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Jeunes migrants. La soif de s’intégrer

Publié le 6-01-2016

Source : http://www.letelegramme.fr

Auteur : Laurent Guenneugues

« Une plateforme MIE (Mineurs isolés étrangers) a ouvert à Vannes début septembre. Un projet innovant piloté par le conseil départemental et géré par la Fondation des apprentis d’Auteuil. Elle accueille aujourd’hui 28 jeunes qui ont fui la guerre ou la misère. Deux d’entre eux racontent leur parcours semé d’embûches.

La plateforme MIE a ouvert au 1er septembre, au 13, rue Closmadeuc. Elle est financée par le conseil départemental, en charge de la protection de l’enfance. En confiant la gestion à la Fondation des apprentis d’Auteuil, c’est un dispositif innovant qui a été mis en place dans le Morbihan.

Un projet « atypique »
« Cette ouverture s’inscrit dans le cadre de la circulaire Taubira, qui demandait que les mineurs isolés étrangers soient répartis sur tout le territoire, afin d’éviter qu’ils ne soient concentrés en région parisienne, expliquent Patrick Rougevin-Bâville,
directeur Bretagne des Apprentis d’Auteuil, et Anne Valla, responsable de la plateforme MIE de Vannes. C’est un beau projet, atypique par rapport à ce qui se fait ailleurs. On a trouvé un bel équilibre entre les différents services ».

Si la plateforme peut être mixte en théorie, elle n’accueille à l’heure actuelle que des garçons, âgés de 15 à 17 ans : « Il y a très peu de filles qui migrent seul. C’est un parcours long et périlleux. Certains ont mis deux ou trois ans pour arriver jusqu’ici ».

Des traumatismes à surmonter
La majorité vient d’Afrique noire, mais quelques-uns ont aussi fui l’Afghanistan ou le Bangladesh. « Certains ne parlaient pas un mot de français en arrivant. Mais ils arrivent rapidement à se débrouiller. C’est impressionnant : ces jeunes-là sont avides de comprendre, de connaître et de s’insérer », note Anne Valla. Pour les non-francophones, elle a trouvé une astuce pour communiquer au début : elle utilise une édition spéciale du Guide du routard pour les migrants, à base de pictogrammes !

Premier objectif, quand ils arrivent : les sécuriser. « Beaucoup ont eu peur de mourir pendant leur parcours. Ils ont vécu des traumatismes et des ruptures, notamment la séparation avec leurs familles ».

Des filières courtes pour s’insérer rapidement
À Vannes, la plupart de ces jeunes vivent en colocation, dans des logements privés loués pour eux. D’autres résident en Foyers de jeunes travailleurs (FJT). Certains ont commencé un apprentissage en cuisine ou agent polyvalent de restauration, d’autres ont opté pour un lycée professionnel (mécanique auto, vente, peintre en bâtiment...), d’autres encore ont intégré la Mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS). Tous doivent privilégier des filières courtes, car une fois majeurs, ils ont plus de chances de pouvoir rester en France s’ils ont du travail. Le soir, après les cours, ils se retrouvent au local de la plateforme MIE. Et pendant les vacances, des sorties sont organisées : pêche à pied à celles de la Toussaint, visite des illuminations de Rochefort-en-Terre à celles de Noël... Le 25 décembre, ils ont réveillonné tous ensemble. Chaque jeune offrait un cadeau à un autre, suivant un tirage au sort effectué au préalable. Quelques jours auparavant, bien qu’ils soient majoritairement de confession musulmane, un groupe important s’était rendu au concert de Noël de la Maîtrise de Vannes, à la cathédrale, donnant des couleurs à l’assemblée et rajeunissant largement la moyenne d’âge ! « Ils ont vraiment soif de découvrir le mode de vie européen et la culture française », conclut Anne Valla.

En complément

De longs parcours du combattant
Ils ont 16 et 17 ans. L’un est malien, l’autre centrafricain. Ils ont accepté de raconter leurs parcours de vie. Il faudrait un livre pour chacun. Voilà déjà un résumé. « J’ai grandi dans la région de Koulikoro, au sud du pays, explique le jeune Malien. J’ai perdu mon père quand j’avais 1 an, des suites d’une maladie ». Il vit alors avec sa mère, ses trois soeurs, ses deux frères et d’autres membres de la famille. Il commence l’école à l’âge de 7 ans, et il adore ça ! « Je rêvais de poursuivre mes études et de devenir un intellectuel ». Mais ce rêve s’effondre quand les hommes de la famille le forcent à quitter l’école pour s’occuper de la bergerie. La situation devient si tendue qu’il n’a d’autre choix que de partir. « J’ai quitté le pays le 10 avril 2014 ».

