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Conseil d’Etat - Décision N°441736 du 1er juin 2022 - 6ème et 5ème chambres réunies - La potentielle éligibilité au titre de séjour prévu à l’article L435-3 CESEDA ne remet pas en cause l’obligation de présenter un titre de séjour dans les deux mois qui suivent le dix-huitième anniversaire au titre de l’article R.431-5 CESEDA

Publié le : mardi 14 juin 2022

Résumé :

A la suite d’un contrôle d’identité, l’intéressé, alors âgé de dix-huit ans et quatre mois, s’est vu adresser un arrêté portant obligation de quitter le territoire français et lui interdisant tout retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Il fait valoir qu’ayant été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize et l’âge de dix-huit ans, il est éligible à une carte de séjour temporaire (« salarié » ou « travailleur temporaire ») au titre de l’article L.313-15 (désormais L.435-3) du CESEDA, dont il peut demander la délivrance jusqu’à la veille de ses 19 ans.

Le Conseil d’Etat retient toutefois que sa potentielle éligibilité à ce titre de séjour ne remet pas en cause son obligation de présenter un titre de séjour dans les deux mois qui suivent son dix-huitième anniversaire au titre de l’article R.311-2 du CESEDA (désormais R.431-5). Cet article prévoit que l’étranger séjournant déjà en France et ne remplissant pas les conditions de délivrance des titres de séjour mentionnés au 2° de ce même article, doit présenter sa demande au plus tard deux mois après la date de son dix-huitième anniversaire.
Ainsi, le Conseil d’Etat estime que l’intéressé peut légalement faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° du I de l’article L.511-1 du CESEDA (désormais repris à l’article L.611-1), s’étant abstenu de demander un titre de séjour pendant ce délai.

RAPPEL - Article R.431-5 CESEDA – Délai pour présenter une demande de titre de séjour

« Si l’étranger séjourne déjà en France, sa demande est présentée dans les délais suivants :
[…]
Au plus tard la veille de son dix-neuvième anniversaire, pour l’étranger mentionné aux articles L. 421-22, L. 421-23, L. 421-26 à L. 421-29, L. 421-30 à L. 421-33, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-24 ou L. 426-1 ;

Au plus tard, deux mois après la date de son dix-huitième anniversaire, s’il ne remplit pas les conditions de délivrance de l’un des titres de séjour mentionnés au 2°.
[…]
 ».


Extraits de la décision :

« 1. [...] M. A... [...] est entré irrégulièrement en France en mai 2016, alors qu’il était encore mineur, avant d’être confié au service de l’aide sociale à l’enfance. A la suite d’un contrôle d’identité survenu [...] alors qu’il était âgé de dix-huit ans et quatre mois, le préfet du Val d’Oise a pris, ce même jour, un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai [...].

2. [...] Aux termes de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa version en vigueur à la date de l’arrêté contesté, désormais repris à l’article L. 611-1 : " I.- L’autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne, d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n’est pas membre de la famille d’un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l’article L. 121-1, lorsqu’il se trouve dans l’un des cas suivants : 1° Si l’étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité ; (...)" [...].

[...] aux termes de l’article L. 313-15 du même code, désormais repris à l’article L. 435-3 : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l’article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. (...)".

3. D’autre part, aux termes de l’article R. 311-2 de ce même code, dans sa version en vigueur à la date de l’arrêté contesté, désormais repris à l’article R. 431-5 : " La demande est présentée par l’intéressé dans les deux mois de son entrée en France. S’il y séjournait déjà, il présente sa demande : / 1° Soit, au plus tard, avant l’expiration de l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, si l’étranger peut obtenir de plein droit un titre de séjour en application soit de l’article L. 313-7-2, soit des 1°, 2° ou 2° bis de l’article L. 313-11, soit de l’article L. 313-21, soit de l’article L. 313-24, soit des 8° ou 9° de l’article L. 314-11, soit de l’article L. 314-12 ; / 2° Soit au plus tard deux mois après la date de son dix-huitième anniversaire, si l’étranger ne peut obtenir de plein droit un titre de séjour dans les conditions prévues au 1° ci-dessus (...) ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu’un étranger mineur entré irrégulièrement en France doit, pour se conformer à l’obligation de possession d’un titre de séjour qui pèse sur lui à compter du jour où il devient majeur, solliciter un tel titre dans les deux mois qui suivent son dix-huitième anniversaire. Il ne peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° du I de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que s’il s’est abstenu de solliciter un titre pendant cette période. Contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que l’étranger ait été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et puisse éventuellement se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", dans les conditions prévues à l’article L. 313-15 de ce code, est sans incidence sur l’obligation pesant sur lui de présenter une demande de titre de séjour dans les deux mois qui suivent son dix-huitième anniversaire.

5. Par suite, M. A..., alors qu’il résulte des constatations de fait auxquelles la cour administrative d’appel a souverainement procédé qu’il avait dix-huit ans et quatre mois lorsqu’a été prise la décision portant obligation de quitter le territoire et qu’il ne fait pas valoir qu’il aurait demandé un titre de séjour dans les deux mois suivant son dix-huitième anniversaire, pouvait légalement faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° du I de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. [...] »

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Conseil d’Etat - Décision N°441736 - 1er juin 2022