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CEDH, Délégués des ministres, Surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour européenne, 1390e réunion, 1-3 décembre 2020 (DH), H46-9 Khan c. France (Requête n°12267/16)

Publié le : vendredi 4 décembre 2020

Voir en ligne : https://search.coe.int/cm/Pages/res...

Source : Cour européenne des droits de l’Homme - Surveillance de l’exécution des arrêts

Date : 3 décembre 2020

Décisions du 3 décembre 2020 concernant l’exécution de l’arrêt Khan contre France du 28 février 2019, requête n°12267/16 :

« Les Délégués

1. rappellent que cette affaire concerne le traitement dégradant du requérant, mineur de 12 ans non‑accompagné (MNA) en transit vers le Royaume-Uni ayant séjourné dans la lande de Calais, résultant de la carence des autorités dans sa prise en charge et protection, en raison de ses conditions de vie particulièrement graves et de l’inexécution de l’ordonnance de placement du juge des enfants visant à le protéger ;

2. notent qu’aucune autre mesure individuelle n’est requise, le requérant ayant quitté la France en 2016 et vivant au Royaume-Uni où il dispose d’un titre de séjour ;

3. notent avec satisfaction le nombre déjà élevé de prises en charge de tout type de MNA en France et les mesures prises pour améliorer l’effectivité en pratique de la règlementation française sur l’accueil et la prise en charge des MNA, en particulier la création en 2016 d’un dispositif national de coordination et un guide des bonnes pratiques d’évaluation des MNA, publié en décembre 2019 ;

4. expriment, toutefois, leurs préoccupations face aux difficultés de mise en œuvre de la règlementation qui persistent, comme relevées notamment par le dispositif de coordination des MNA et des institutions nationales des droits de l’homme ; invitent en conséquence les autorités à fournir des informations sur les mesures concrètes envisagées pour continuer d’améliorer la situation et rendre, en particulier, effective la protection des MNA en transit  ;

5. encouragent les autorités à développer, dans la mesure où il serait possible de dissocier les MNA en transit de ceux souhaitant rester sur le territoire français, leurs données sur les MNA, dont le nombre de mises à l’abri d’urgence, le nombre d’évaluations, les taux de reconnaissance par les départements et par les autorités judiciaires, et dans quels délais moyens, et le nombre de structures d’accueil avec leur capacité totale, et à transmettre des informations en ce sens pour permettre au Comité de mieux connaître et suivre l’évolution de leur protection ;

6. au vu des informations préoccupantes sur les conditions de vie de nombreux MNA en transit subissant des difficultés d’accès à une protection similaires au requérant, invitent instamment les autorités à adopter des mesures spécifiques pour protéger adéquatement tous ces MNA (évaluation, mise à l’abri effective jusqu’à l’évaluation définitive de l’âge et exécution des décisions judiciaires de placement dans des structures d’accueil), où qu’ils se trouvent sur le territoire, en prenant en compte les recommandations émises à leur sujet notamment par le Défenseur des droits et plusieurs associations de terrain ;

7. enfin, invitent les autorités à s’inspirer de la recommandation du Comité des Ministres (de décembre 2019, CM/Rec(2019)11) sur un régime de tutelle efficace pour les enfants non accompagnés et séparés dans le contexte de la migration et à envisager de permettre qu’un représentant légal soit désigné à tous les jeunes se déclarant MNA en transit, dès que possible après leur identification, afin qu’ils soient assistés par un adulte qualifié sur toutes les questions et procédures les concernant ;

8. demandent aux autorités des informations sur l’ensemble de ces points pour fin juin 2021 et décident de reprendre l’examen de cette affaire au plus tard lors de leur 1419e réunion (décembre 2021) (DH). »

***

Rappels :

  • Description de l’affaire

Cette affaire concerne le traitement dégradant du requérant, un mineur non accompagné (MNA) de 12 ans en situation irrégulière sur le territoire, résultant de la carence des autorités dans sa prise en charge et protection, avant et après le démantèlement de la zone sud de la lande de Calais, en raison de ses conditions de vie et de l’inexécution de l’ordonnance de placement du juge des enfants visant à le protéger du 22 février 2016. La Cour a estimé que ces circonstances particulièrement graves et cette inexécution, examinées ensemble, constituaient une violation de l’article 3 de la Convention (§ 94).

