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L’Etat reprend la gestion du camp construit par MSF à Grande-Synthe

Publié le 23-05-2016

Source : www.lemonde.fr
Auteur : Maryline Baumard

« Grande-Synthe, saison 3… A compter de lundi 30 mai, le camp de migrants du département du Nord va écrire une nouvelle page de son histoire. Ce jour-là, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, et la ministre du logement, Emmanuelle Cosse, ont prévu un déplacement vers la banlieue de Dunkerque. Au menu, l’annonce de la reprise par l’Etat du camp de la Linière, premier campement humanitaire aux normes internationales construit par une ONG en France. « Une très bonne nouvelle » pour André Jincq, responsable du programme migrants de Médecins sans frontières (MSF), l’ONG qui a pensé, construit et financé ce lieu dont l’Etat ne voulait pas. « Cette reprise en main est l’occasion de mettre en œuvre une autre politique, à condition que les efforts déjà faits dans ce lieu soient perpétués », insiste M. Jincq. Le maire écologiste (EELV) de la ville de Grande-Synthe, Damien Carême, est lui aussi satisfait que l’Etat reprenne enfin sa place.

Cette visite pourrait donc marquer la fin du bras de fer qui oppose ce maire humaniste qui veut accueillir dignement les migrants de passage chez lui, à l’Etat qui, lui, préfère fermer les yeux.

Zone inondable transformée en champ de boue

Depuis l’été 2015, en effet, l’Etat souffle le chaud et le froid. Le maire avait été reçu le 30 septembre par le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, qui lui avait promis une aide. Dans sa ville, les migrants n’étaient plus quelques dizaines, comme c’était le cas depuis 2006, mais leur nombre est monté à 2 500, et il estimait alors de son devoir d’agir. S’ensuit pourtant un assourdissant silence radio durant lequel la préfecture n’a donné suite à aucune des demandes de la municipalité, au point que la ville de Grande-Synthe elle-même a construit un bloc sanitaire et instauré un ramassage des déchets.

Ces aménagements n’ont pas suffi. La vie est vite devenue impossible dans cette zone inondable transformée en un champ de boue, où femmes et enfants piétinent avant de rentrer sous de petites tentes à peine doublées. Inquiet, M. Carême a refusé de laisser les familles dans « le camp de la honte », et juré qu’il ne serait pas le maire d’une commune « où l’on meurt de froid ». Avec Médecins sans frontières et son équipe de réponses aux catastrophes, a pris corps le plan d’un nouveau camp. « Parce que nous étions à Grande-Synthe face à la même urgence humanitaire que dans bien des pays du Sud », resitue aujourd’hui André Jincq.

De nombreux rebondissements

MSF et la ville ont donc pensé des cabanons de bois posés sur un sol drainé pour héberger ces familles venues de Syrie, d’Irak ou d’Iran qui attendent un passage en Grande-Bretagne, souvent déjà payé à des passeurs. Pour éviter la conférence de presse du 23 décembre 2015, lors de laquelle ce projet devait être divulgué, M. Cazeneuve a convoqué le maire ce même jour à Paris et lui a promis une nouvelle fois de l’aide. La préfecture a encore tergiversé quelques semaines, avant de finalement lâcher un accord du bout des lèvres… accord qui a bien failli être remis en cause le 7 mars.

Ce jour-là en effet, le nouveau camp a ouvert ses portes. Le maire s’apprêtait à souffler un peu, quand le préfet du Nord a bloqué le déménagement, arguant d’une trop grande proximité des chalets entre eux. C’est ceint de son écharpe tricolore que M. Carême s’est déplacé pour faire redémarrer le bus. Le soir, il a reçu une mise en demeure d’améliorer la prévention incendie du nouveau lieu, et quelques jours après, le ministre de l’intérieur rappelait encore à l’Assemblée nationale que ce camp n’était pas la solution… avant d’annoncer à Damien Carême, le 31 mars, que l’Etat prendrait finalement part au financement de l’infrastructure.

Un maire frondeur

Il faut dire que le maire avait eu une nouvelle idée, à laquelle ne goûtait que très peu la Place Beauvau : annoncer à la presse locale réfléchir à un financement participatif pour trouver les 4 millions d’euros nécessaires chaque année…

Durant le premier mois d’ouverture, les services de l’Etat ont boudé le lieu, et les migrants n’ont ainsi vu aucun agent de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et des apatrides) pour leur proposer l’asile en France, alors même que l’Office se démène à Calais… Comme si une mesure de rétorsion à leur encontre allait punir le maire frondeur.

Aujourd’hui, pourtant, les tensions semblent s’apaiser, au moins en surface. « Reste à savoir si l’Etat ne démontera pas les bungalows à chaque départ de famille, pour vicieusement fermer le lieu », s’inquiète un bénévole. La satisfaction générale de voir l’Etat jouer son rôle n’efface donc pas une méfiance que les saisons 1 et 2 de la série « Le camp de la Linière » ont assez profondément ancrée.

Ces aménagements n’ont pas suffi. La vie est vite devenue impossible dans cette zone inondable transformée en un champ de boue, où femmes et enfants piétinent avant de rentrer sous de petites tentes à peine doublées. Inquiet, M. Carême a refusé de laisser les familles dans « le camp de la honte », et juré qu’il ne serait pas le maire d’une commune « où l’on meurt de froid ». Avec Médecins sans frontières et son équipe de réponses aux catastrophes, a pris corps le plan d’un nouveau camp. « Parce que nous étions à Grande-Synthe face à la même urgence humanitaire que dans bien des pays du Sud », resitue aujourd’hui André Jincq. »

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