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La protection de l’intérêt supérieur de l’enfant : une nouvelle exigence constitutionnelle

Publié le vendredi 13 septembre 2019 , mis à jour le vendredi 13 septembre 2019

Source : Dalloz, Constitutions 2019 p. 261

Date : 19 août 2019

Auteur : Christophe Pouly

Extraits :

«  En s’appuyant sur les dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, qui impose à la nation d’assurer à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement et de garantir « notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs », le Conseil constitutionnel vient d’inscrire, au rang des exigences à valeur constitutionnelle, la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant (1). Il a donc fallu attendre trente ans pour qu’une exigence conventionnelle se rattachant aux droits fondamentaux, inscrite dans la Convention de New York relative aux droits de l’enfant, fasse son entrée dans le champ du droit constitutionnel et permette ainsi au juge constitutionnel, à l’avenir, de censurer des dispositions législatives susceptibles de méconnaître ce principe. La question de l’intérêt supérieur de l’enfant est déjà bien présente dans le contentieux des étrangers, et notamment celui de l’éloignement, lequel constitue un moyen fréquemment soulevé (2).

(...)

Parmi les quatre moyens soulevés, le requérant soutenait notamment que le manque de fiabilité des examens radiologiques osseux conduisait à juger comme majeurs des mineurs étrangers isolés et à les exclure en conséquence du bénéfice des dispositions législatives destinées à les protéger. Mais pour le Conseil constitutionnel, les garanties entourant le recours aux examens radiologiques, qui s’articulent autour de quatre axes, respectent parfaitement l’intérêt supérieur de l’enfant.

En premier lieu, la circonstance que seule l’autorité judiciaire, c’est-à-dire magistrats du parquet et juges du siège, puissent décider de recourir à ces examens constitue, aux yeux du Conseil constitutionnel, un garantie. Or, nous savons que si le Conseil persiste à placer sur un pied d’égalité les magistrats du parquet et les magistrats du siège, au regard de la protection des droits, dans le cadre de cette mission, le procureur de la République est juge et partie. Car s’il doit veiller à ce que le jeune soit provisoirement protégé durant la période d’évaluation, il lui appartient aussi de l’orienter, à l’issue de celle-ci, vers une structure susceptible de le recevoir dans le cas où la minorité est établie, dans l’attente du placement décidé par le juge des enfants. La circulaire du 31 mai 2013 rappelait déjà que l’examen radiologique ne pouvait avoir lieu qu’à l’initiative du parquet, alors même que, comme l’avait souligné la Commission nationale consultative des droits de l’homme, l’article 1183 du code de procédure civile n’en réservait la compétence qu’au juge des enfants(5). Ainsi, dans un système saturé, et dont le mécanisme de répartition est contesté par les départements, le procureur de la République est porté à s’assurer, de toutes les manières possibles, et notamment par le recours aux examens osseux que le demandeur est bien mineur. Ce faisant, la circonstance que seule l’autorité judiciaire décide de recourir à cette méthode d’évaluation n’empêche donc pas qu’elle soit mise en oeuvre de manière habituelle compte tenu de la nécessité, pour le parquet, de veiller à ce que le système de protection ne soit pas saturé par des demandes frauduleuses.

En second lieu, le Conseil constitutionnel souligne que les examens osseux ne peuvent être ordonnés que si la personne en cause n’a pas de documents d’identité valables et si l’âge allégué n’est pas vraisemblable. Sur ce dernier point, l’appréciation portée sur le caractère vraisemblable de l’âge ne pourra résulter que des informations collectées au cours des entretiens, l’examen de puberté au regard des caractéristiques physiques étant désormais proscrit. Quant aux documents d’identité, il s’avère en pratique que les documents d’état civil ou les pièces d’identité sont très souvent jugés apocryphes, concernant notamment les jeunes d’origine d’Afrique subsaharienne. À tel point que, s’agissant des jeunes ressortissants guinéens par exemple, une note du 1er décembre 2017 de la direction centrale de la police aux frontières « préconise » aux fonctionnaires chargés de l’expertise documentaire de « formuler un avis défavorable pour toute analyse d’acte de naissance guinéen » compte tenu des irrégularités affectant ces actes de manière récurrente et des fraudes constatées. Les tentatives antérieures d’obtention de visa Schengen sous alias n’aident pas les mineurs à rendre crédibles leurs allégations lorsque, en possession d’actes d’état civil présentant des irrégularités, ils apparaissent aussi dans le traitement Visabio en qualité de majeur, pour obtenir un visa, parfois même sous leur vrai nom. Autrement dit, dans la plupart des cas, les services chargés de l’expertise documentaire émettent des doutes sur l’authenticité des documents en possession du demandeur si bien que, cette condition, qui se veut être restrictive, est quasiment systématiquement remplie.

En troisième lieu, le Conseil constitutionnel rappelle que l’examen osseux ne peut être réalisé qu’avec le consentement de l’intéressé, dans une langue qu’il comprend, et que le refus de s’y soumettre ne peut conduire le juge à en déduire qu’il serait majeur. Donc, un tel refus ne peut pas créer une présomption de majorité. Mais dans les faits, il en sera déduit ainsi, par un autre mode de raisonnement. En effet, dès lors qu’il a été considéré que les documents d’identité ou d’état civil n’étaient pas valables, ou que ces derniers ne pouvaient être rattachés à la personne, le refus de se soumettre à un examen osseux prive, de fait, le juge d’éléments lui permettant d’infirmer ou de confirmer les doutes qui résultent des documents. Dans ces conditions, le caractère apparemment apocryphe des documents ne peut conduire le juge qu’à considérer l’enfant majeur, étant précisé que c’est à ce dernier de rapporter la preuve de sa minorité, s’il refuse de se soumettre à des mesures d’instruction supplémentaires.

Enfin, en dernier lieu, le Conseil constitutionnel souligne que le législateur a pris en compte la marge d’erreur entourant les conclusions des examens radiologiques, laquelle doit être mentionnée dans les résultats qui, par ailleurs, ne peuvent constituer l’unique fondement dans la détermination de l’âge de la personne. Il appartient au juge de confronter ces résultats aux éléments recueillis au cours des entretiens d’évaluation et, en cas de contradiction et si le doute persiste, celui-ci profite à la qualité de mineur. Mais là encore, rien de nouveau, rien de vraiment protecteur. D’abord parce que la Cour de cassation rappelle, de manière récurrente, que le juge est souverain dans son appréciation(6). Aussi parce que, pour les juges du fond, la seule circonstance que les actes d’état civil ou les jugements supplétifs d’actes de naissance dont se prévaut le demandeur présentent des irrégularités n’impose pas d’en déduire qu’ils seraient apocryphes, le juge pouvant prendre en compte d’autres éléments telle qu’une carte d’identité consulaire(7). En outre, il est généralement admis que le seul examen radiologique ne peut affecter la valeur probante d’un acte de naissance (8). Enfin, le principe selon lequel le doute profite à la qualité de mineur a été affirmé et réaffirmé par la Cour de cassation (9).

(...) »

Voir en ligne : https://www.dalloz.fr/documentation...


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