes lignes de l’activité contentieuse de l’année

III. Actions engagées en 2018

IV. Décisions rendues en 2018 sur des recours antérieurs

V. Affaires engagées au cours des années antérieures et encore pendantes

-  Conseil juridique

I. Les permanences juridiques

II. Analyse

- Activité inter-associative

I. Le travail inter-associatif dans la stratégie du Gisti

II. Les collectifs mobilisés en 2018

-  Le Gisti et Internet

I. Le travail collaboratif

II. Le site www.gisti.org

III. Réseaux sociaux et liste de diffusion

Chapitre 4. Rapport financier

I. L’évolution des charges

II. L’évolution des produits

III. Synthèse de l’activité 2018

Annexes

I. Tableau des collectifs auxquels participe le Gisti

II. Communiqués de l’année 2018

III Interventions extérieures

IV. Sigles et abréviations

Bilan d’activité disponible au format pdf :

Rapport_activité_2018_GISTI

Voir en ligne : https://www.gisti.org/spip.php?arti...


Pour aller plus loin