Ainsi, le requérant a vécu de septembre 2015 à mars 2016 « dans le bidonville de la lande de Calais, dans un environnement totalement inadapté à sa condition d’enfant, que ce soit en termes de sécurité, de logement, d’hygiène ou d’accès à la nourriture et aux soins, et dans une précarité inacceptable au regard de son jeune âge » (§ 93). Jusqu’à l’ordonnance précitée du 22 février 2016, les autorités ne l’avaient pas même identifié, alors qu’il était dans la lande depuis plusieurs mois et que son jeune âge aurait dû attirer leur attention (§ 88). Il apparaît que les moyens pour identifier les MNA dans la lande étaient insuffisants, ce qui explique en partie la difficulté de l’aide sociale à l’enfance (ASE) à localiser le requérant pour exécuter l’ordonnance précitée (§ 89).

La Cour a noté que les réticences des MNA présents dans la lande à adhérer aux propositions de prises en charge étaient dues à l’inadaptation à leur situation du dispositif de mise à l’abri, en particulier son éloignement. Cela ne pouvait, de toute façon, justifier l’inertie des autorités, obligées de protéger les MNA et donc de s’interroger sur les moyens d’y parvenir, au vu de leurs spécificités (§ 90).

Tout en notant la complexité de la tâche des autorités (§ 91), eu égard en particulier au nombre de personnes présentes sur la lande à l’époque, ainsi qu’à la difficulté d’identifier les mineurs isolés parmi eux et de définir et mettre en place des modalités d’accueil adaptées à leur situation alors qu’ils n’étaient pas toujours demandeurs d’une prise en charge, la Cour a jugé que les autorités n’ont pas fait tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles s’agissant d’un individu des plus vulnérables de la société (§ 92).

  • État d’exécution

Le 28 novembre 2019, les autorités ont fourni un bilan d’action (DH-DD(2019)1476) et le 9 octobre 2020, des informations complémentaires (DH-DD(2020)878).

Mesures individuelles

La satisfaction équitable a été payée au requérant. Aucune autre mesure individuelle n’est requise, ce dernier ayant quitté la France dans la semaine du 20 mars 2016 pour rejoindre le Royaume-Uni où il vit toujours, titulaire d’un titre de séjour (§ 34).

Mesures générales

(1) L’évolution de la situation des mineurs en transit

À l’instar du requérant, les mineurs isolés étrangers se trouvant à Calais n’envisagent pas, dans leur immense majorité, de rester en France. Leur présence en ce lieu s’explique par la proximité du Royaume-Uni, l’entrée du Tunnel sous la Manche et le passage d’un flux important de transports commerciaux à destination de ce pays.

Selon les autorités, aucune mesure générale n’est à prendre, en raison du démantèlement de la lande de Calais en novembre 2016 et la grande évolution depuis dans ce département. En avril 2019, le nombre de migrants à Calais était estimé à entre 300 et 350 (vingt fois moins qu’à l’époque, moins de 10 % de mineurs). Depuis 2018, Calais serait sous la moyenne nationale du nombre de MNA pris en charge. Les évaluations y sont faites par l’association indépendante France Terre d’Asile (FTDA) en cinq jours qui fait également des « maraudes » (rondes) pour identifier les mineurs potentiels et leur proposer systématiquement une mise à l’abri à 50 km de Calais. L’État finance FTDA depuis août 2017 : sept personnes sont présentes chaque jour à Calais (mise à l’abri d’urgence de 818 mineurs en 2018). Ils sont pris en charge dans divers types de structures (familles d’accueil ou bénévoles, foyers jeunes travailleurs, maisons sociales d’enfants, appartements partagés ou hôtels) et reçoivent, tous, un apprentissage et une prise en charge sanitaire. Les MNA pris en charge étaient de 425 en 2018 ; 414 en 2019 (ces chiffres ne distinguent pas les mineurs en transit des autres MNA).

