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Mineur et migrant : partir pour s’assurer un avenir

Publié le 13-06-2016

Source : www.laprovence.com

Auteur : François Rasteau

« Espérant une vie meilleure, un adolescent pakistanais a quitté sa famille. Son épopée, qui se termine à Aix, n’a pas été sans embûches. Récit

Amir "aime beaucoup la France. La vie est belle, ici. Il n’y a pas de stress, pas de problème avec les voisins, pas de conflit". Si ce jeune homme de 17 ans est parti - seul - du Pakistan, son pays d’origine, c’est pour raisons économiques : "Mon père s’est marié deux fois. Chez moi, nous sommes 11 enfants. Pour l’argent, c’était trop compliqué. J’ai donc décidé de partir pour préparer mon futur ailleurs." Et, en mode beau gosse, cheveux mi-longs attachés sur la tête et lunettes de soleil posées sur le nez, il met toutes les chances de son côté.

Arrivé en France en septembre 2015, il est confié par le juge à l’Aide sociale à l’enfance du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône en janvier dernier. Laquelle le place début février au foyer Adoma d’Aix-en-Provence, à quelques encablures de la gare routière.

Mais si son périple se termine bien, il a fallu traverser quelques épreuves. Amir affirme avoir mis trois mois pour rejoindre l’Hexagone, après avoir traversé l’Iran, la Turquie, la Grèce - où il est resté plus d’un mois - l’ex-Yougoslavie et l’Italie.

Amir affirme avoir mis trois mois pour rejoindre l’Hexagone. Un voyage de 4 000€

"Le voyage a coûté 4 000 € en tout : 3 000 au départ et j’ai repayé 1 000 € en Grèce, explique-t-il. C’est mon oncle qui m’a aidé, même si mon père n’était pas d’accord, il ne voulait pas que je parte. Les passeurs, ils connaissent les ’portes’ dans les frontières, où il n’y a pas de contrôle. On marche longtemps avec eux, puis, quand on change de pays, ils nous confient à quelqu’un d’autre."

S’il affirme que "c’est difficile de voyager tout seul", les anicroches ne cessent pas une fois à destination. Amir dit s’être fait voler sac et documents administratifs par un soi-disant compatriote à peine arrivé à Briançon (Hautes-Alpes), où il ne reste pas. Pris en charge une première fois par l’Aide sociale à l’enfance du Vaucluse, mais "dépourvu de tout document administratif", il subit un examen osseux à la demande du parquet, ce afin de définir son âge.

La raison ? Si les mineurs isolés étrangers sont obligatoirement pris en charge par l’administration française, il n’en est pas de même - du tout - pour les migrants majeurs. Effectué à l’hôpital d’Avignon, le résultat de l’examen médical tombe : "L’âge osseux selon l’atlas de Greulich et Pyle est estimé aux alentours de 19 ans." Mauvaise nouvelle : Amir est déclaré majeur.

"C’est comme une prison, c’est très sale, je n’ai pas dormi. J’ai eu très peur"

Rappelons que l’utilisation de ces tests osseux pour définir l’âge des jeunes migrants reste très largement contestée. Le 26 février dernier, le défenseur des droits, Jacques Toubon, s’est dit "résolument opposé à l’utilisation de ces examens médicaux qui, tels qu’ils sont actuellement pratiqués, sont inadaptés, inefficaces et indignes".

Un avis que ne partage pas le préfet du Vaucluse qui édicte une Obligation de quitter le territoire français, valant à l’adolescent d’atterrir au centre de rétention administrative du Canet, à Marseille, pendant cinq jours à la fin du mois d’octobre 2015. "C’est comme une prison, c’est très sale, je n’ai pas dormi, affirme Amir. Il y a plein d’adultes qui crient, j’ai eu très peur." Heureusement pour l’adolescent, il parvient enfin à se faire faxer un acte de naissance depuis le Pakistan, lequel confirme qu’il est bien né en octobre 1998. À nouveau considéré mineur, il est libéré puis, avec le soutien de Maître Laurie Quinson, placé par le juge des enfants au mois de janvier dernier.

Depuis, tout va pour le mieux. Il a un donc un logement et a appris le français - "je parle six langues, affirme-t-il, pas peu fier. Trois de mon pays, l’ourdou, le pendjabi et le seraiki, ainsi que le grec et l’anglais". Cet hiver, il a fait un stage dans un restaurant aixois et son patron, satisfait de son travail, a promis de l’embaucher à sa majorité, dans quelques mois. Après des épreuves qui ne sont certainement pas de son âge, le calme, enfin. »

Voir en ligne : http://www.laprovence.com/article/s...