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Commission nationale consultative des droits de l’homme – « Observatoire de l’État d’urgence sanitaire et du confinement »

Publié le vendredi 24 avril 2020 , mis à jour le vendredi 24 avril 2020

Source : Commission nationale consultative des droits de l’homme

Communiqué de presse de lancement – 02 avril 2020

«  LA CNCDH CRÉE UN OBSERVATOIRE DES MESURES DE L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), sous l’impulsion de son nouveau président, Jean-Marie Burguburu, met en place un observatoire de l’impact des mesures de l’état d’urgence sanitaire et des ordonnances « Covid-19 » sur le respect des droits fondamentaux.

La France traverse une crise sanitaire exceptionnelle qui met durement à l’épreuve son système de santé, comme les droits et libertés de chacune et chacun d’entre nous.

  • Les ordonnances de l’état d’urgence sanitaire

La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, sur le projet de laquelle la CNCDH avait déjà eu l’occasion de s’exprimer, a habilité le gouvernement à prendre des mesures par ordonnances afin, notamment, de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la pandémie ainsi qu’à ses conséquences sur le fonctionnement de la justice. Dans le cadre de sa mission de contrôle du respect par la France de ses engagements internationaux en matière de droits de l’homme, la CNCDH mène un travail d’analyse approfondi sur les ordonnances adoptées et leur mise en œuvre.

La CNCDH souligne le caractère essentiel de certaines mesures qui tiennent compte des difficultés pratiques auxquelles sont confrontées des catégories de personnes particulièrement vulnérables en prolongeant leurs droits : report de la fin de la trêve hivernale de deux mois, dispositifs d’aide aux sans-abri, prolongation de certains droits sociaux ou encore de la durée de validité des documents de séjour, etc.

  • Caractère provisoire

La CNCDH rappelle le caractère nécessairement provisoire de celles des mesures prises qui sont attentatoires aux droits et libertés fondamentaux. La période actuelle ne saurait servir de laboratoire d’expérimentation en vue d’une généralisation de mesures largement contestées, voire permettre la mise en place subreptice de telles mesures. Il importe aussi de s’assurer de la sortie de cet état d’exception dès que possible et de vérifier que la durée des mesures ne dépasse pas ce qui est strictement nécessaire.

  • Nécessité, proportionnalité, non-discrimination

Consciente du caractère inédit de la situation, de la difficulté à devoir y faire face dans l’urgence et de la nécessité de faire corps face à la pandémie, la CNCDH veille à ce que l’action des pouvoirs publics reste toujours nécessaire, proportionnée au regard des atteintes aux droits et libertés fondamentaux garantis par la constitution et les textes internationaux, et ne soit pas discriminatoire.

  • L’observatoire de l’impact des mesures sur les droits fondamentaux

Dans ce contexte si particulier, grâce à l’expertise et l’expérience de terrain de ses membres, la CNCDH met en place un observatoire de l’état d’urgence sanitaire qui a pour mission d’examiner en permanence l’impact des mesures prises par les pouvoirs publics sur le respect des droits humains et sur leur effectivité. La CNCDH entend ainsi recenser les difficultés constatées par ses membres issus de la société civile. Ces informations permettront de proposer des recommandations concrètes, ayant vocation à éclairer le gouvernement pour garantir les droits fondamentaux de toutes et tous, et en particulier les personnes plus vulnérables  »

CNCDH_CP_lancement_observatoire_02042020

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La lettre de l’Observatoire N°1 – 6 avril 2020

« La mise en place de l’état d’urgence sanitaire et de mesures de confinement pour lutter contre le Covid-19 peut soulever, dans son application, un certain nombre de difficultés en termes de respect des droits et libertés. Il relève des missions de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) de contrôler la mise en œuvre de ces mesures et d’évaluer les éventuelles violations des droits et libertés qui pourraient en résulter.
C’est la raison pour laquelle la CNCDH a décidé de mettre en place un Observatoire de l’état d’urgence sanitaire pour recenser les atteintes aux droits et libertés, s’assurer de leur effectivité sur le terrain, et produire des recommandations à destination des pouvoirs publics pour remédier aux problèmes et en tirer des enseignements pour le futur.

