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Tribunal administratif de Montreuil – Jugement N°2001874 du 12 mars 2020 – Rétention administrative d’un MIE - Fichier AEM

Publié le : vendredi 1er juillet 2022

Résumé :

L’intéressé, qui se présente comme mineur isolé, a fait l’objet d’une OQTF assortie d’une IRTF, ainsi que d’un placement en rétention suite au relevé de ses empreintes dans le cadre du dispositif AEM, la consultation de la base Visabio ayant révélé qu’il avait obtenu un visa sous l’identité de son frère majeur.

Or, la constatation de sa majorité résulte uniquement de l’interrogation du fichier Visabio et l’intéressé est en possession de documents d’état civil guinéens dont l’authenticité n’a pas été contestée. Le Tribunal retient alors que sa majorité n’est pas établie et que le préfet a entaché sa décision d’illégalité en décidant de son maintien en rétention.

RAPPEL – Fichier AEM (appui à l’évaluation de la minorité)

Conseil constitutionnel - Décision n°2019-797 QPC du 26 juillet 2019 : « […] la majorité d’un individu ne saurait être déduite ni de son refus opposé au recueil de ses empreintes ni de la seule constatation, par une autorité chargée d’évaluer son âge, qu’il est déjà enregistré dans le fichier en cause ou dans un autre fichier alimenté par les données de celui-ci. »

Extraits du jugement :

« 4. [...] aucun texte ne prévoit le placement ni le maintien en rétention d’un étranger mineur isolé dès lors qu’aux termes de l’article L.511-4 du CESEDA : "Ne peuvent faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ou d’une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : / 1° L’étranger mineur de dix-huit ans (…)".

5. Ainsi que le Conseil constitutionnel l’a relevé dans sa décision n°2018-768 QPC l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant impose que les mineurs présents sur le territoire national bénéficient de la protection légale attachée à leur âge. Il s’ensuit que les règles relatives à la détermination de l’âge d’un individu doivent être entourées des garanties nécessaires afin que des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures. Le Conseil constitutionnel a aussi rappelé dans sa décision n°2019-797 QPC du 26 juillet 2019 que la majorité d’un individu ne saurait être déduite ni de son refus opposé au recueil de ses empreintes ni de la seule constatation, par une autorité chargée d’évaluer son âge, qu’il est déjà enregistré dans le fichier en cause ou dans un autre fichier alimenté par les données de celui-ci.

6. M.A fait valoir qu’il est né le 10 mars 2003 [...] et qu’étant mineur il ne saurait être maintenu en rétention.[…] ses empreintes digitales ont été relevées par les services de la Préfecture […], dans le cadre du dispositif d’appui à l’évaluation de la minorité et que la consultation de la base Visabio a révélé qu’il avait obtenu un visa sous l’identité de son frère […] né le 10 octobre 1988 […]. M.A ajoute que ces informations ont été transmises au Conseil départemental mais que celui-ci n’a pas jugé utile de procéder à une évaluation de sa minorité et qu’il a ensuite fait l’objet d’une mesure d’éloignement prise le même jour.

7. […] le juge des enfants du tribunal judiciaire de Paris a constaté que "M.A, né le 10 octobre 2003, à Conakry en Guinée, est majeur", l’exécution de cette ordonnance a fait l’objet d’une suspension provisoire par le juge des référés délégué par le premier président de la Cour d’appel de Paris aux motifs, notamment, que si le premier juge a "retenu que M.A était majeur au motif que sa minorité a déjà été évaluée en Saône-et-Loire, que ses empreintes révèlent que sa véritable identité est X né le 10 octobre 1988 […] il ne résulte pas de ces motifs pas plus que de ceux des arrêtés du 6 février 2020 qui indiquent que la prise d’empreintes effectuée le 6 janvier 2020 a établi que l’intéressé avait préalablement fait une demande de visa sous l’identité d’un majeur (…), que la majorité de M.A aurait été déduite d’autres éléments que de la seule constatation qu’il est déjà enregistré dans le fichier Visabio, et ce alors même que le jeune explique qu’il a fait sa demande de visa sous l’identité de son frère aîné et qu’il a été constaté à l’audience qu’il est en possession de documents d’état civil en provenance de Guinée, en original dont l’authenticité n’a pas à ce jour été contestée. Dans ces conditions, compte tenu des protections attachées à la qualité de mineur, laquelle n’a pas été définitivement exclue concernant le requérant, il s’en suit nécessairement à son détriment des conséquences manifestement excessives tenant à un départ du territoire national alors même que sa situation n’a pas été tranchée au fond par une décision définitive". Ainsi que le relève le juge des référés de la Cour d’Appel, la majorité de l‘intéressé n’est pas établie. Dans ces conditions et en ne tenant pas compte de ces éléments et, en particulier des réelles incertitudes pesant sur le majorité de M.A, le préfet […] n’a pas procédé à un examen complet de la situation particulière de l’intéressé et a ainsi entaché sa décision d’illégalité.

[...] »


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TA Montreuil – N°2001874 du 12 mars 2020