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Chambre régionale des comptes Auvergne Rhône Alpes - Département de l’Isère

Publié le lundi 26 octobre 2020 , mis à jour le samedi 14 novembre 2020

Source : Chambre régionale des comptes Auvergne Rhône Alpes

Date : 26 octobre 2020

Présentation :

« La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes a procédé au contrôle de la gestion du département de l’Isère pour les exercices 2013 et suivants. Les conséquences budgétaires et financières de la crise sanitaire liée à la COVID-19 n’ont pas été examinées.

L’Isère, département le plus peuplé de la région (hors métropole de Lyon), compte 1 252 912 habitants, soit 16 % de la population régionale. Avant la crise liée à la pandémie virale de 2020, la situation financière du département était satisfaisante malgré la croissance des dépenses sociales et la baisse des dotations de l’Etat, largement compensées par la maîtrise des dépenses de gestion et surtout par le dynamisme des recettes fiscales, notamment des droits de mutation (DMTO) pour lesquels le département, n’ayant pas majoré ses taux, conserve des marges de manœuvre.

L’amélioration de la capacité d’autofinancement (CAF brute) associée à un très faible endettement a permis un financement substantiel des investissements par les ressources propres.

Le niveau exceptionnellement élevé de la dette garantie par le département de l’Isère (deux fois plus élevé que la moyenne des départements) constitue un risque pour la collectivité et demande un contrôle attentif de la santé financière des organismes bénéficiant du dispositif.

Le mécanisme d’aide aux communes et aux intercommunalités, inchangé depuis 2013, traduit insuffisamment les priorités départementales et ne priorise pas les projets structurants.

Le département de l’Isère n’a pas tiré toutes les conséquences de la nouvelle répartition des compétences issue notamment de la loi NOTRé dans le domaine des transports et du développement économique, en maintenant sa participation dans des structures et en apportant des financements au-delà de ses compétences.

La durée légale du temps de travail des agents départementaux est globalement respectée. Le régime indemnitaire, marqué par une forte rigidité, laisse peu de place à la modulation individuelle, conduisant les exécutifs successifs à dépasser le cadre fixé par l’assemblée.

L’organisation fortement déconcentrée et relativement complexe de la collectivité appelle une coordination entre les directions métiers situées au siège et les directions territorialisées, afin de maintenir la cohérence des politiques publiques sur l’ensemble du département. Des pratiques discordantes entre directions ont été observées.

En matière d’achat public, la multiplicité des acteurs et les carences du contrôle de la qualité des procédures empêchent la détection systématique des pratiques irrégulières et ne créent pas les conditions d’une connaissance exhaustive des besoins de la collectivité.

Les objectifs de la charte départementale de la commande publique, notamment ceux concernant les orientations en matière d’achat socialement et écologiquement responsables, restent peu mis en œuvre par les services.

Le département, compétent en matière de protection de l’enfant, pilote l’ensemble du dispositif, de la prévention à l’accueil avec hébergement. 6 882 enfants étaient pris en charge par le département de l’Isère au 31 décembre 2018, soit 18 % de plus qu’en 2013. L’augmentation du nombre de mineurs étrangers non accompagnés à protéger a nécessité une adaptation de la politique de l’enfance du département

Le pilotage de cette politique publique n’est pas complètement satisfaisant : la mise en œuvre des documents stratégiques a souffert d’une instabilité de l’organisation au niveau départemental. Les instances de pilotage, observatoire départemental de la protection de l’enfance et conférences territoriales de solidarité, doivent être plus actives dans la définition et le suivi des orientations de la collectivité.

La volonté initiale de réduire le nombre de places d’hébergement au profit d’alternatives comme l’accueil de jour ou l’aide éducative renforcée au domicile, a dû être revue en raison de l’augmentation des besoins. Le département a créé 866 places d’hébergement sur la période, ce qui ne permet pas de mettre en œuvre les mesures dès la décision de protection ; en 2018, 12 % des enfants concernés par une mesure de placement ont subi un temps d’attente entre la décision et le placement, dont 47 enfants qui ont attendu plus d’un an. Le département a lancé un appel à projets à l’automne 2019 pour créer 1 000 places supplémentaires à destination des mineurs non accompagnés. Un nouveau dispositif de suivi de la disponibilité des places doit également être mis en place en 2020 pour permettre une meilleure connaissance des besoins en hébergement.