Etat d’urgence et crise sanitaire : soutenir l’aide aux populations les plus vulnérables

Après deux semaines et demie de confinement, les retours des associations, mais aussi des médias mettent en lumière de nombreuses situations critiques, en particulier pour les populations plus vulnérables. Le premier constat est qu’aucun plan général n’a été préparé en amont pour prévoir une situation sanitaire de cet ordre et en particulier son impact sur les personnes les plus précaires. Durant ces dernières semaines, l’accompagnement et la prise en charge de ces populations ont été laissés à la charge quasi exclusive des associations, sans coordination nationale.

Ce constat est d’autant plus amer qu’il reflète une fois de plus que les mesures générales prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire l’ont été en prenant comme cadre de référence une certaine catégorie de citoyens – salarié, vivant en couple ou en famille, ayant accès à internet et maîtrisant bien la langue française – qui ne saurait refléter la diversité de la population, laissant de côté celles et ceux qui ne rentrent pas dans cette catégorie. Or, ignorer ces réalités, c’est à la fois prendre le risque de multiplier les contaminations, mais aussi accroître les inégalités sociales et de laisser bon nombre de nos concitoyens sur le bord de la route.

Alors qu’en temps normal, l’effectivité des droits est loin d’être une réalité pour les populations précaires et pour les personnes en situation de handicap, en termes d’accès au logement, aux soins, à la justice, à l’éducation, que l’accès aux droits pour les personnes étrangères est extrêmement compliqué –situations que la CNCDH a eu l’occasion de dénoncer dans de nombreux avis – les mesures mises en place dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire emportent le risque d’une dramatique dégradation des conditions de vie et d’accès aux droits.

Certes, en fin de semaine dernière, quelques mesures, et notamment des instructions aux préfets, ont été adoptées pour pallier certaines difficultés et commencer à coordonner l’aide et l’accompagnement des plus précaires. De même, des mesures importantes ont été prises par ordonnances, comme l’extension de la trêve hivernale ou l’allongement de la durée de validité de certains titres de séjours ou de couvertures sociales.

De la difficulté de présenter une attestation de déplacement dérogatoire.

De manière emblématique, une des mesures fortes liée au confinement - la nécessité de produire une attestation de déplacement dérogatoire – se révèle en pratique très complexe pour une part importante de la population. En effet, il faut déjà avoir accès à l’information pour savoir quelles sont les mesures mises en œuvre et bien les comprendre, ce qui pose problème aux personnes maitrisant mal le français, mais aussi aux personnes âgées ou ayant des troubles cognitifs. Ensuite, il est nécessaire d’avoir accès à internet, pour trouver le modèle d’attestation, ce qui n’est pas le cas d’un foyer sur 10 et de près de la moitié des personnes de plus de 70 ans. Enfin, il faut être en capacité de la comprendre, de la remplir (en 2011 2,5 millions de personnes étaient en situation d’illettrisme en France), et de l’imprimer ou de la télécharger. Par ailleurs, certains témoignages font état de comportements inadmissibles, s’apparentant parfois à des abus de pouvoir, de la part des forces de l’ordre lors de certains contrôles

Néanmoins, il apparaît à la Commission que certaines mesures absolument essentielles pour garantir le suivi de la prise en charge et l’accompagnement des populations vulnérables pendant cette période n’ont pas encore été prises. C’est pourquoi, la CNCDH recommande urgemment au gouvernement et aux pouvoirs publics :

➡ De mettre en place un véritable pilotage national, par l’Etat, de l’aide aux personnes précaires, en particulier de l’aide alimentaire, avec la mise en place d’une cellule de crise qui permettra une coordination resserrée de l’action publique avec les grandes associations sanitaires et sociales. Cette coordination à l’échelon national doit être déclinée au niveau départemental et municipal dans les grandes agglomérations.

➡ De mettre en place une cellule de crise sur la situation des personnes migrantes, pilotée par le ministère de l’Intérieur, en lien avec le ministère des Solidarité et de la Santé, et en coordination avec les associations concernées, afin de garantir à tous une protection minimale face à l’épidémie : maintien dans tous les départements d’un circuit d’accès à l’aide sociale à l’enfance et à un hébergement d’urgence pour les mineurs non accompagnés, mise à l’abri et/ou accès aux mesures sanitaires nécessaire (en matière de protection et de prévention) pour les personnes vivant en campement ou en bidonville, enregistrement éventuellement dématérialisé des demandes d’asiles, suspension de la condition de résidence de 3 mois pour l’accès à l’AME, suspension du délai de carence pour l’ouverture de droits à la PUMa, accès à des mesures de protection dans les centres collectifs d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés, …

➡ De permettre aux associations d’assurer la sécurité de leurs bénévoles, en les faisant bénéficier du matériel de protection adapté (masques, gel, gants,…) et en leur donnant accès à une attestation permanente de déplacement sur le modèle de celle des salariés.