Par ailleurs, en-dehors de Calais, la plupart des mineurs en transit se trouvent à Grande Synthe, à Ouistreham et à Paris, donc dans la partie Nord de la France, chacune de ces communes présentant des problématiques qui peuvent leur être propres.

(2) Règlementation sur l’accueil et la prise en charge des MNA, applicable aux mineurs en transit

Les mineurs en transit en France bénéficient du cadre juridique général établi pour les MNA, qu’ils souhaitent ou non rester sur le territoire national.

· Évaluation et prise en charge des MNA

Toute personne se présentant comme MNA est prise en charge par les services départementaux de l’ASE (article L. 223-2 du Code de l’action sociale et des familles – CASF). Durant la période d’évaluation prévue de cinq jours, portant notamment sur sa minorité, elle bénéficie d’une mise à l’abri d’urgence. Un arrêté du 17 novembre 2016 définit les modalités de l’évaluation et fixe un référentiel visant à garantir la pertinence et l’homogénéité des pratiques. Un guide a été publié en décembre 2019 sur les bonnes pratiques de l’évaluation, notamment pour les services d’évaluation, de l’ASE, de la protection de la jeunesse, de la santé et les travailleurs sociaux.

La compétence d’évaluation et de mise à l’abri des MNA relève des départements, avec l’appui de l’État (article R. 221-11, CASF). Depuis le 1er février 2019 (entrée en vigueur du décret n°2019-57), l’aide des préfets à l’évaluation de la minorité a été renforcée par le traitement de données des personnes se disant MNA, qui a réduit l’engorgement des services de l’ASE pour concentrer leur action sur les véritables mineurs. Le Conseil constitutionnel a, toutefois, précisé que la majorité ne peut être déduite du refus de recueil d’empreintes ou du seul constat d’être déjà enregistré dans le fichier AEM (« Aide à l’évaluation de la minorité ») ou dans un autre.

L’État participe aussi à la prise en charge financière des personnes se présentant comme MNA (article
R. 221-12 du CASF – participation en augmentation depuis 2019). Un arrêté du 28 juin 2019 en précise les conditions, tout en indiquant que la personne doit avoir une première évaluation de ses besoins en santé, le cas échéant une orientation en vue d’une prise en charge ainsi que bénéficier d’un hébergement adapté à sa situation et d’un premier accompagnement social.

Si la personne est reconnue MNA, le département saisit l’autorité judiciaire pour une mesure de protection de l’enfance (article 375 du Code civil). Celle-ci saisit la MMNA (Mission des MNA au sein de la Direction de la protection judiciaire de la Jeunesse du ministère de la justice) qui coordonne le dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation des MNA (loi du 14 mars 2016). Elle propose l’orientation conforme à l’intérêt de l’enfant, en prenant en compte la clé de répartition des prises en charge entre les départements. Selon les autorités françaises, la MMNA a permis de tendre progressivement vers une harmonisation des pratiques des départements pour que les personnes se présentant comme ou déclarées mineur non-accompagné puissent bénéficier des mêmes conditions d’accueil, d’évaluation et de prise en charge sur le territoire national. Elle participe aux travaux interministériels sur les MNA et assure une fonction d’expertise et d’animation du réseau des acteurs intervenant dans ce domaine.

Il n’existe aucun dispositif dédié à l’exécution des décisions du juge des enfants, mises en œuvre à l’initiative des parties. Un mineur peut se plaindre devant les juridictions administratives, notamment via des procédures d’urgence, en cas d’inexécution. Les MNA confiés à l’ASE jouissent de nombreux droits jusqu’à leur majorité et bénéficient, ensuite, de voies d’accès facilitées à la nationalité ou au séjour.

