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Migrants : que faire quand un campement se forme ?

Publié le 8-04-2016

Source : www.lagazettedescommunes.com

Auteur : Sophie Le Gall

« La formation d’un campement sur le territoire d’une commune, comme à Grande-Synthe, met les élus et les agents face à la problématique de “l’urgence qui perdure”. Quelles sont leurs obligations ? L’expérience prouve qu’il y a autant de façons de faire que de situations, avec néanmoins un point commun : la peur, pour la collectivité comme pour le public concerné, de l’enlisement.

Le feuilleton du campement de Grande-Synthe (Nord, 22 000 hab.) – 2 500 personnes dans l’ancien camp, 1 250 personnes début avril 2016 dans le nouveau camp “humanitaire”- , vient de connaître un épisode constructif avec la mise en place, le 31 mars, d’un comité de pilotage ville-Etat, après un long silence de ce dernier. Cet exemple permet d’étudier concrètement le cas de l’installation d’un bidonville sur une commune, voire de l’anticiper.

Des obligations réaffirmées

« Les obligations d’une commune, et celles de l’Etat, sont très claires depuis la décision du Conseil d’Etat, fin novembre 2015, prise dans le contexte du camp de Calais », souligne Laurent Pidoux, DGS de Grande-Synthe. Dans son ordonnance, le Conseil d’Etat avait imposé à l’Etat de procéder, dans un délai de quarante-huit heures, au recensement des mineurs isolés étrangers et de se rapprocher du département en vue de leur placement. La commune de Calais s’était, elle, vu ordonner de mettre en place « dans les huit jours », des points d’eau, des toilettes et des dispositifs de collecte des ordures, de procéder à un nettoyage du site, et enfin, de créer des accès pour les services d’urgence. Ainsi, en plus d’assurer des conditions d’hygiène minimales, la commune doit se charger de la sécurisation du camp, notamment en ce qui concerne les risques d’incendie.

« Sur le point précis de la sécurité, nous travaillons avec les services de police car les troubles proviennent essentiellement des passeurs qui tentent de visiter le camp », ajoute Laurent Pidoux. Manon Fillonneau, déléguée générale du collectif national droits de l’Homme Romeurope, estime que les obligations des collectivités sont « plus étendues » que celles énoncées par le Conseil d’Etat, en référence au droit français et au droit européen. Et de citer, notamment, le code de l’environnement qui « pose le principe du droit à l’eau pour tous » bien avant l’intervention de la haute juridiction.

Les associations, premiers partenaires

Sur le camp de Grande-Synthe, les associations caritatives assurent la distribution de la nourriture, des vêtements et des dons, aux côtés de Médecins du monde, ONG très engagée dans cette initiative. « On compte en permanence une quarantaine de bénévoles, et nous avons missionné une association employant des salariés pour assurer l’hygiène des lieux », précise Laurent Pidoux. La commune a également recruté un gestionnaire du camp, afin de gérer la coordination des différents acteurs. Comptant remplir son obligation de scolarisation des enfants, elle « mène actuellement une réflexion sur le sujet avec les services de l’Etat ». Laurent Pidoux souligne : « il nous semble très important que ces enfant soient accueillis par l’école de la République ». Par ailleurs, la commune s’efforce de vérifier les intentions de toutes les personnes, associations ou particuliers, qui se proposent d’intervenir sur le camp, afin d’éviter toute récupération.

Au final, la collectivité aura mobilisé ses services techniques, de la propreté, juridiques, sans oublier la communication. « Nous n’avons connu aucun droit de retrait. Au contraire, des agents sont bénévoles sur le camp sur leurs jours de congés. Cette expérience a soudé les équipes autour d’un projet. C’est la force de la territoriale de savoir s’adapter aux situations, du quotidien et exceptionnelles, qui se présentent », confie le DGS. Même adhésion de la population, « pas une seule pétition, seulement quelques lettres de réclamation, qui, d’ailleurs, ne remettent pas en cause le principe de l’accueil », ajoute-t-il.

Des réponses très variables

Si l’exemple de Grande-Synthe permet de balayer l’ensemble des sujets liés à l’installation d’un campement, il reste unique, que ce soit de par son ampleur, liée à sa proximité avec Calais, ou de par la décision de son maire de mettre en place un camp répondant aux normes humanitaires et d’en assurer, avec le concours de MSF, le coût. « Les réactions des élus sont très variables », évalue Manon Fillonneau, de Romeurope, « certains jouent la montre ou opposent un silence à nos demandes de conditions d’accueil quand d’autres prennent des initiatives, comme l’installation de branchements électriques provisoires ou la distribution de couvertures anti-feu ». Les conditions de vie sur un campement sont aussi étroitement liées à la qualité du dialogue noué entre la commune et la préfecture, qui peut ordonner l’évacuation du camp. Les conditions de cette évacuation sont quant à elles gérées par la circulaire du 26 août 2012.

Selon les derniers chiffres de la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal), on compte environ 20 000 personnes (dont un quart d’enfants) vivant dans quelque 600 bidonvilles. Toujours selon la Dihal, 47 % de ces campements ne disposeraient d’aucune forme de traitements des déchets, deux tiers n’auraient aucun accès à l’eau et les trois quarts fonctionneraient sans alimentation en électricité.

Focus

En Ile-de-France, une réflexion à l’échelle de la région

Le 13 avril 2016, le préfet d’Ile-de-France, Jean-François Carenco devrait présenter une stratégie régionale de resorption des bidonvilles, fruit d’une concertation avec les élus et les associations. L’objectif est de partager, entre communes, les expériences d’insertion et de parvenir à mobiliser des fonds, notamment européens, sous utilisés sur cette thématique. Les associations qui ont participé à cette réflexion insistent pour que soient mobilisés les outils de droit commun. L’Ile-de-France rassemble la plus grande proportion de campements. »

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