Entassés à 103 dans un petit bateau
Il va d’abord voir un cousin en Algérie, qui le conduit en Lybie. Il se retrouve dans un foyer d’Africains, mais il n’a pas un sou en poche pour effectuer la traversée. Deux personnes s’arrangent pour qu’il puisse quand même embarquer : « Je m’attendais à un grand paquebot. Au lieu de ça, on était entassé à 103 dans un tout petit bateau. J’ai eu très peur. On est parti de nuit, vers minuit. À 8 h, un hélicoptère nous a repérés et nous a salués. À 13 h, la Marine italienne et La Croix-Rouge nous ont récupérés ». Il sait qu’il a eu de la chance : un ami lui a envoyé une vidéo de migrants, dont la frêle embarcation s’est retournée. La plupart se sont noyés. Quand il la regarde, son grand sourire disparaît. Deux jours plus tard, il arrive à Catane, en Sicile. Après dix mois en Italie, il gagne la France. D’abord à Vitry, où il dort pendant trois mois dans le couloir d’un foyer soninké (nom de son ethnie). C’est ensuite à Toulouse qu’il se présente au conseil départemental. Les services sociaux font une évaluation, par de longs entretiens, pour vérifier qu’il est bien mineur et isolé. Il est alors conduit à Vannes et intègre la plateforme MIE le 10 septembre. « Je me plais bien ici. La vie est facile, ce n’est pas comme à Paris. Je mange à ma faim, je dors bien, je prends des cours au collège Saint-Exupéry ». Il cherche un patron en cuisine pour commencer un apprentissage en septembre prochain.

Il fuit la guerre civile en Centrafrique
Second récit de vie avec le Centrafricain de 17 ans : « Mon père est mort de maladie quand j’avais 9 ans. On n’avait pas d’argent pour que j’aille à l’école, donc j’allais vendre des vêtements au marché avec ma mère. Elle m’a bien éduqué. Si je suis bien aujourd’hui en France, c’est grâce à elle ». Fin 2013, c’est la guerre civile entre musulmans et chrétiens qu’il a dû fuir. « Des habitants du nord venaient casser nos magasins, nous agresser et nous tuer. On s’est réfugiés dans une église pendant une semaine. Un camion est venu pour évacuer des gens, mais tout le monde ne pouvait pas monter. Ma mère m’a dit d’y aller. Je n’ai pas eu de nouvelles d’elle pendant plus d’un an ». S’ensuit pour lui un vrai parcours du combattant. Il se retrouve à marcher toute une journée au milieu du désert, doit mendier pour se nourrir, se fait frapper par un policier marocain... « C’était l’enfer ». C’est à Tanger qu’il embarque direction l’Europe : « Il fallait gonfler le bateau avant de partir, puis ramer. Les deux premières fois, on a chaviré. La première fois, un enfant de 3 mois est mort noyé ». La troisième fois sera la bonne. Ils sont repérés par La Croix-Rouge espagnole. Quand les services sociaux espagnols lui demandent où il veut aller, il répond Nantes, parce que son père était un supporter du FC Nantes ! De là, il sera conduit à Vannes. « Quand je suis arrivé ici, je voulais devenir footballeur, mais on m’a dit qu’il ne fallait pas tout miser là-dessus ». Il a commencé un CAP de vente. Son rêve ? « Obtenir la nationalité française ». Ses amis l’ont d’ailleurs regardé comme un fou, le soir d’Angleterre-France, quand il s’est mis à chanter « La Marseillaise » devant la télévision.

Quatre professionnels et cinq bénévoles
La plateforme MIE compte quatre personnels pour accompagner les jeunes au quotidien : la directrice, un chargé d’insertion, un assistant social et une technicienne d’intervention sociale et familiale (TISF). Cinq bénévoles viennent aussi assurer du soutien scolaire, mais aussi leur faire découvrir la vie française et vannetaise, à travers des jeux de société, des virées au marché ou encore des balades en bord de mer... »

Article disponible en PDF :

Voir en ligne : http://www.letelegramme.fr/morbihan...