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Mineurs non accompagnés en prison : les victimes d’un système

Publié le jeudi 5 décembre 2019 , mis à jour le jeudi 5 décembre 2019

Source : Observatoire international des prisons-sections française. Dossier "Enfermement des mineurs", 6/9.

Date : 2 décembre 2019

Auteur : Charline Becker

Extraits :

«  Depuis 2016, le nombre de mineurs non accompagnés incarcérés a explosé. Qu’il s’agisse des prises en charge antérieures à la détention, de l’incarcération ou encore de la sortie, à toutes les étapes, la machine échoue à les protéger.

Lorsque son avocate le croise pour la première fois en avril 2018, Amine(1), mineur isolé algérien, a 13 ans. Il s’agit de sa douzième arrestation en moins de quatre mois. Il en aura au total plus de vingt entre janvier et juin 2018. Comme Amine, des centaines de mineurs non accompagnés (MNA), souvent polytoxicomanes et sans abri, sont régulièrement déférés devant le juge des enfants, et alternent placements éducatifs, incarcérations et retour à la rue.

Ces dernières années, le nombre de ces mineurs incarcérés a explosé. Si le ministère de la Justice ne fournit aucun chiffre officiel, les rapports d’activité de certains établissements pour mineurs (EPM) sont parlants : le nombre de MNA est passé de 12 à 27% à l’EPM de la Valentine (Marseille) et de 5,8 à 26% à Meyzieu (Lyon) entre 2014 et 2018. « 20% [de MNA] dans un quartier mineur de région parisienne, 50% dans un EPM, un tiers dans un autre » : dans son rapport 2018, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) s’alarme de la part des mineurs non accompagnés dans les prisons françaises. Alors comment expliquer ce phénomène qui déconcerte tous les acteurs de terrain ?

Une procédure « accélérée » source d’incarcérations

Si la justice – et a fortiori celle des mineurs – doit théoriquement prendre le temps de personnaliser la réponse pénale et ainsi éviter l’incarcération, les mineurs non accompagnés échappent très largement à cette règle. « Ils sont victimes de leur vulnérabilité, explique une juge des enfants. Dans la mesure où ils n’ont pas d’attaches et donc pas d’adresse, pas de représentants légaux, ils sont amenés à connaître un traitement judiciaire beaucoup plus difficile : ils vont être plus rapidement déférés et incarcérés, faute de garanties de représentation. Même lorsque nous voulons travailler à des alternatives, nous nous retrouvons plus rapidement bloqués. » Ainsi, en cas de poursuites, le procureur va le plus souvent décider de le déférer directement devant un juge(2) plutôt que de le faire convoquer à une date ultérieure, afin de ne pas prendre le risque que le mineur échappe à la justice. Et une fois saisi, le juge aura, pour ces mêmes raisons, tendance à placer le jeune en détention provisoire plutôt que de le remettre en liberté dans l’attente de son jugement ou de prononcer une mesure provisoire.

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Des prises en charges éducatives défaillantes

Si tous les acteurs de terrain s’accordent à dire que les MNA sont plus facilement incarcérés que les mineurs français, un mandat de dépôt n’est pas systématiquement requis dès la première présentation au juge. Les juges pour enfants ordonnent souvent des mesures éducatives, adossées ou non à un contrôle judiciaire. Mais ces mesures échouent généralement, faute d’être adaptées à ce public particulier.

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En prison, des équipes et des enfants démunis

La prison n’est pas plus adaptée à la prise en charge de ces mineurs – loin s’en faut. « On ne sait pas comment faire » est une phrase qui revient souvent dans la bouche des travailleurs sociaux. « Ce qui me frappe dans l’accompagnement de ces mineurs, c’est de constater à quel point ils ont perdu confiance dans les adultes. Ils n’en attendent plus rien, ils n’ont plus l’habitude de nous fréquenter et d’avoir une parole qui compte », se désole un membre de l’équipe soignante d’un quartier mineurs du sud de la France. De plus, alors que le maintien du lien familial est essentiel dans le projet éducatif, ce dernier est complétement absent dans le cas des MNA. « Le seul lien qu’ils ont pu plus ou moins maintenir avec leur famille, c’est par Internet, par les réseaux sociaux », témoigne une soignante. Un lien qu’ils ne peuvent plus maintenir en détention, l’accès à Internet y étant prohibé comme dans tous les établissements pénitentiaires.

(...)

Un cercle vicieux

Aucune prise en charge adaptée n’étant organisée à l’échelon institutionnel, des dispositifs se mettent parfois en place localement pour tenter de combler ces manques : à l’EPM de Marseille par exemple, « des groupes scolaires adaptés »(4) sont formés, l’unité sanitaire organise pour les MNA des groupes de parole et les éducateurs « bataillent auprès des juges pour obtenir des ordonnances de placement provisoire et un suivi en milieu ouvert ». Des initiatives qui remportent des succès inégaux. Et qui, surtout, ne reposent que sur la bonne volonté de professionnels impliqués localement. (...)  »

Voir en ligne : https://blogs.mediapart.fr/observat...


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