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Tribunal administratif de Besançon, Ordonnance du 12 novembre 2020 N° 2001160 Entache sa décision d’un défaut d’examen particulier et d’une erreur de droit le Préfet qui, pour refuser de délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement de l’article L 313-15 du CESEDA à un mineur isolé confié à l’ASE après 16 ans, se fonde de manière déterminante sur l’avis défavorable des services de la police aux frontières porté sur l’extrait d’acte de naissance et le jugement supplétif produits, alors que les seuls éléments relevés par la PAF ne permettent pas d’établir que les documents d’état civil analysés seraient dépourvus d’authenticité, irréguliers, falsifiés ou non conformes à la réalité des actes en question.

Publié le : vendredi 4 décembre 2020

Source : Tribunal administratif de Besançon

Date : Ordonnance du 12 novembre 2020 N° 2001160

Extraits :

« 3. Lorsqu’il examine une demande de titre de séjour portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » sur le fondement de l’article L. 313-15, le préfet vérifie tout d’abord que l’étranger est dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l’ordre public, qu’il a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et dix-huit ans et qu’il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d’un large pouvoir d’appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l’intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d’un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste dans l’appréciation qu’il a portée.

4. D’autre part, aux termes de l’article L. 111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « La vérification des actes d’état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l’article 47 du code civil ». L’article 47 du code civil dispose que : « Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ».

5. En cas de doute sur l’authenticité ou l’exactitude d’un acte de l’état civil étranger et pour écarter la présomption d’authenticité dont bénéficie un tel acte, l’autorité administrative procède aux vérifications utiles ou y fait procéder auprès de l’autorité étrangère compétente.
L’article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d’état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe donc à l’administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l’administration française n’est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d’un autre État afin d’établir qu’un acte d’état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d’authenticité, en particulier lorsque l’acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l’administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

6. Le préfet du Doubs a refusé de délivrer à M. l’un des titres de séjour mentionnés à l’article L. 313-15 en se fondant, de manière déterminante, sur l’avis défavorable émis le 6 février 2020 par les services de la police aux frontières de Pontarlier sur les documents d’état civil produits par l’intéressé.

7. Il ressort des pièces du dossier que le service spécialisé de la police aux frontières de Pontarlier, dans son analyse documentaire, a estimé que les documents présentés étaient « irrecevables au titre de l’article 47 du code civil ». Il a ainsi notamment relevé que l’extrait d’acte de naissance et le jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance de M. avaient été imprimés sur un papier « ordinaire », avec une technique d’impression « offset » et que ces documents ne comportaient aucune qualité fiduciaire. Toutefois, ni le service spécialisé ni le préfet du Doubs n’ont produit d’éléments de nature à établir que le gouvernement malien aurait mis en œuvre une législation ou une réglementation spécifique imposant aux services de l’état civil de délivrer des actes d’état civil ou des jugements supplétifs comportant des éléments de sécurité particuliers relatifs au papier utilisé et au mode d’impression pratiqué. Si le service spécialisé a en outre relevé, en particulier, que la réglementation malienne imposait la mention de la date de naissance des parents ainsi qu’une numérotation fiduciaire sur la partie supérieure de l’acte de naissance, le document produit par M. est toutefois un extrait d’acte de naissance et le service spécialisé ne s’est pas appuyé sur des éléments tels que, par exemple, la comparaison du document produit avec un extrait d’acte de naissance original du pays, de nature à considérer que les mentions figurant sur la pièce produite par l’intéressé n’étaient pas conformes au droit de l’état civil malien. Dès lors, les seuls éléments relevés par la police aux frontières de Pontarlier ne permettent pas d’établir que les documents d’état civil analysés seraient dépourvus d’authenticité, irréguliers, falsifiés ou non conformes à la réalité des actes en question. Il incombait seulement à l’administration, si elle l’estimait nécessaire, de poursuivre l’analyse des documents produits et de solliciter, le cas échéant, les autorités consulaires françaises au Mali ou les autorités de l’Etat Malien afin de vérifier l’authenticité des actes produits par l’intéressé.

8. Dans ces conditions, en se fondant sur ce seul avis pour estimer que les documents d’état civil produits étaient « irrecevables » et, en substance, considérer que M. , dont l’identité n’avait selon lui pas pu être établie, n’était pas mineur à la date à laquelle il a été confié au service de l’aide sociale à l’enfance et, au regard de ce motif déterminant, refuser de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le préfet du Doubs a entaché la décision de refus de séjour en litige d’un défaut d’examen particulier de la situation de l’intéressé et d’une erreur de droit au regard des dispositions analysées au point 3. »

Ordonnance à retrouver en intégralité ci-dessous :