Si la personne n’est pas reconnue MNA, le département lui notifie un refus de prise en charge, la mise à l’abri prend fin et elle peut saisir le juge des enfants. L’intéressé est considéré comme majeur jusqu’à une éventuelle décision en sens inverse : il bénéficie des dispositifs de droit commun, notamment un hébergement d’urgence, et il est prévu qu’il doit obligatoirement être informé en ce sens pour favoriser cet accès.

· Mécanismes de représentation des MNA

Un administrateur ad hoc est désigné lorsque le MNA est en zone d’attente ou fait une demande d’asile et n’a pas de tutelle départementale. Son rôle est de représenter le mineur dans les procédures administratives et juridictionnelles mais pas d’exercer les attributs de l’autorité parentale. Dans le cadre de la tutelle départementale, les frais d’entretien et d’éducation des mineurs sont pris en charge par l’ASE et ils peuvent bénéficier d’un accompagnement éducatif et administratif.

(3) Chiffres de prise en charge des MNA

Selon les chiffres communiqués par les autorités (ne distinguant pas les mineurs en transit des autres MNA), le nombre de MNA a varié au fil des ans. Ceux orientés vers les départements sur décision judiciaire étaient de 5.990 en 2015 ; 17.022 en 2018 ; 16.760 en 2019 ; 6.330 en 2020 (1er janvier au 11 septembre : baisse de 50% par rapport à 2019). Le nombre total de MNA pris en charge était de 28.411 au 31 décembre 2018 et de 31.009 au 31 décembre 2019.

Communications soumises en vertu des articles 9.2 et 9.3

Dans sa communication du 19 juillet 2019 (DH-DD(2019)834), la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) indique que la situation des MNA demeure problématique à Calais et que leur prise en charge souffre aussi de carences dans de nombreux autres départements, dues à la saturation des dispositifs d’accueil (moyens insuffisants) qui résulte dans des hébergements inadaptés. Ces carences seraient illustrées par une augmentation des recours auprès des tribunaux administratifs pour forcer les départements à exécuter les décisions judiciaires, et des saisines directes du juge des enfants. La CNCDH souligne également que l’État et les départements se renvoient souvent la responsabilité de l’hébergement des MNA dans les zones où il y a beaucoup de MNA.

Dans sa communication du 27 juillet 2020 (DH-DD(2020)678), le Défenseur des droits (DDD) fait part des insuffisances du dispositif national d’accueil et de prise en charge des MNA qui persistent sur l’ensemble du territoire, malgré les mesures prises pour l’améliorer (cadre légal des MNA plus étoffé et solide mais dispositif encore insuffisant quant au repérage, mise à l’abri, évaluation, prise en charge pérenne). Ces insuffisances ont également été relevées par plusieurs autres acteurs, y compris des parlementaires et la MMNA (dispositif saturé[1], limites de la répartition géographique[2], protection « à deux vitesses » de l’enfance due à une prise en charge au rabais de MNA[3]). Quant aux MNA en transit (à Calais, Grande Synthe, Paris, Ouistreham et ailleurs), le DDD émet des recommandations spécifiques en vue de leur meilleure protection, dont la mise en place de maraudes éducatives pour les repérer et des lieux d’accueil de jour à leur proximité et une mise à l’abri de nuit inconditionnelle et immédiate[4].

Sur la mise à l’abri, de manière plus générale, de toutes les personnes se présentant MNA, le DDD dénonce les pratiques suivantes : refus de prise en charge et d’évaluation sans justification (avec document d’identité ou non : « refus au guichet » et évaluations « à deux niveaux ») ; rendez-vous dans d’autres départements pour évaluation mais aucune mise à l’abri en attendant (pendant plusieurs semaines voire mois parfois à la rue) ; plus de mise à l’abri non plus dans l’attente de l’examen par le juge des enfants pouvant durer plusieurs mois, les centres pour adultes refusant les jeunes se déclarant mineurs (affaire communiquée S.M.K., n° 14356/19).

