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Tribunal administratif de Rennes – Ordonnance N°2202634 du 14 juin 2022 – Suspension de l’exécution d’une décision de refus de délivrance de titre de séjour – Article R.113-6 du code des relations entre le public et l’administration – Justification de l’état civil

Publié le : vendredi 8 juillet 2022

Résumé :

Le juge des référés suspend l’exécution de la décision de refus de délivrance du titre de séjour (article L.521-1 du CJA, « référé suspension »). La condition d’urgence est remplie dès lors que cette décision prive l’intéressé de la possibilité de travailler et risque de le placer en situation de grande précarité. Par ailleurs, il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision au regard de :

  • L’article R.113-6 du code des relations entre le public et l’administration relatif à la justification notamment de l’identité et de l’état-civil : le préfet fonde sa décision sur l’absence de présentation de l’original du certificat de naissance, sans respecter les règles procédurales prévues par cet article.
  • L’article L.423-22 du CESEDA : les faits reprochés à l’intéressé ne caractérisent pas une menace pour l’ordre public et l’absence d’autorisation de travail pour le contrat en cours ne peut motiver cette décision de refus, l’intéressé étant en possession d’un récépissé l’autorisant à travailler.
RAPPEL – Article R113-6 du code des relations entre le public et l’administration

«  En cas de doute sur la validité de la photocopie produite ou envoyée, l’administration peut demander de manière motivée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception la présentation de l’original.
La procédure en cours est suspendue jusqu’à la production des pièces originales.
 »


Extraits de l’ordonnance :

« En ce qui concerne l’urgence :

[…]

6. M.A justifie que la décision attaquée fait obstacle à la poursuite du contrat à durée déterminée qu’il a conclu […]. Si le préfet fait valoir que le contrat produit n’est pas signé, la décision a en tout état de cause pour effet de priver M.A de la possibilité de travailler pour subvenir à ses besoins et risque de le placer dans une situation de grande précarité. Ainsi, M.A doit être regardé comme justifiant de la condition d’urgence requise par les dispositions précitées de l’article L.521-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne les moyens propres à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision :

7. En premier lieu, aux termes de l’article R.311-2-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, relatif aux conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire alors applicable, dont les dispositions ont été reprises à l’article R.431-10 du même code : « L’étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (…) ». Aux termes de l’article R.113-6 du code des relations entre le public et l’administration, relatif à la justification notamment de l’identité et de l’état-civil : « En cas de doute sur la validité de la photocopie produite ou envoyée, l’administration peut demander de manière motivée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception la présentation de l’original./ La procédure en cours est suspendue jusqu’à la production des pièces originales  ».

8. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M.A, le préfet du Finistère s’est tout d’abord fondé sur la circonstance que l’intéressé n’a produit, à l’appui de sa demande, qu’une copie d’un certificat de naissance et sa traduction, sans transmettre les originaux de ces documents aux fins d’expertise par les services compétents.

9. […] M.A, à la suite du dépôt de sa demande de titre de séjour, a reçu un courrier des services de la préfecture le 27 janvier 2021 lui demandant de fournir, dans un délai de quinze jours, un certain nombre de pièces complémentaires, parmi lesquelles le dépôt, s’il le souhaitait, d’un document d’état-civil et/ou d’identité original afin d’effectuer une expertise de ce document. Il est constant que M.A a fourni les documents demandés, à l’exception de ses bulletins de note qu’il n’avait pas encore et d’un document d’identité original, ayant dû produire l’original de son certificat de naissance dans le cadre de sa demande de nationalité française. Il ressort également des pièces du dossier que M.A a proposé de déposer cet original par courriel du 17 mai 2021. Dès lors que le préfet n’a pas expressément demandé à M.A de produire un document d’état-civil original de manière motivée en mentionnant un délai et qu’il ne s’est pas fondé sur un refus de M.A de produire un tel original, le moyen tiré de ce que la décision contestée a été prise en méconnaissance des règles procédurales prévues par les dispositions de l’article R.113-6 du code des relations entre le public et l’administration est propre, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à sa légalité.

[…]

12. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M.A le préfet relève, dans la décision contestée que celui-ci est défavorablement connu des services de police pour conduite de véhicule sans permis et sans assurance […]. Cependant, en l’espèce, les faits reprochés à l’intéressé, s’ils constituent un trouble à l’ordre public, ne sauraient à eux seuls, caractériser une menace pour l’ordre public.. Le préfet ne pouvait davantage se fonder, pour refuser le titre de séjour sollicité, sur l’absence de documents relatifs à une demande d’autorisation de travail pour son contrat en cours, M.A étant en possession d’un récépissé de demande de carte de séjour l’autorisant à travailler [...]. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 423-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est, par suite, également propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige.

[...] »

Voir l’ordonnance au format PDF :

TA Rennes – Ordonnance N°2202634 du 14 juin 2022