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Décision du Défenseur des droits 2019-224 du 16 septembre 2019 relative à la légalité des preuves d’état civil exigées dans le cadre de l’instruction d’une demande de titre de séjour

Publié le mardi 8 octobre 2019 , mis à jour le mardi 8 octobre 2019

Source : Défenseur des droits

Date : Décision 2019-224 du 16 septembre 2019

Résumé :

« Le Défenseur des droits a été saisi de la pratique d’une préfecture consistant à ne retenir que des actes légalisés comme preuve de l’état civil dans le cadre de l’examen des demandes de titres de séjour qui lui sont soumises. Il était précisé que l’absence de production d’actes légalisés était susceptible d’orienter le préfet vers une décision de refus de séjour.

Conformément à l’article R.311-2-2 (auparavant R.313-1) du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), l’étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour est tenu de présenter des documents justifiant de son état civil.

Dans le silence des textes sur la nature des documents susceptibles d’être produits dans ce cadre, la jurisprudence administrative considère que l’état civil peut être établi au moyen de tout document (Cour administrative d’appel de Lyon, 30 juin 2010, n° 10LY00753 ; 28 sept. 2010 n° 10LY00754 ; Tribunal administratif de Bordeaux, 20 fév. 2017, n° 1700266).

S’agissant du contrôle de l’authenticité des documents étrangers produits, l’article L.111-6 du CESEDA dispose en son alinéa 1er que « La vérification de tout acte d’état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l’article 47 du code civil ».

Ledit article 47 prévoit que « Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »

De façon constante, la jurisprudence administrative rappelle que ces dispositions posent une présomption de validité des actes d’état civil établis par une autorité étrangère qu’il incombe à l’administration de renverser en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question (Cour administrative d’appel de Nantes, 20 février 2014, 13NT02817).

Ainsi, la seule absence de légalisation d’un acte ne saurait suffire à renverser la présomption d’authenticité dont il se trouve revêtu, ni à établir l’intention frauduleuse de celui qui le produit, le préfet étant toujours tenu d’engager des vérifications pour établir le caractère non probant de l’acte.

Pour cette raison, le Défenseur des droits considère que la pratique consistant à ne retenir que des actes légalisés pour preuves de l’état civil des étrangers présentant une demande de titre de séjour se fonde une interprétation des textes excessivement restrictive et contraire à celle qu’en donne la jurisprudence administrative.

Cette analyse a été confirmée par le tribunal administratif de Y dans une décision du 19 septembre 2017 (n° 1600831).

Le Défenseur des droits a présenté son analyse ainsi que le sens de la jurisprudence administrative au préfet en cause, lequel a répondu que :

- La pratique qui consistait à ne retenir que des actes légalisés comme preuves de l’état civil a évolué ;
- Le moyen tiré de ce que les demandeurs ne présentent pas d’actes d’état civil légalisés n’est plus invoqué dans les décisions portant refus de séjour ou obligation de quitter le territoire ;
- L’instruction a été donnée aux services de ne plus refuser les dépôts de dossiers au seul motif que les actes d’état civil produits ne présentent pas cette légalisation.

Le Défenseur des droits prend acte avec satisfaction de cette réponse qui semble conforme au droit applicable.

Constatant néanmoins que, sur les listes de pièces publiées sur le site Internet de la préfecture, des actes de naissance légalisés de moins de trois mois demeurent exigés dans de nombreux cas, le Défenseur des droits décide de recommander au préfet en cause de veiller à ce que les listes de pièces publiées sur le site Internet de la préfecture – et le cas échéant toute convocation type ou autre document faisant apparaître une exigence d’acte légalisé – soient modifiées dans un sens conforme au droit applicable. »

Extraits :

« Ledit article 47 prévoit que :
« Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »

De façon constante, la jurisprudence administrative rappelle que ces dispositions posent :
« une présomption de validité des actes d’état civil établis par une autorité étrangère qu’il incombe à l’administration de renverser […] en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question » (CAA Nantes, 20 février 2014, 13NT02817).

Ainsi, la seule absence de légalisation d’un acte ne saurait suffire à renverser la présomption d’authenticité dont il se trouve revêtu, ni à établir l’intention frauduleuse de celui qui le produit, le préfet étant toujours tenu d’engager des vérifications pour établir le caractère non probant de l’acte.

Dans une décision relative au caractère non probant d’un acte de naissance, le tribunal administratif de Y a d’ailleurs expressément rappelé que le préfet :
« ne pouvait […] se borner à faire état de l’absence de légalisation de cet acte par les autorités consulaires françaises du pays d’origine de la requérante dès lors qu’il n’établit ni même n’allègue avoir demandé la vérification de l’acte de naissance de l’intéressée aux autorités consulaires compétentes comme l’y autorise l’article 47 de l’ordonnance précitée » (TA Y, 7 février 2007, n° 0500325).

Plus généralement, le juge administratif rappelle régulièrement, dans le cadre de son contrôle des pièces produites au titre de preuves de l’état civil par les étrangers sollicitant un titre de séjour, qu’il appartient au préfet, lorsque ce dernier estime que les documents produits par le demandeur sont suspects, d’en vérifier l’authenticité au cours de l’instruction de la demande (CAA Lyon, 28 septembre 2010, n° 10LY00754 ; CAA Lyon, 3 mai 2016, n° 14LY03985 ; TA Bordeaux, 20 février 2017, n° 1700266).

Dès lors, la pratique consistant à ne retenir que les actes légalisés pour preuve de l’état civil des étrangers présentant une demande de titre de séjour apparaît se fonder sur une interprétation des textes excessivement restrictive et contraire à celle qu’en donne la jurisprudence administrative. »

Décision disponible au format pdf ci-dessous :

DC_DDD_16092019_2019-224

Voir en ligne : https://juridique.defenseurdesdroit...


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