La prise en charge des enfants confiés est réalisée par les services territoriaux en charge de la protection de l’enfance qui, dépendant des treize directions territoriales, n’ont que des liens fonctionnels avec le service départemental de protection de l’enfance. Leur autonomie, qui présente l’avantage de permettre une adaptation au contexte local, doit être compensée par le recours à des référentiels départementaux, à l’instar des guides existants pour la gestion des informations préoccupantes. L’application de la politique du département par les services territoriaux doit être mieux suivie par le service départemental de protection de l’enfance pour garantir une égalité de traitement de tous les enfants pris en charge

Recommandations

Recommandation n° 1 : instaurer systématiquement un dispositif de suivi des recommandations des audits réalisés.

Recommandation n° 2 : tirer les conséquences de la loi NOTRé en se retirant du syndicat INSPIRA.

Recommandation n° 3 : créer un tableau des emplois de la collectivité.

Recommandation n° 4 : procéder à un recensement exhaustif des besoins de la collectivité pour déterminer la procédure de marché adéquat.

Recommandation n° 5 : créer un support unique et exhaustif indiquant les marchés en cours, leurs échéances et la programmation des procédures à venir en année N+1.

Recommandation n° 6 : proportionner le montant des provisions aux risques encourus et supprimer celles qui ne correspondent pas à la logique du provisionnement.

Recommandation n° 7 : mettre en place un contrôle régulier des organismes bénéficiant des montants garantis les plus importants ou relevant des secteurs les plus fragiles.

Recommandation n° 8 : rationaliser la politique d’aide aux communes et intercommunalités en concentrant les aides sur les projets structurants et en développant la contractualisation.

Politique de protection de l’enfance :

Recommandation n° 9 : élaborer des référentiels écrits reprenant les différentes procédures à mettre en œuvre dans les services territoriaux et s’assurer de leur application.

Recommandation n° 10 : améliorer l’accessibilité des documents de pilotage obligatoires et des informations sur la protection de l’enfance en facilitant leur consultation sur le site internet.

Recommandation n° 11 : adapter la capacité d’accueil pour mieux répondre aux besoins.

Recommandation n° 12 : mettre en place un outil partagé de pilotage de l’offre de places. »

Rapport d’observations définitives disponible en format pdf ci-dessous :

Extraits :

« 8.6.7- Les spécificités de l’accueil des mineurs étrangers non accompagnés

Aucune terminologie déterminée ne s’applique au mineur non accompagné (MNA) de sa famille qui se trouve en pays étranger. Ces mineurs ont été successivement appelés mineurs isolés étrangers ou mineurs étrangers isolés puis mineurs non accompagnés sans qu’il soit décidé de façon définitive, au niveau national comme international, quels termes employer.

En droit français, la protection des mineurs isolés étrangers s’est construite autour des notions de minorité et d’isolement, qui priment quelle que soit l’origine du mineur. Le droit national a inscrit pour la première fois cette catégorie à l’article L.112-3 du CASF modifié par la loi du 14 mars 2016 : « la protection de l’enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d’assurer leur prise en charge ». Les MNA étaient pris en charge au titre de la protection de l’enfant de droit commun avant cette date.

Depuis 2016, l’accueil des MNA s’insère dans un dispositif spécifique prévu par le CASF :
- un accueil provisoire d’urgence de cinq jours175, au cours duquel le département procède à l’évaluation de minorité au moyen d’une audition, d’une recherche documentaire sur l’identité du mineur, et éventuellement d’examens médico-légaux ;
- en cas de décision de reconnaissance de la minorité, le département sollicite l’autorité judiciaire qui saisit la cellule nationale d’appui à l’orientation du ministère de la justice ; cette cellule répartit les MNA dans les départements en fonction d’une clé de répartition qui tient compte de la part des moins de 19 ans dans le département par rapport aux moins de 19 ans dans l’ensemble des départements176.

8.6.7.1- La mise à l’abri et l’évaluation de minorité

L’augmentation rapide et importante du nombre de personnes ayant sollicité un accueil provisoire d’urgence auprès du département de l’Isère en tant que mineurs non accompagnés, passé de 84 en 2013 à 2 125 en 2018, a nécessité une adaptation conséquente du département. Il s’est notamment appuyé sur l’association dauphinoise pour l’accueil des travailleurs étrangers (ADATE). Une première convention signée en 2012 prévoyait la prise en charge et l’accompagnement des mineurs et majeurs isolés étrangers par l’association ; l’évaluation de minorité, par le biais d’entretiens, a été ajoutée dans une seconde convention de 2015. Cette convention ne détaillait pas les conditions d’hébergement des MNA. L’ADATE a eu recours à des familles d’hébergement bénévoles qui signaient une convention, très précise sur le contenu de l’accueil, avec l’association ; les familles étaient indemnisées à hauteur de 25 € par jour pour fournir le gîte, le couvert et la vêture. La convention couvrait la période 2015-2017.