➡ De clarifier la communication gouvernementale sur toutes les mesures liées à l’état d’urgence afin de la rendre accessible à tous, qu’il s’agisse des mesures sanitaires et des conseils de protection, ou des mesures sociales mises en œuvre par les administrations (aides disponibles, reports d’échéances, prorogation des droits…) en produisant des supports de communication simples, rédigés en langage clair, et harmonisés sur les différents médias et sites web du gouvernement et des organismes de protection sociale.

URGENCE PERSONNES MIGRANTES

La CNCDH est particulièrement préoccupée par le sort des personnes migrantes, déjà présentes sur le territoire, ou qui continuent à arriver, l’épidémie et le confinement n’ayant pas mis un terme aux flux migratoires. Actuellement ces personnes ne peuvent plus faire valoir leurs droits, et la Commission s’inquiète de certaines situations qui appellent la mise en œuvre de solutions urgentes.

➡ Droits d’asile : depuis la fermeture des GUDA le 23 mars, aucune demande d’asile ne peut être enregistrée. Or la CNCDH tient à rappeler que le droit d’asile, principe à valeur constitutionnelle, ne peut faire l’objet de mesures dérogatoires, même en situation d’état d’urgence.

➡ Centres de rétention administrative : mise en danger des personnes retenues et des personnels de garde, alors même que le maintien en rétention n’a plus de justification, les reconduites à la frontière étant actuellement impossibles.

➡ Situation aux frontières : A Calais, de nombreuses associations ont dû se retirer pour respecter les consignes sanitaires et protéger leurs bénévoles. Plusieurs centaines de personnes sont livrées à elles-mêmes, sans information, aucune mise à l’abri n’a été planifiée, les campements n’ont pas suffisamment de points d’eau ou de sanitaires, et les distributions alimentaires ont été suspendues. A la frontière italienne, les migrants continuent d’être privés de liberté et refoulés dans des conditions non seulement contraires au droit d’asile et à la protection des mineurs, mais aussi particulièrement dangereuses pour leur santé, aucune mesure n’ayant été prise à la suite de la propagation de l’épidémie.

Mineurs non accompagnés : la situation est particulièrement alarmante, de nombreux enfants sont laissés seuls à la rue, la plupart des points d’accès à protection de l’enfance sont en effet fermés. Quand les enfants peuvent être hébergés, c’est souvent dans des conditions particulièrement difficiles, notamment sur le plan sanitaire, et sans qu’aucun soutien administratif ne leur soit proposé.

Enfin, la CNCDH s’inquiète du fait que les politiques européennes de fermeture des frontières laissent les personnes migrantes et les demandeurs d’asile, notamment en provenance du Proche-Orient, bloqués aux portes de l’Europe dans des situations humanitaires effroyables. »

CNCDH_Lettre_n°1_observatoire_06042020

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La lettre de l’Observatoire N°2 – 15 avril 2020 - Protection de l’enfance

Extraits :

  • Respectons les droits des enfants et des parents dans la procédure judiciaire.

L’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 donne la possibilité aux juges des enfants de se prononcer sans audience et sans recueil des observations des parties.
Elle ne prévoit pas l’audition ou le recueil des observations de l’enfant alors même que l’enfant capable de discernement est partie à la procédure et que son droit à être entendu est un principe consacré par la Convention internationale des droits de l’enfant. Pourtant, les décisions qui pourront être prises par les juges des enfants, sans contradictoire réel, et pour de trop longues durées, seront lourdes de conséquences : prolongation des mesures d’assistance éducative de plein droit jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire ; renouvellements de mesures pouvant aller jusqu’à neuf mois pour les placements, un an pour les mesures de milieu ouvert, sur le fondement d’un rapport éducatif dont l’accès et la communication aux parties est encore plus compliqué qu’en temps normal. L’état d’urgence sanitaire ne justifie pas une telle disproportion dans l’atteinte aux droits des parties.

Par ailleurs l’accord écrit de l’un des parents, en l’absence d’opposition écrite de l’autre, peut permettre de reconduire le placement sans audience et audition des parents pour une durée qui ne peut excéder neuf mois.