Selon le DDD ainsi que la MMNA[5], l’inexécution de la décision de placement dans Khan n’est pas un cas isolé. En réaction au bilan d’action, le DDD rappelle que les autorités doivent exécuter les décisions sans qu’une autre procédure soit engagée (§ 46). Le DDD note aussi que la procédure de tutelle est rare pour les MNA et demande qu’un administrateur ad hoc ou tuteur provisoire soit nommé dès l’identification du jeune afin d’être assisté d’un adulte qualifié dans toutes les procédures. Enfin, le DDD critique le fichier AEM (Appui à l’Evaluation de la Minorité) qui, depuis un décret du 23 juin 2020, conditionnerait l’aide financière de l’État aux départements, alors qu’il faciliterait les risques d’éloignement du territoire de jeunes se déclarant MNA, avant d’avoir pu saisir un juge des enfants.

Selon la communication du 26 octobre 2020 de plusieurs associations (DH-DD(2020)982), la situation de nombreux enfants demeure dramatique dans le Pas-de-Calais et ailleurs le long de la frontière franco-britannique, à laquelle s’ajoutent des difficultés d’accès à une protection, dont des maraudes de FTDA insuffisantes et inadaptées à tous les MNA (limites horaires et géographiques, manque de moyens et formation adaptée) et un manque de formations et de signalements des centres hospitaliers et des forces de l’ordre.

À ces constats s’ajoutent un manque d’accès à des informations fiables, complètes et adaptées, l’absence de prévention et protection contre les risques de trafic, traite ou exploitation, la recrudescence des disparitions de mineurs et une multiplication des lieux de vie informels (en raison des opérations de démantèlement des camps : 793 à Calais en 2020 jusqu’au 21 octobre) qui diminue encore les capacités à identifier, informer et orienter les MNA se trouvant en situation de rue.

Ainsi, les associations demandent notamment le renfort des moyens humains et matériels ; l’adaptation des maraudes socio-éducatives ; la mise en place de lieux d’accueil près des lieux de vie des MNA, tout en garantissant leur mise à l’abri ; l’amélioration de l’accès aux informations ; l’organisation de formations régulières pour les intervenants associatifs, les forces de l’ordre, les administrateurs ad hoc et les bénévoles. Enfin, elles considèrent que si l’adhésion du mineur à la mesure de protection doit être recherchée, cela n’est pas une condition à toute recherche de solution, au vu des risques encourus.

Analyse du Secrétariat

Mesures individuelles

Le Comité pourrait vouloir noter qu’aucune mesure ne reste à adopter.

Mesures générales

Le Comité pourrait souhaiter noter avec satisfaction le nombre déjà élevé de prises en charge de tout type de MNA en France et les mesures prises pour améliorer l’efficacité en pratique de la règlementation française sur l’accueil et la prise en charge des MNA, en particulier la mise en place d’un dispositif national de coordination en 2016 et un guide publié fin 2019 des bonnes pratiques d’évaluation des MNA. Il n’en reste pas moins que l’ensemble des informations dont dispose le Comité suscitent des préoccupations face aux difficultés persistantes de mise en œuvre de la règlementation, constatées notamment par la MMNA elle-même et des institutions nationales des droits de l’homme.

Dès lors, et afin de pouvoir pleinement évaluer la situation, le Comité pourrait souhaiter demander aux autorités quelles mesures concrètes sont envisagées pour continuer d’améliorer la situation et rendre, en particulier, effective la protection des MNA en transit (catégorie à laquelle appartenait le requérant qui souhaitait rejoindre le Royaume-Uni).

