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Cour d’Appel de Rennes – Chambre spéciale des mineurs – Arrêt N°323 du 4 juillet 2022 – Violation du principe du respect du contradictoire – Exigence contra legem d’une photographie sur un acte de naissance – Absence de remise en cause de la prise en charge par le Conseil départemental

Publié le : mardi 30 août 2022

Résumé :

Suite à une évaluation de sa minorité et de son isolement et à une OPP du parquet de Paris, l’intéressé a été orienté vers l’ASE du département du Finistère. Le parquet de Quimper a toutefois pris une décision de classement sans suite, puis le juge des enfants de Quimper a estimé qu’il n’avait pas lieu à assistance éducative.

La Cour d’appel annule la décision du juge des enfants pour violation du principe du respect du contradictoire (la décision avait été prise sans convocation de l’intéressé et de son conseil).

Statuant sur le fond, elle ordonne une mesure d’assistance éducative au profit de l’intéressé. La Cour rappelle tout d’abord que l’extrait d’acte de naissance présenté bénéficie de la présomption d’authenticité posée par l’article 47 du code civil, et ce d’autant plus que le Conseil départemental ne remet pas en cause sa prise en charge. Surtout, le juge des enfants ne pouvait exiger une photographie sur ce document, son absence était indifférente (cass n°06 13344). De plus, le juge des enfants ne pouvait retenir une autre identité signalée pour entrée irrégulière en Espagne dès lors qu’en plus de ne pas avoir fait l’objet d’un débat, le recours au fichier des empreintes n’était pas régulier en l’absence de preuve de l’habilitation expresse de l’agent consultant (article 141-2 du CESEDA).

La Cour d’appel en profite pour rappeler que le nouvel article L.221-2-5 du CASF interdit au président du conseil départemental de réaliser une deuxième évaluation de l’isolement et de la minorité d’un.e jeune orienté.e sur décision du procureur de la République ou du juge des enfants.


Extraits de l’arrêt :

« En application des dispositions des articles 1182, 1184 et 1189 du code de procédure civile, hors cas d’urgence spécialement motivée dans le cas d’une ordonnance de placement provisoire, le juge doit entendre les parties.

L’article 1188 du même code prévoit que les parties sont convoquées à l’audience huit jours au moins avant la date de celle-ci ; les conseils des parties sont également avisés.

En l’espèce, le juge des enfants n’a pas convoqué M.A et son conseil, les en dispensant sans motivation.

Il apparaît ainsi que ni le principe du respect du contradictoire, posé notamment par les articles 14 et 16 du code de procédure civile, selon lesquels, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée, ni les dispositions spécifiques de la procédure d’assistance éducative n’ont été respectées.

L’inobservation de ces formalités substantielles soulevée porte atteinte aux droits de M.A, ainsi qu’au droit à un procès équitable, et cause un grief manifeste à ce dernier, qui n’a pas pu faire valoir ses droits et ses observations lors d’un débat contradictoire ; en conséquence, la décision déférée sera annulée.

[…]

Il [l’original d’un extrait d’acte de naissance] bénéficie de la présomption édictée par l’article 47 du code civil et ce d’autant plus que le conseil départemental n’a jamais remis en cause la minorité du jeune acceptant dans le cadre de la préréquation la prise en charge telle qu’elle avait été décidée par le parquet de Paris après évaluation par le DEMLIE 75 concluant à la minorité sans réserve.

[…].

C’est à tort que le premier juge exige contra legem une photographie sur l’extrait d’acte de naissance dès lors que l’absence de photographie sur un acte de naissance est indifférente (cass n°06 13344).

Enfin, alors que le FAED et VISABIO étaient négatifs pour M.A, le juge des enfants ne pouvait retenir une autre identité, celle de M.B né […] 1999 signalé par le procureur pour entrée irrégulière à LAS PALMAS […]. Outre que cette information n’a donné lieu à aucun débat, en l’absence de comparution en première instance du mineur, le recours au fichier des empreintes n’était pas régulier au regard de l’article 141-2 du CESEDA en l’absence de preuve de l’habilitation expresse de l’agent consultant.

Le parquet de QUIMPER ne pouvait remettre en cause la prise en charge de ce jeune qui n’était pas contestée par le Conseil départemental lui-même.

A cet égard, il convient de préciser que le nouvel article L.221-2-5 du CASF prévoit que le président du conseil départemental ne peut procéder à une nouvelle évaluation de la minorité et de l’état d’isolement du mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille lorsque ce dernier est orienté en application du troisième alinéa de l’article 375-5 du code civil ou lorsqu’il est confié à l’ASE en application du 3° de l’article 375-3 du même code.

[…]. »


Voir l’arrêt au format PDF :

CA Rennes - N°323 du 4 juillet 2022