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« La protection de l’enfant et de son parcours doit prédominer avant tout »

Publié le 8-02-2016

Source : http://www.lagazettedescommunes.com

Auteur : Isabelle Raynaud

« Eric Ciotti, président (LR) du conseil départemental des Alpes-Maritime, est responsable, pour l’ADF, de la question de la protection de l’enfance. Alors que la proposition de loi Dini-Meunier arrive en fin de parcours législatif, La Gazette fait le point avec lui sur la situation dans les départements, où le manque de financements pourrait mettre en difficulté cette compétence obligatoire.

Les difficultés financières des départements, notamment dues à l’explosion du RSA, ne mettent-elles pas en danger la protection de l’enfance, ce qui n’est pas obligatoire devant parfois être supprimé ?
Les Alpes-Maritimes, à l’instar de nombreux autres départements, sont soumises à une contrainte budgétaire sans précédent imposée par le désengagement budgétaire de l’État. Nos finances subissent fortement un effet de ciseau lié aux baisses de recettes (1) et aux hausses de dépenses imposées par l’Etat, comme la revalorisation du RSA de +2% par an chaque 1er septembre, en plus des revalorisations chaque début d’année, l’augmentation de la masse salariale liée aux mesures statutaires et l’augmentation des charges sociales…
La protection de l’enfance est l’une des missions sociales auxquelles je suis particulièrement attaché. La loi confère au président du département l’exercice de cette compétence particulièrement sensible, puisqu’il s’agit de veiller à la sécurité des mineurs en danger ou en risque de l’être. J’ai, à ce sujet, réformé le fonctionnement de notre antenne départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes pour améliorer la prise en charge et le suivi des signalements de mineurs en danger.
En outre, j’ai mis en œuvre dès le 19 février 2015 le 1er plan départemental de lutte contre la radicalisation des jeunes, sujet dont nous savons aujourd’hui combien il est majeur.

Plusieurs départements proposent de réduire le recours au placement en établissement des enfants en le remplaçant par le placement en famille d’accueil ? Est-ce une solution viable sur le long terme ?
La protection de l’enfant et de son parcours doit prédominer avant tout : le placement ne constitue pas la seule solution, mais l’une des possibilités mobilisables, toujours justifiée par la situation et les besoins évalués.
La réalité des situations rencontrées est complexe, multifactorielle et nécessite de trouver un équilibre entre la protection du mineur et la responsabilisation des parents, malgré des tensions familiales parfois très vives.
C’est pourquoi les Alpes-Maritimes s’appuient sur plusieurs leviers. Tout d’abord, sur le développement du placement à domicile. Cet accompagnement éducatif à la parentalité, spécifique à chaque famille, a vocation à maintenir autant que possible le mineur dans son milieu naturel, grâce à des interventions à domicile et hors du domicile, régulières et renforcées de personnels qualifiés (éducateurs, psychologues, TISF,…).
Ces solutions sur mesure constituent un progrès pour le bien être des enfants en évitant les ruptures affectives et sont aussi plus rationnelles pour le Département.
Ensuite, s’agissant de l’accueil de ces jeunes auprès des assistantes familiales, sur les 1 396 enfants placés à l’aide sociale à l’enfance dans les Alpes-Maritimes au 31 décembre 2015, 51 % d’entre eux sont accueillis par plus de 350 assistantes familiales, agréées et formées par le Département. Après avoir significativement revalorisé leur conditions salariales, je veux encore aller plus loin en maintenant un niveau soutenu de recrutement de nouvelles assistantes familiales.

