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Essonne : le département demande l’aide financière de l’Etat pour les mineurs étrangers isolés

Publié le 14-03-2016

Source : http://www.leparisien.fr

Auteur : S.M

« François Durovray, le président (LR) du conseil départemental, est en colère. Il a été reçu la semaine dernière avec d’autres présidents de département, par Jean-Jacques Urvoas, le Garde des Sceaux, afin d’évoquer l’accueil des mineurs étrangers isolés (MIE).

C’est un aspect méconnu de la politique des départements. « La France ayant ratifié des conventions internationales, nous avons l’obligation légale de les accueillir au titre de l’aide à l’enfance, même s’ils ne sont pas entrés légalement sur le territoire », décrypte François Durovray. La plupart viennent du Mali, de la République Démocratique du Congo, de Côte d’Ivoire, de Guinée, d’Afghanistan... A leur majorité, quand ils obtiennent des papiers, ces jeunes majeurs continuent d’être suivis par le département jusqu’à ce qu’ils acquièrent leur autonomie.

60 000 € par personne
Le problème, soutient l’élu, c’est que leur nombre ne cesse d’augmenter et que dans le contexte budgétaire actuel « particulièrement difficilepour les départements », cela représente un coût non négligeable. « En 2013, nous en accueillions 270, dont 105 jeunes majeurs. En 2015, ce nombre est passé à 384, dont 221 jeunes majeurs », note François Durovray. Soit une progression globale de 42 % en deux ans seulement.

Une jeune Sénégalaise qui a fui son pays : « Je ne voulais pas être mariée de force »

Elle est arrivée en France en octobre 2014. Fatou* n’avait que 17 ans quand elle a fui son pays, le Sénégal. « Mon père voulait me marier de force. Pour moi, ce n’était pas possible. Là-bas, c’est normal : la femme doit se marier, avoir des enfants, suivre la religion. Moi, je voulais réussir mes études. »

Aidée par un ami, elle part vers le Maroc, laissant ses parents et sa sœur, déjà mariée. « D’un coup, je me suis séparée d’eux. Ça a été difficile. Ils me manquent. Tous les jours, je pense à eux. J’ai des crises d’angoisse. Parfois, je me demande si je ne vais pas tout lâcher, rentrer. Mais alors, tout ça n’aurait servi à rien. »

Après un mois de voyage, Fatou débarque à Paris, seule. « Je dormais dans la rue, dans les gares. J’avais peur, je pleurais. La journée, je prenais des trains pour passer le temps. » Un jour, elle descend à la gare de Brétigny-sur-Orge. « J’ai vu un bâtiment avec le mot social. Je suis rentrée. J’ai eu un entretien et j’ai été prise en charge. »

Pour l’adolescente, c’est la fin d’un calvaire. « J’étais au foyer d’urgence de Brétigny. C’était un soulagement. Là, c’était le paradis pour moi. J’avais enfin un toit, une chambre pour dormir. On m’a donné des habits, de la nourriture. Je me sentais en sécurité. » Aujourd’hui âgée de 18 ans, Fatou est en classe de première et rêve de devenir infirmière. Elle vient tout juste de passer le concours d’aide soignante. « Aujourd’hui, je suis rassurée, je sens que je peux atteindre mon but. »

* Le prénom a été modifié.

L’accueil d’un mineur coûte au département en moyenne 60 000 € par an, somme qui comprend le salaire des éducateurs, le fonctionnement de la structure d’accueil (eau, électricité), les vêtements, la nourriture, la scolarité... Pour un jeune majeur, c’est 30 000 €. Au total, le budget est ainsi passé en Essonne de 13 M€ en 2013 à 18 M€ en 2015, ce qui représente plus de 15 % du budget de l’aide à l’enfance.

« Et cette hausse continue », déplore le patron de l’exécutif départemental. « Tout cela est le résultat de la politique migratoire du gouvernement. Ce n’est pas forcément aux département d’en assumer les conséquences. » Lors de cette réunion, les représentants de l’assemblée des départements de France espéraient obtenir une compensation financière de l’Etat. David Ros (PS), porte-parole de la gauche au conseil départemental, estime que cette « non prise en compte par l’Etat est un vrai problème », mais regrette que l’opposition n’ait pas été associée « à cette demande pour chercher des solutions ».

« L’Etat ne nous paye que les cinq premiers jours d’accueil. Et il dit qu’il n’ira pas plus loin, s’agace François Durovray.La seule chose qui est sortie de cette réunion c’est que les mineurs étrangers isolés seront désormais appelés les mineurs non accompagnés. On se moque de nous ! »

Christiana, assistante familiale à Ris-Orangis : « Qu’ils se reconstruisent grâce à des bons souvenirs »
Ris-Orangis, jeudi. Christiana Kubezyk accueille depuis dix-huit ans des mineurs étrangers isolés ou en danger. (LP/S.M.)
Christiana Kubezyk, 64 ans, pourrait être à la retraite. Mais depuis dix-huit ans, cette assistante familiale accueille à Ris-Orangis des mineurs isolés ou en danger. Avant d’exercer ce métier, elle accueillait déjà chez elle des sans papiers. « J’étais l’aînée d’une famille nombreuse. Ma mère était malade. Je me suis toujours occupée de mes frères et sœurs. Et j’étais fille d’immigrée polonaise. A l’époque, dans les années 1950, on m’a toujours fait ressentir une différence. »

Rien d’étonnant à ce qu’elle prenne en charge aujourd’hui des mineurs étrangers ayant fui leur pays. « J’ai vu passer une cinquantaine d’enfants en dix-huit ans. Certains ne restaient que quelques mois. Aujourd’hui, je me suis spécialisée dans le long terme. »

Avant leur arrivée, Christiana se documente sur le pays d’où ils viennent, ce qu’il s’y passe, leur culture. « J’ai eu un Malien qui n’avait jamais mangé à une table sur une chaise avec des couverts. C’est un vrai choc culturel. En Afghanistan, nos quatre saisons n’existent pas. Ils doivent non seulement apprendre une langue, mais aussi notre culture. » Pour cela, elle leur organise donc de nombreuses sorties et activités culturelles et sportives.

Les adolescents restent chez elle jusqu’à leur majorité

Actuellement, Christiana accueille un jeune venant de Côte d’Ivoire, « dont le père a été tué par les rebelles » et un Afghan de 15 ans. « On vient de fêter son premier mois à la maison. J’organise beaucoup de rituels, fêtes, pour qu’ils se sentent en sécurité, entourés et accueillis », explique Christiana. Ce jeune Afghan a été envoyé par sa mère en France qui craignait qu’il ne soit enrôlé de force par les talibans. « Il est passé par huit pays en deux mois avant d’arriver ici. Les premiers jours, il a fait des crises d’angoisse. Il était en décompensation. »

Ces adolescents vont rester chez elle au moins jusqu’à leurs 18 ans. « Ma priorité, c’est qu’ils se reconstruisent grâce à de bons souvenirs. Que cette période de l’enfance et de l’adolescence ne soit pas seulement un triste souvenir de misère, de fuite. »

Christiana s’occupe aussi de toutes les démarches pour leurs papiers. Et quand ils sont capables de voler de leurs propres ailes, elle les accompagne. « On ne perd pas le contact. Samedi prochain, je suis témoin au mariage d’une de mes anciennes protégée », sourit Christiana Kubezyk. »

Voir en ligne : http://www.leparisien.fr/evry-91000...