InfoMIE.net
Informations sur les Mineurs Isolés Etrangers

Accueil > Actualités MIE > Mineurs isolés étrangers : à 18 ans, la France les rejette. Un amer sentiment (...)

Mineurs isolés étrangers : à 18 ans, la France les rejette. Un amer sentiment de gâchis

Publié le 10-02-2016

Source : www.leplus.nouvelobs.com

Auteur : Nicolas Truelle, Apprentis d’Auteuil

« Le 4 février dernier, le comité des droits de l’enfant de l’ONU a publié un certain nombre de recommandations à destination de la France, concernant l’application de la Convention internationale des droits de l’enfant. Sur le dossier des mineurs isolés étrangers, le comité s’inquiété de la capacité de la France à répondre à ses obligations. Nicolas Truelle, directeur général d’Apprentis d’Auteuil s’alarme.

Le 4 février, le comité des droits de l’enfant de l’ONU a rendu publiques ses recommandations à la France sur son application de la Convention internationale des droits de l’Enfant, instrument qui vise à protéger et promouvoir les droits des enfants et que la France a ratifié il y a 25 ans, le 2 juillet 1990.

Les experts ont exprimé leur inquiétude quant au sort des mineurs isolés étrangers et ont invité l’État français à mettre à disposition des ressources humaines, techniques et financières suffisantes afin d’assurer notamment leur "accompagnement social, [leur] éducation, et [leur] formation professionnelle". Dans une autre recommandation, le Comité appelle le gouvernement à mettre les moyens nécessaires en faveur de la protection de l’enfance, pour faciliter l’intégration sociale des mineurs, "y compris pour ceux se rapprochant de l’âge de la majorité".

Des vagues migratoires inégalées depuis la Seconde Guerre mondiale

En effet, l’article 20 de la Convention stipule que "tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, […] a droit à une protection et une aide spéciales de l’Etat", rendant ainsi le principe de protection de tout mineur, sans distinction de nationalité, juridiquement contraignant.

Alors que les vagues migratoires de ces derniers mois sont inégalées en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, et que les pays de l’Union européenne sont de plus en plus débordés par l’afflux de jeunes migrants, l’application de cette Convention est plus que jamais indispensable.

En France, leur prise en charge est assurée dans le cadre de la protection de l’enfance qui leur est garantie du fait de leur situation de mineur.
Ils apprennent à lire, écrire, compter pour ceux qui en ont besoin. Ils sont accompagnés sur le plan éducatif et soutenus pour surmonter les traumatismes éventuels qu’ils ont subis. Ils apprennent le français, sont formés et préparés à un métier.

Tout cela suppose un accompagnement sans faille de la part des nombreux professionnels, éducateurs, professeurs, psychologues, travailleurs sociaux, qui les suivent.

Une soif d’apprendre et de s’insérer

Ce travail quotidien mené par un grand nombre d’associations et de fondations – Apprentis d’Auteuil accompagne 700 mineurs par an depuis le début des années 2000 – engage les équipes bien au-delà de la transmission de compétences de base et d’une formation. Il s’agit avant tout pour elles de créer, autour de ces jeunes, les liens sociaux qui leur font défaut à leur arrivée en France, de les ouvrir aux autres et à la société qui les accueille.

Cet accompagnement global couplé à l’engagement et à la volonté d’intégration de ces jeunes produit des résultats probants. Leur soif d’apprendre et de s’insérer est telle qu’ils accomplissent bien souvent des parcours remarquables. Ils obtiennent généralement de bons résultats scolaires et apportent une ouverture culturelle à leur entourage.

Un gaspillage français ?

Pourtant, les tensions actuelles à l’entrée sur le marché du travail, le durcissement des règles de régularisation, l’augmentation des délais d’obtention de titres de séjour - que l’on soit demandeur d’asile ou non - freinent, voire annihilent, les espoirs de ces jeunes de pouvoir rendre à la société française ce qu’elle leur a donné : des compétences, une envie de travailler, de s’insérer, de faire leur vie sur notre territoire.

Ainsi, dès avant leur majorité, lorsqu’ils souhaitent se former via un apprentissage ou un contrat de professionnalisation, nécessitant des périodes d’alternance en entreprise en tant que salariés, ces jeunes en sont souvent empêchés par une interprétation rigoriste des textes du code du travail régissant ces situations. Une fois la majorité atteinte, ces jeunes étrangers isolés ne relèvent plus de la protection de l’enfance et sont tenus de régulariser leur situation. Or, avec un taux élevé de rejet des demandes d’asile faisant de la France l’un des pays les plus restrictifs en Europe, et des délais de régularisation excessivement longs (deux ans en moyenne), l’obtention d’une carte de séjour se révèle être très difficile et de nombreux jeunes ne peuvent y prétendre.

Des situations ubuesques

Ils se retrouvent alors dans des situations ubuesques, où bien que formés et motivés, ayant des propositions d’embauche, y compris en intérim sur des métiers en tension, ils sont contraints d’y renoncer, de quitter le territoire et d’errer bien souvent en Europe comme "sans-papiers". Dans le cas où ils ne sont pas expulsés, ils doivent attendre d’interminables mois, voire années avant de pouvoir entrer sur le marché du travail.

La tentation est forte alors, de choisir des modalités de travail illégales pour rester sur le territoire français, avec les risques induits pour eux comme pour la société française : clandestinité, isolement, délinquance, et ceci après avoir pendant plusieurs années suivi des parcours de formation et d’insertion structurés, encadrés, financés dans le cadre de politiques publiques. Ces jeunes sont prêts à participer à l’essor économique de la France par une activité rémunérée et le paiement d’impôts, mais en sont empêchés.

La France peut s’honorer d’avoir été un des états premiers signataires de la convention. Alors que le comité des droits de l’enfant l’interpelle aujourd’hui sur ses obligations, elle doit faire mieux et davantage pour les jeunes mineurs étrangers et leur insertion réelle dans la société française. »

Voir en ligne : http://leplus.nouvelobs.com/contrib...