Aucune précision n’est apportée sur les conditions de recueil de cet accord, alors que s’agissant des personnes en situation de pauvreté, qui sont particulièrement vulnérables, ces conditions peuvent s’avérer décisives sur la sincérité de leur accord.

Enfin, la CNCDH est particulièrement inquiète de la situation des enfants privés de liberté, dans un contexte où la protection contre l’épidémie n’est pas assurée en milieu carcéral, où l’accès à l’éducation et aux activités n’est pas maintenu, et les contacts avec les familles sont rompus. Elle rappelle son inquiétude sur le recours extrêmement répandu à la détention provisoire pour les mineurs, alors que les mesures éducatives devraient primer, et au faible nombre de remises en liberté.

Dans ce contexte, elle s’oppose à la prolongation de droit des détentions provisoires pour les mineurs de plus de 16 ans, prévue dans l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale.

(...)

  • Respectons les droits fondamentaux des mineurs non accompagnés

La situation des mineurs non accompagnés est extrêmement préoccupante.
Beaucoup sont encore à la rue, en particulier chez les primo-arrivants qui ne savent pas vers qui se tourner pour obtenir de l’aide, beaucoup de structures associatives étant fermées. Il convient de mettre à l’abri tous les enfants à la rue (qu’ils soient non accompagnés ou pas) dans des centres d’accueil adaptés. A cette fin, les maraudes doivent être maintenues et les personnels équipés du matériel nécessaire de protection. Un hébergement sûr doit être immédiatement mis à la disposition de toute famille ou enfant vivant à la rue. Les associations spécialisées dans l’accompagnement des mineurs en danger devraient être soutenues par les institutions alors qu’elles craignent aujourd’hui ne pas recevoir les subventions attendues cette année du fait du Covid-19.

Les jeunes non accompagnés en attente d’une évaluation de leur situation doivent être mis à l’abri. Si le ministère de la Solidarité et de la Santé a précisé aux personnels chargés de cette évaluation qu’une continuité d’activité doit être prévue en ce qui concerne les missions relatives à l’évaluation sociale de la minorité et de l’isolement ainsi qu’à la mise à l’abri, la CNCDH recommande d’insister en priorité sur la mise à l’abri et sur l’octroi d’un hébergement, comme l’a demandé la Cour européenne des droits de l’homme à la France le 30 mars dernier. La mise à l’abri concerne également les jeunes majeurs dont la continuité de la prise en charge doit être assurée au moins jusqu’à la fin de la crise sanitaire.

La CNCDH rappelle que les conditions d’hébergement d’urgence sont inadaptées à un confinement qui dure : nourriture insuffisante et de piètre qualité, impossibilité de se faire des repas, manque de produits d’hygiène, surpopulation nuisant au respect des « gestes barrière », manque de moyens et d’outils pour suivre les cours à distance, parfois même interdiction de toute sortie des hébergements, en contradiction avec les consignes officielles.

Par ailleurs, la possibilité donnée par l’ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020 de refuser une assistance éducative sans audience risque d’impacter de nombreux mineurs non accompagnés qui n’auront pas pu faire valoir leurs droits.

Enfin, malgré les mesures d’urgence votées par l’Assemblée nationale interdisant la sortie des dispositifs de l’aide sociale à l’enfance des mineurs atteignant leur majorité, la CNCDH s’inquiète de continuer à recevoir des signalements selon lesquels des mineurs seraient remis à la rue le jour de leur majorité.

(...)

  • En conséquence la CNCDH demande :
    (...)
    - L’application de la présomption de minorité et en conséquence la mise à l’abri de tous les mineurs ou supposés tels, sans condition ni procédure d’évaluation de l’âge, pendant toute la durée du confinement, et aucune remise à la rue.
    - La prolongation systématique du délai pour déposer une demande de titre de séjour pour tous les mineurs étrangers ayant atteint la majorité durant le confinement.

Lettre n°2 à retrouver en intégralité en format pdf ci-dessous  :

CNCDH_obs_lettre_2

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Lettre n°4 du 24 avril 2020 – LA SITUATION DES PERSONNES PAUVRES EXTRÊMEMENT PRÉOCCUPANTE

Lettre n°4 à retrouver en intégralité en format pdf ci-dessous  :

Voir en ligne : https://www.cncdh.fr/node/2061


Pour aller plus loin