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Arrêté du 20 novembre 2019 publié au JORF n°0273 du 24 novembre 2019 - texte n° 22 - pris en application de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles relatif aux modalités de l’évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille. NOR : SSAA1920987A

Publié le : lundi 25 novembre 2019

Voir en ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/affi...

Source : Légifrance

Date : arrêté du 20 novembre 2019 publié au JORF n°0273 du 24 novembre 2019

«  Publics concernés : présidents des conseils départementaux.

Objet : définir les modalités de l’évaluation de la minorité et de l’isolement familial des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

Notice : l’article R. 221-11 précise les conditions d’accueil et d’évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

L’arrêté fixe le référentiel national prévu au III de cet article et définit également, conformément au II du même article, les conditions de formation et d’expérience requises des professionnels intervenant dans l’évaluation.

L’arrêté abroge et remplace l’arrêté du 17 novembre 2016 pris en application du décret n 2016-840 du 24 juin 2016 relatif aux modalités de l’évaluation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

La garde des sceaux, ministre de la justice, la ministre des solidarités et de la santé, le ministre de l’intérieur, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales et le secrétaire d’Etat auprès de la ministre des solidarités et de la santé,
Vu le code de l’action sociale et des familles, notamment ses articles L. 221-2-2, L. 223-2, R. 221-11 et R. 221-15-1 et suivants ;
Vu le code de l’entrée, du séjour des étrangers et du droit d’asile, notamment son article L. 611-6-1 ;
Vu le code civil, notamment l’article 388,

Arrêtent :

Article 1

Le présent arrêté a pour objet de :

- fixer les modalités de l’évaluation de la minorité et de l’isolement familial des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille en application des dispositions de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles ;

- définir, conformément au II de ce même article, les conditions de formation et d’expérience requises des professionnels intervenant dans l’évaluation.

Un mineur est considéré comme isolé lorsque aucune personne majeure n’en est responsable légalement sur le territoire national ou ne le prend effectivement en charge et ne montre sa volonté de se le voir durablement confier, notamment en saisissant le juge compétent. Afin de faire obstacle à toute exploitation ou emprise, une attention particulière doit être portée quant aux motivations de cette personne majeure, qui doit agir dans l’intérêt exclusif de l’enfant. Le fait qu’un mineur ne soit pas considéré comme isolé ne l’empêche pas de bénéficier des dispositifs de protection de l’enfance.

Article 2

Le président du conseil départemental fait procéder à l’évaluation de la minorité et de l’isolement des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille qui se présentent dans le département.

L’évaluation s’appuie sur un faisceau d’indices qui peut inclure :

- les informations qui sont fournies au président du conseil départemental par le représentant de l’Etat dans le département selon les modalités prévues à l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles et précisées à l’article 3 du présent arrêté ;

- une évaluation sociale reposant sur des entretiens menés selon les modalités précisées aux articles 4 à 9 du présent arrêté ;

- les examens complémentaires prévus à l’article 388 du code civil, selon les conditions et la procédure précisées par ce même article.

A tout moment, le président du conseil départemental peut conclure l’évaluation et faire application des dispositions prévues au IV de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles.

Article 3

Le président du conseil départemental peut demander au représentant de l’Etat dans le département de lui communiquer les informations utiles à la détermination de l’identité et de la situation de cette personne.

Dans le cadre de la mise en œuvre du traitement mentionné à l’article R. 221-15-1 du code de l’action sociale et des familles, le représentant de l’Etat dans le département s’engage en particulier à :

- organiser l’accueil dans un délai raisonnable, par un agent de la préfecture formé et habilité à cet effet, dans un local dédié et selon des modalités adaptées à l’accueil des mineurs, des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille adressées à la préfecture par le conseil départemental ou par tout organisme qu’il aurait désigné pour ce faire ;

- communiquer ces informations de façon sécurisée et sans délai aux agents spécialement habilités à en connaître par le président du conseil départemental.

Le représentant de l’Etat dans le département et le président du conseil départemental peuvent conclure un protocole précisant leurs engagements réciproques et les modalités de coordination des services placés sous leur autorité.
Le président du conseil départemental peut également solliciter le concours du représentant de l’Etat dans le département pour vérifier l’authenticité des documents d’identification présentés par la personne. Les modalités de mise en œuvre de ce concours peuvent être précisées dans le cadre du protocole mentionné au précédent alinéa.

Ce protocole peut également être élargi aux modalités de coordination avec l’autorité judiciaire.