(Tableau)

Fin 2016, le département fait le constat de l’« embolisation » des places d’accueil provisoire, du fait de l’impossibilité de réaliser l’ensemble des évaluations de minorité dans le délai de cinq jours de mise à l’abri et de la saturation des dispositifs d’aval permettant l’accueil des mineurs confiés au département.

Un nouveau dispositif d’accueil spécifique MNA est alors mis en place :
- les mineurs de moins de 15 ans sont accueillis par l’EPD Le Charmeyran dans un service dédié de 24 places ;
- les mineurs de plus de 15 ans sont accueillis par l’ADATE, soit en familles bénévoles,
- soit en appartement pour 15 jeunes suffisamment autonomes.

L’évaluation est également réorganisée :
- les mineurs de moins de 15 ans sont évalués par l’ADATE ;
- les mineurs de plus de 15 ans sont évalués par un pôle rattaché à la DSO.

Un protocole est signé en juillet 2017 avec la préfecture de l’Isère, le procureur de la République, le directeur départemental de la sécurité publique et le directeur zonal de la police aux frontières pour faciliter les démarches d’évaluation, notamment les vérifications documentaires. Un nouveau protocole signé en février 2019 renforce le rôle de la préfecture dans l’évaluation et une nouvelle convention avec l’ADATE pour l’accueil est en cours de renouvellement à l’automne 2019.

La durée de l’évaluation est un enjeu majeur pour un département comme l’Isère qui met à l’abri plus de personnes se déclarant MNA qu’il n’accueille de MNA confiés par l’ASE : l’État finance l’hébergement des cinq premiers jours ; la rapidité de l’évaluation permet une transmission rapide à la cellule nationale d’appui à l’orientation, et ainsi une répartition entre départements pour l’accueil des personnes dont la minorité est confirmée. Le dispositif mis en place en 2017 a amélioré la durée de cette phase : 27 % des évaluations sont réalisées en cinq jours en 2018, contre 3 % en 2015, et 69 % des évaluations dépassent dix jours contre
79 % en 2015.

Tableaux

8.6.7.2- L’accueil des personnes reconnues MNA dans le dispositif d’aide sociale
à l’enfance

Une fois la minorité confirmée par l’évaluation, constituée d’un entretien et de vérifications documentaires, le département saisit le juge des enfants afin qu’il prenne une décision pour le confier à l’aide sociale à l’enfance. Le juge transmet le dossier à la cellule nationale d’appui à l’orientation. Cette dernière fait application de la clé de répartition pour indiquer au magistrat les possibilités d’accueil dans les départements. A l’issue de la décision, certains MNA demeurent en Isère, et d’autres sont pris en charge dans d’autres départements. Au titre de l’année 2019, le département de l’Isère doit ainsi accueillir 1,77 % des MNA soumis à la cellule nationale par l’ensemble des départements. La part de MNA qui demeurent en Isère se réduit entre 2014 et 2018, notamment du fait de l’augmentation des personnes sollicitant un accueil provisoire d’urgence.

Tableau

Les MNA qui demeurent en Isère sont intégrés au dispositif de protection de l’enfance de droit commun. Cependant, pour faire face au besoin en places, en lien avec l’augmentation des MNA, le département de l’Isère avait ouvert des places plus spécifiquement dédiées aux MNA.

Par exemple, le Catalpa, établissement géré par l’association La Sauvegarde Isère, accueille de manière exclusive des MNA ; la capacité de cet établissement a été augmentée de 60 places en appartements en 2018. L’établissement a mis en place une prise en charge plus adaptée aux besoins des MNA, notamment sur la prise en charge de la santé, de la scolarité et la prise en compte des difficultés de communication du fait de la non maîtrise du français par certains mineurs. Cette prise en charge dédiée concerne 17 % de MNA puisque 175 places sont identifiées MNA au 31 décembre 2018 pour 1 037 accueils.

Le département a lancé un appel à projet à l’automne 2019 pour la création de 1000 places dédiées aux MNA. »

Voir en ligne : https://www.ccomptes.fr/fr/publicat...


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