À cet égard, le Comité pourrait encourager les autorités à développer, dans la mesure où il serait possible de dissocier les MNA en transit de ceux souhaitant rester sur le territoire français, leurs données sur les MNA en transit, dont le nombre de mises à l’abri d’urgence, le nombre d’évaluations, les taux de reconnaissance par les départements et les autorités judiciaires et dans quels délais moyens et le nombre de structures d’accueil avec leur capacité totale, et à lui transmettre des informations en ce sens, pour pouvoir mieux connaître et suivre l’évolution de leur protection.

Selon les communications reçues par le Comité, la situation de nombreux MNA en transit n’aurait pas beaucoup évolué depuis 2016. Pour Calais, ce constat est corroboré par la visite in situ de la DDD fin septembre 2020 qui s’est dite très préoccupée par la situation notamment de MNA n’ayant que 12 ou 14 ans, en danger et la proie de réseaux. Elle a indiqué que si les maraudes débouchent parfois sur une mise à l’abri, le dispositif demeure insuffisant et la mise en place d’un accueil de jour dédié et facilement accessible reste un impératif[6]. Concernant Grande Synthe (dans le département du Nord), le 21 juin 2019, le Conseil d’État a ordonné à la préfecture d’organiser des maraudes d’information sur les droits comme demandeurs d’asile, MNA ou bénéficiaires d’un hébergement d’urgence et d’installer des points d’eau, cabines de douches et des sanitaires en suffisance à proximité des 700 personnes concernées (CE, arrêt n° 431115)[7].

Au regard de ces informations préoccupantes, le Comité pourrait inviter instamment les autorités à adopter des mesures spécifiques afin de protéger adéquatement tous les MNA en transit » (évaluation, mise à l’abri effective jusqu’à l’évaluation définitive de l’âge et exécution des décisions judiciaires de placement dans des structures d’accueil), en prenant en compte les recommandations précitées, émises à leur sujet notamment par le DDD et plusieurs associations de terrain.

Il ressort également des informations soumises que la désignation d’un administrateur ad hoc est conditionnée à une demande d’asile (ne couvrant donc pas tous les MNA en transit, ni dès leur identification) et ses missions se limitent à celle-ci ; la mise en place d’une tutelle départementale n’est possible qu’après décision judiciaire confiant le MNA à l’ASE et serait rare en pratique. Or, toute personne se déclarant MNA devrait se voir désigner un représentant qualifié (le cas échéant, provisoire), dès que possible[8], pour promouvoir son intérêt supérieur, y compris avant et durant toute la procédure d’évaluation de son âge[9]. Quant aux MNA en transit (qui ne sont « pas toujours demandeurs d’une prise en charge », § 91), le Secrétariat considère qu’un représentant peut s’avérer d’autant plus important pour faciliter leurs liens avec les autorités et leur acceptation des mesures de protection proposées (§ 90) et ainsi, contribuer à éviter des violations similaires de l’article 3.

À cet égard, il convient de rappeler que le Comité des Ministres a indiqué l’importance de la désignation, sans retard excessif, d’un représentant légal dans sa recommandation sur un régime de tutelle efficace pour les enfants non accompagnés et séparés dans le contexte migratoire[10]. Le Comité pourrait donc souhaiter inviter les autorités à s’inspirer de cette recommandation et à envisager de permettre qu’un représentant légal soit désigné à tous les jeunes se déclarant MNA en transit, dès que possible après leur identification, afin qu’un adulte qualifié puisse les assister pour toutes les questions et procédures les concernant.

Enfin, il est rappelé que, dans le cadre de son suivi de la réclamation collective Eurocef c. France n°114/2015 (sur notamment l’exposition dans la rue de MNA faute de mise à l’abri et des retards dans la désignation des administrateurs ad hoc), le Comité des Ministres a pris note de l’engagement des autorités à rendre la situation conforme à la Charte sociale européenne (CM/ResChS(2018)8) et qu’il les encourage vivement en ce sens.

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Bilan d’action (28/11/2019) - Communication de la France concernant l’affaire Khan v. France (Requête n° 12267/16) :