Article 4

L’évaluation sociale est menée par les services du conseil départemental ou par tout organisme du secteur public ou du secteur associatif auquel la mission d’évaluation a été déléguée par le président du conseil départemental.
L’évaluation sociale se déroule dans une langue comprise par l’intéressé, le cas échéant avec le recours d’un interprète, faisant preuve de neutralité vis-à-vis de la situation. L’intéressé est informé des objectifs et des enjeux de l’évaluation sociale qui doit être une démarche empreinte de neutralité et de bienveillance. Il est notamment avisé qu’il pourra être pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance d’un autre département s’il est évalué mineur et privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille à l’issue de l’évaluation.
Le ou les évaluateurs analysent la cohérence des éléments recueillis au cours d’un ou plusieurs entretiens, espacés d’au moins 24 heures, si nécessaire en demandant le concours de professionnels d’autres spécialités. Ces éléments constituent un faisceau d’indices qui permet d’apprécier si la personne évaluée est mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille.

Article 5

Le président du conseil départemental s’assure que les professionnels en charge de l’évaluation auxquels il a recours justifient d’une qualification ou d’une expérience leur permettant d’exercer leur mission dans des conditions garantissant la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, et d’une formation à l’évaluation sociale.
L’expérience ou la qualification prises en compte peuvent notamment avoir trait aux métiers de la protection de l’enfance, du droit, de la psychologie, de la santé ou de l’éducation.

La formation à l’évaluation sociale est d’une durée minimale de 21 heures et donne lieu à la délivrance d’une attestation d’assiduité. Elle porte notamment sur la psychologie de l’enfant, les spécificités de l’approche interculturelle, les techniques d’entretien et le processus d’évaluation dans son déroulement chronologique, le contexte géopolitique et les parcours de migration, ainsi que le droit de la protection de l’enfance, du séjour et de l’asile.

Article 6

Le président du conseil départemental s’assure également du caractère pluridisciplinaire de l’évaluation sociale de la personne se présentant comme mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille. Cette pluridisciplinarité repose sur au moins une des deux modalités suivantes :

- les entretiens avec la personne évaluée sont menés par au moins deux évaluateurs ayant des qualifications ou des expériences différentes, qui interviennent soit simultanément, soit de façon séquentielle ;

- le rapport d’évaluation sociale est relu par une équipe composée de personnes ayant des qualifications ou des expériences différentes avant validation par le responsable d’équipe.

Article 7

A chaque stade de l’évaluation sociale, le ou les évaluateurs veillent à confronter l’apparence physique de la personne évaluée, son comportement, sa capacité à être indépendante et autonome, sa capacité à raisonner et à comprendre les questions posées avec l’âge qu’elle allègue.

Le ou les évaluateurs sont attentifs à tout signe d’exploitation ou d’emprise dont peut être victime la personne évaluée. Ils l’informent sur les droits reconnus aux personnes victimes d’exploitation ou de traite des êtres humains, et veillent à son accompagnement, le cas échéant, vers un dépôt de plainte.

Les éléments recueillis dans le cadre de la mise à l’abri doivent être communiqués à l’évaluateur ou aux évaluateurs, et sont pris en compte dans le rapport d’évaluation sociale.

Article 8

L’évaluation sociale porte a minima sur les six points d’entretien suivants :

1° Etat civil :

- le ou les évaluateurs recueillent les déclarations de la personne évaluée concernant sa situation personnelle, son état civil et son pays ainsi que sa région d’origine ;

- l’intéressé produit tout document concernant son état civil et précise les conditions d’obtention des documents produits. Le ou les évaluateurs tiennent compte des actes d’état civil émanant d’une administration étrangère dans les conditions prévues par l’article 47 du code civil. Ils informent l’intéressé des risques qu’il encourt en cas de présentation de faux. S’ils constatent des incohérences entre le document présenté et le récit de la personne, ils demandent des précisions à cette dernière et l’indiquent dans le rapport d’évaluation sociale.

2° Composition familiale :

- le ou les évaluateurs recueillent auprès de la personne évaluée tous éléments sur sa famille et ses proches dans son pays d’origine, l’identité et l’âge de ses parents et des membres de sa fratrie, la place qu’elle occupe au sein de cette dernière ;

- elle indique si elle a maintenu des liens avec sa famille depuis son arrivée sur le territoire français, notamment si elle a connaissance de la présence de membres de sa famille en France ou en Europe, ainsi que les liens qu’elle entretient avec ceux-ci ;

- les entretiens d’évaluation de la minorité et de l’isolement familial peuvent être le moment propice à l’amorce d’une recherche de la famille en vue d’une prise de contact.