L’ADF s’est inquiétée fin octobre des « charges nouvelles » qui pèseraient sur les départements avec l’adoption de la proposition de loi Dini-Meunier. Pourquoi ?
Notre département est déjà exposé à une hausse continue des dépenses sociales sur lesquelles il ne dispose d’aucun levier d’action. Pire encore, il subit par ricochet les effets de l’insuffisance des crédits alloués à d’autres acteurs de la protection de l’enfance, comme la protection judiciaire de la jeunesse, qui a vu une grande partie de ses crédits concernant les mesures d’investigation éducative s’épuiser dans les Alpes-Maritimes dès le mois de mai 2015 reportant d’autant la charge financière mais aussi opérationnelle sur mon Département.
En outre, j’observe l’absence de réelles mesures dans le texte concernant la prise en charge des mineurs isolés étrangers (MIE), alors même que les flux entrants de migrants ont crû de manière exponentielle et particulièrement préoccupante.
La circulaire Taubira ne répondait déjà pas à cet objectif, car ses fondements étaient très contestables. Le Conseil d’Etat l’a d’ailleurs reconnu le 30 janvier 2015 en annulant partiellement cette circulaire. Depuis lors, j’observe que le temps a passé et que l’Etat s’est hâté de rajouter un article dans la proposition de loi pour contourner cette décision.
L’article 22 quater confie ainsi au ministre de la Justice la fixation des objectifs de répartition proportionnée des accueils de ces mineurs entre les départements, en fonction de critères démographiques et d’éloignement géographique. Sur quelles bases cette répartition va-t-elle être calculée ?
En 2013, le ministère n’avait pas repris les chiffres réels des MIE déjà pris en charge, conduisant la Garde des Sceaux à permettre la réorientation de mineurs issus de la France entière vers les Alpes-Maritimes alors que notre capacité maximale d’accueil était déjà dépassée.
La question du financement de la prise en charge de ces mineurs reste, en outre, entière avec une indemnisation forfaitaire limitée aux 5 premiers jours (1 250 € / jeune), alors que la réalité du coût de leur accueil s’élève à 100 000€ par an. J’avais, à cet égard, déposé un amendement pour demander à l’Etat d’assumer ses responsabilités et de prendre en charge l’intégralité des frais engagés pour accueillir ces jeunes.

Comment se passe dans votre département l’accueil des MIE ?
Les Alpes-Maritimes ont été confrontées à des entrées exponentielles de MIE depuis le mois de mai 2015. Nous avons ainsi connu une progression de plus de 727 % du nombre de mineurs isolés recueillis dans le Département et qui y ont séjourné.
L’année 2015 a été en tous points exceptionnelle, puisque 1 265 jeunes ont été accueillis, majoritairement issus d’Afghanistan et de la corne de l’Afrique. Cette situation sans précédent est très sérieuse et ne doit pas être traitée avec légèreté, surtout lorsqu’il s’agit de mineurs qui fuient leur pays et les menaces qui pèsent sur eux.
Notre dispositif d’accueil a naturellement beaucoup souffert en 2015. Les établissements du foyer de l’enfance départemental étant déjà saturés avant la crise migratoire, plusieurs dispositifs relais d’hébergement ont été alternativement trouvés par la Préfecture.
Pour autant, la situation n’est en rien stabilisée : les lieux d’accueil temporaires que nous avons dû mettre à disposition sont eux aussi saturés et, après l’accalmie survenue en décembre 2015, notamment liée à l’Etat d’urgence, il est à craindre que les flux entrants ne reprennent fortement en 2016, sans qu’aucune solution globale ni française, ni européenne n’émerge.
Cette question relève de la politique migratoire et j’observe que l’État ne prend plus ses responsabilités. Si la protection de l’enfance relève bien de la compétence des Départements, l’afflux massif de migrants et notamment des plus jeunes d’entre eux sur notre territoire relève clairement de la compétence régalienne de régulation des flux migratoires.
Il est irresponsable de la part de l’Etat de laisser les départements assumer la charge de l’accueil et de la prise en charge de ces publics, alors même que l’Europe peine à trouver des solutions pour réguler ces flux !

Votre demande de tests osseux automatiques a également été rejetée dans la PPL Dini-Meunier…
Je regrette que ma proposition concernant les tests d’âge osseux n’ait pas été retenue, car elle s’inscrit dans une logique de justice et de protection des plus vulnérables.
Les jeunes qui traversent les Alpes-Maritimes n’ont sur eux aucun document d’identité. Si l’âge de la minorité de nombre d’entre eux est une certitude, le doute est parfois plus que permis pour d’autres à l’issue de leur évaluation. Or, le Département s’est parfois trouvé contraint d’assurer la prise en charge d’un jeune évalué comme majeur mais considéré comme mineur par la Justice, sans qu’aucun test osseux n’ait été réalisé. Il faut donner à la Justice les moyens de prendre les bonnes décisions. »

Voir en ligne : http://www.lagazettedescommunes.com...