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Malick, le Guinéen adopté par les élèves coiffeuses

Publié le 25-03-2016

Source : www.ouest-france.fr

Auteur : Thierry Maillard

« Des jeunes filles de sa classe écrivent un livre sur la vie du garçon, débarqué à Angers il y a deux ans. Un travail pédagogique, impulsé par un prof, qui change le regard des uns sur les autres.

L’histoire

Dominique Subileau enseigne la coiffure depuis plus de vingt ans. En septembre dernier, il se doute que la rentrée des CAP 1re année ne se passera pas comme les autres années. Un garçon fait partie de l’effectif, ce qui n’est déjà pas si fréquent. Mais ce grand gaillard, originaire de Guinée, un pays d’Afrique de l’Ouest, a débarqué en France quelques mois plus tôt. Son français est hésitant, il n’a pas de papiers, mais il est passionné de coiffure.

« Je voulais un moyen d’intégrer plus facilement Malick à la section », raconte le professeur. Il lance l’idée d’un livre, rédigé par les élèves coiffeuses. Un livre qui racontera l’histoire du jeune Guinéen qui, un jour de mars 2014, à 16 ans, se retrouve seul, abandonné par son passeur, devant la gare d’Angers. Et qui sera sauvé pas la coiffure.

Le projet pédagogique (1) est appuyé par Virginie Onillon, professeur documentaliste, et Nathanaëlle Emeriau, professeur de français, et il est validé par la direction du lycée professionnel Joseph-Wresinski d’Angers.

Un oncle violent

Elodie, les deux Chloë, Marie et Hélène, âgées de 15 à 17 ans, acceptent de se lancer. Tous les lundis, pendant deux heures, elles se posent au centre de documentation et d’information (CDI). Et potassent sur la Guinée, « un pays que nous ne connaissions pas », reconnaît humblement Dominique Subileau. Elles réfléchissent aussi aux questions qu’elles vont poser au jeune garçon...

Malick se prête à l’exercice. Livre un peu de sa vie d’avant. Son père décédé en 2004, lui et ses deux frères recueillis par son oncle qui devient autorité morale. Autoritaire, il l’est aussi, et fait preuve de violences physiques et psychiques. « Pour le sauver, son frère aîné a décidé de vendre la maison de famille à Conakry, la capitale de la Guinée, enchaîne Elodie. Il a pu payer un passeur. »

Malick se souvient comme si c’était hier de ce « 19 mars 2014 ». Il monte dans un avion avec le passeur qui a fourni visa de tourisme et billet aller simple. Escale à Casablanca, avant d’atterrir à Paris. « Un autre homme nous attendait, raconte-t-il. Nous avons pris une voiture et nous avons roulé. »

Hébergé à l’hôtel

On le dépose à la gare d’Angers. « Ils lui ont dit qu’il devait attendre ici, qu’ils allaient revenir », poursuit Hélène. Ils ne sont jamais revenus. Malick reste seul, avec 100 € en poche. « Nous sommes allées à la gare pour qu’il nous montre où il avait passé trois nuits tout seul », glisse Elodie. Il a raconté ce qu’il a ressenti, elles ont pris des photos qui illustreront le livre.

Pris en charge par le service des mineurs isolés étrangers et par une éducatrice, Malick est hébergé dans un hôtel et scolarisé dans une classe spécialisée dans un établissement d’Angers. Un jour, il est en stage découverte dans un salon de coiffure. Dominique Subileau entre et le patron des lieux lui vante les qualités et la passion de son stagiaire. Le lycée Joseph-Wresinski accepte de le scolariser. Dans un an, il passe son CAP.

« On persévère ! »

« Le fait de parler avec les filles m’a aidé, assure Malick dans un grand sourire. J’oublie un peu la souffrance. » Les professeurs sont aussi particulièrement fiers du travail conduit pendant sept mois par le groupe d’élèves coiffeuses. « Elles ont aussi tendance à se dévaloriser. Ce projet, elles l’ont tenu », savoure le professeur de coiffure.

« Même si c’est difficile, on persévère », lance la professeur documentaliste au groupe. De la persévérance, le jeune homme doit en avoir. Pour trouver un stage pratique quand des coiffeurs lui ferment la porte du salon au nez. Et décrocher, auprès de la préfecture, le sésame qui lui permettra de régulariser sa situation. Avec l’espoir de faire de la coiffure son métier. Comme ses camarades filles.

(1) Le livre Malick, histoire d’une vie, qui sera édité en quelques exemplaires en juin, entre dans le cadre de la semaine d’éducation et d’actions contre le racisme, du 21 au 28 mars. »

Voir en ligne : http://www.ouest-france.fr/pays-de-...