3° Présentation des conditions de vie dans le pays d’origine :

- la personne évaluée décrit le contexte géopolitique de sa région d’origine, la situation économique de sa famille la plus proche, ainsi que la localisation actuelle de celle-ci, le niveau et le déroulement de sa scolarité et/ou de sa formation et enfin le travail ou toute autre activité qu’elle a pu exercer dans son pays d’origine ;

- le ou les évaluateurs prennent en compte la situation géopolitique du pays dont elle est ressortissante, telle qu’ils peuvent en avoir une connaissance objective issue notamment de la consultation du site du ministère chargé des affaires européennes et étrangères.

4° Exposé des motifs de départ du pays d’origine et présentation du parcours migratoire de la personne jusqu’à l’entrée sur le territoire français :

- le ou les évaluateurs recueillent auprès de la personne évaluée les motifs et la date de départ de son pays d’origine, ainsi que l’organisation et les modalités de financement de son parcours migratoire en précisant, le cas échéant, l’intervention de passeurs ;

- elle décrit son itinéraire entre le pays d’origine et le territoire français, en précisant la durée et les conditions du séjour dans chaque pays traversé, les démarches éventuellement engagées dans ces pays, et notamment sa prise en charge éventuelle par un service chargé de la protection de l’enfance.

5° Conditions de vie depuis l’arrivée en France :

- la personne évaluée précise la date et ses conditions d’entrée sur le territoire français, ses conditions de vie en France depuis son arrivée, et les conditions de son orientation vers le lieu de l’évaluation. Ces éléments sont complétés par les éléments recueillis dans le cadre de la mise à l’abri et communiqués à l’évaluateur ou aux évaluateurs.

6° Projet de la personne :

- afin de procéder à une orientation adaptée de la personne à l’issue de l’évaluation, le ou les évaluateurs recueillent son projet, notamment en termes de scolarité, de formation, d’insertion et de séjour ou d’asile ainsi que, lorsqu’un contact avec la famille a pu être établi, le projet parental.

Ces points sont abordés par le ou les évaluateurs dans l’ordre et selon le rythme qui leur semble le plus pertinent selon la situation de la personne évaluée. Ils peuvent les compléter par d’autres points en vue d’enrichir l’évaluation sociale. Toutefois, si la minorité et l’isolement de l’intéressé sont manifestes, le ou les évaluateurs en rendent compte sans délai au président du conseil départemental. Celui-ci apprécie l’opportunité de conclure l’évaluation sociale pour saisir sans délai l’autorité judiciaire aux fins d’assistance éducative.

Article 9

Après avoir effectué une synthèse du ou des entretiens dans un rapport d’évaluation sociale, le ou les évaluateurs rendent un avis motivé sur la minorité et l’isolement de la personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille. Si des doutes subsistent, le ou les évaluateurs l’indiquent dans leur avis.

Le ou les évaluateurs transmettent le rapport d’évaluation sociale et leur avis motivé au président du conseil départemental. Ces documents peuvent être transmis au procureur de la République en cas de saisine en application du IV de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles. Si la personne évaluée en fait la demande, le président du conseil départemental lui communique, outre sa décision, le rapport d’évaluation sociale et l’avis motivé du ou des évaluateurs.

Article 10

La personne qui est évaluée mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille bénéficie des dispositions relatives à la protection de l’enfance. Lorsque la personne n’est pas évaluée mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, le président du conseil départemental notifie à l’intéressé une décision motivée de refus de prise en charge mentionnant les voies et délais de recours applicables. Il l’informe alors sur les droits reconnus aux personnes majeures notamment en matière d’hébergement d’urgence, d’aide médicale, de protection contre la traite des êtres humains, d’asile ou de séjour.

Article 11

Le directeur général de la cohésion sociale et le directeur général des collectivités locales sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 20 novembre 2019.

La ministre des solidarités et de la santé,

Agnès Buzyn

La garde des sceaux, ministre de la justice,

Nicole Belloubet

Le ministre de l’intérieur,

Christophe Castaner

La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales,

Jacqueline Gourault

Le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales,

Sébastien Lecornu

Le secrétaire d’Etat auprès de la ministre des solidarités et de la santé,

Adrien Taquet  »

Arrêté_n°0273_20112019