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Aro, Kurde irakien à Grande-Synthe : “Le passeur nous a abandonnés sur une plage isolée avec un bateau en panne”

Publié le lundi 14 octobre 2019 , mis à jour le lundi 14 octobre 2019

Source : InfoMigrants

Date : 11 octobre 2019

Auteur : Anne-Diandra Louarn

Extraits :

«  Aro a fui le nord de l’Irak en 2015 à cause de la présence de Daesh à côté de son village. Après avoir vécu plusieurs années en Suède, il est expulsé et cherche, depuis, un pays d’accueil pour reconstruire sa vie. Il dort, pour l’instant, dans les bois à Grande-Synthe dans des conditions sanitaires déplorables, avec l’espoir de réussir à passer au Royaume-Uni pour y retrouver des amis et travailler dans l’informatique.

(...)

À Grande-Synthe, je dors dans une tente avec quatre personnes. J’ai mon cousin que j’ai retrouvé ici. Il a 16 ans.

Il y a trois jours, on a essayé de passer La Manche. J’ai demandé à ma famille de payer un passeur en Irak. Ça coûte 3 000 euros. Vers minuit, on a pris un petit bateau. On était 12 personnes à bord dont une femme. Il y avait des mineurs avec nous aussi. La femme était paniquée et elle n’a pas arrêté de pleurer. Au final, on n’a jamais réussi à avancer car le moteur de notre embarcation avait des problèmes.

On a donc passé la nuit dans un endroit abandonné à côté de la plage au milieu de nulle part parce que le passeur nous a laissés seuls avec ce bateau en panne et on n’avait pas de moyen de transport. J’avais très froid et j’étais épuisé.

"À Grande-Synthe, les passeurs embauchent des mineurs pour faire leur pub auprès des autres migrants"

A Grande-Synthe, ce sont les mineurs qui sont les premiers menacés par les risques. Par exemple, tu peux trouver de la drogue partout dans les campements. Moi je n’y touche pas car je sais me contrôler, mais les mineurs n’ont pas cette conscience.

En plus, les passeurs aussi essayent d’exploiter les jeunes notamment en les embauchant comme médiateurs. En gros, ils travaillent avec les passeurs pour convaincre les migrants du camp de prendre la mer avec tel ou tel passeur. Ils font leur pub !

Ce job leur permet ensuite de pouvoir eux-mêmes partir au bout de plusieurs mois sans avoir à payer le passeur. Mais c’est très risqué parce que souvent la police arrête ces médiateurs et tout retombe sur eux… Le vrai passeur reste en sécurité et continue son travail..

Pour résumer ma vie ici, je dirais que je suis juste fatigué mais j’ai encore de l’espoir. Moi je ne suis pas un criminel, je n’ai pas peur des policiers. J’ai le droit de vivre et faire ma vie tranquillement.

En Irak, j’ai travaillé dans une entreprise de communication et informatique. J’avais un Cyber café dans ma ville et ma situation financière était correcte mais je n’étais pas en sécurité. Il y avait Daesh à quelques kilomètres de nous. C’est horrible de vivre dans la peur 24h sur 24. On ne pouvait pas penser à l’avenir là-bas.

Mais si j’avais su que je serai dans cette situation horrible en Europe, je n’aurais pas quitté mon pays. Je serais resté, malgré la présence menaçante des extrémistes. Cette vie instable est trop épuisante et bien trop difficile.

*Prénom modifié par souci d’anonymat  »

Voir en ligne : https://www.infomigrants.net/fr/sto...


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