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Adolescentes migrantes, femmes engagées [portraits]

Publié le 7-03-2016

Source : http://www.rfi.fr/france

Auteur : Aurore Lartigue

« A l’occasion de la Journée internationale de la femme ce 8 mars, RFI a rencontré des jeunes filles récemment arrivées en France. Comment s’imaginer un futur quand on vient à peine de s’arracher de son pays ? Comment se projeter dans sa vie de femme quand on doit se (re)construire ? Leur histoire a changé leur destin. Elle a aussi forgé leurs personnalités.

Leslie et Bérénice, Congolaises de 16 ans et Helena*, Angolaise de 15 ans, l’avenir elles y pensent. Elles aimeraient même oublier leur passé. « J’en ai marre de pleurer », tranche net Helena, de ses yeux durs, quand on lui parle de sa vie d’avant. Depuis quelques mois, elle et ses amies vivent au Daomie (Dispositif d’accueil et d’orientation pour mineurs étrangers isolés) d’Amiens, géré par France Terre d’Asile.

Les histoires de ces jeunes filles confiées à l’ONG par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) se ressemblent. Leur départ, elles ne l’ont pas vraiment voulu. C’est un proche qui les a emmenées en France, souvent du jour au lendemain. « Elle m’a dit : fais ta valise pour partir », raconte Bérénice. « Elle » c’est une amie de sa mère qui s’occupait de Bérénice jusque-là, « une deuxième mère ». Arrivée en France, à l’aéroport, l’amie s’évanouit dans la nature, abandonnant l’adolescente à son sort. « Je ne comprends pas comment elle a pu me laisser », ressasse Bérénice. Sa voix flanche.

Les études avant tout

Elle se ressaisit vite quand on lui demander d’évoquer ses rêves. « Avant, en RDC, je voulais être chanteuse », rit-elle, consciente qu’il n’y a plus de place dans sa nouvelle vie pour des rêves de petite fille. Son expérience l’a fait grandir. « Avant, j’étais faible avec les autres. Puis j’ai commencé à être plus autonome, j’ai appris à me débrouiller toute seule. » Avec Helena, en qui elle a trouvé « une sœur », elles chantent à l’église.

Pour les trois jeunes filles, l’avenir se joue maintenant. D’abord à 18 ans, la prochaine échéance quand on est un « mineur isolé étranger », c’est-à-dire arrivé sur le territoire français sans famille. L’objectif : décrocher un titre de séjour à la majorité. Pour ça, il faut du concret, un apprentissage par exemple.

« Faire des études ». Les trois jeunes filles n’ont que ça à la bouche. « J’ai envie de beaucoup étudier, j’aime trop », raconte Helena. Arrivée au centre il y a à peine cinq mois, elle ne parlait que portugais. Aujourd’hui elle a intégré une classe de 3e. Dans ses rêves les plus fous, elle se voit professeur d’histoire. « J’aime bien lire, apprendre des choses ». Pour l’instant elle échange sur leurs pays respectifs avec ses camarades du Daomie.

Des métiers au service d’une cause

Bérénice, arrivée en octobre, perfectionne quant à elle son français avant de réintégrer une scolarité classique. « Je voudrais faire aide à la petite enfance pour aider les enfants qui n’ont pas de famille, qui sont dehors. » Mais pas seulement : elle ne sait pas encore si elle « (aura) la force de retourner en RDC » mais elle aimerait « emmener les droits des enfants » là-bas. Et pour ça, « rentrer dans la politique ». Comme sa mère, avec qui elle ne pouvait plus vivre car elle était contrainte de se cacher à cause de menaces. Ça ne lui fait pas peur. « Au moins j’aurais fait quelque chose de bien, j’aurais défendu des enfants. »

Leslie, elle, se rêve en avocate « parce qu’elle aime la loi, défendre les gens et surtout les femmes ». Son parcours, elle ne le racontera pas, « ça ne lui fait pas du bien », grimace-t-elle mais c’est son histoire familiale qui a fait naître sa vocation. L’essentiel pour elle, c’est d’être « utile dans la société ». Pour l’instant, elle fait un stage dans le cadre de son Bac pro gestion-administration. « Je sais que ça prend du temps mais je vais y arriver. Si je cherche un boulot, j’aurai de l’argent pour finir mes études. Je sais que je serai avocate, quoi qu’il m’en coûte ! » affirme-t-elle déterminée.

Les pieds sur terre

Si Bérénice, Helena et Leslie s’autorisent à rêver, pas question de faire des plans sur la comète non plus. Leur vie d’avant était déjà « très difficile ». Leur exil forcé a achevé leurs dernières illusions. A l’âge où l’on se rebelle, elles doivent se battre pour tout reconstruire, partagées entre leur famille qui leur manque et quelque chose qui ressemble à l’espoir d’une vie meilleure. D’ailleurs, aucune ne se plaint. Elles sont bien ici. « On se contente de ce que l’on a. Et on vit dans le quotidien comme si tout allait bien en espérant qu’un jour tout va aller bien », philosophe Leslie sans s’en rendre compte. Méthode Coué.

Ont-elles envie d’une famille plus tard, elles qui sont sans nouvelles de la leur ? La question les laisse bouche bée. « Là je prends soin de moi, je prends soin de mon futur, les autres choses viendront après », explique Leslie.

Toutes ont bien conscience que la France est une chance pour elles. « Ici on respecte beaucoup les femmes et la femme a une place qu’elle mérite dans la société », souligne Leslie. Pour la journée de la femme, Bérénice a prévu d’écrire un poème. Ce n’est pas encore fini mais ça raconte « que la femme c’est le plus important, c’est elle qui nous donne la vie, c’est elle qui a la douleur, qui porte l’enfant pendant neuf mois. Et puis qu’il y a des femmes qui se font violer, forcer. »

Etre française, ça compte

[...] »

Voir en ligne : http://www.rfi.fr/france/20160306-j...