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Toufik Abdeli, une retraite au service des jeunes migrants

Publié le 14-09-2016

Source : La Croix

Auteur : Lauriane Clément

«  Il fait partie de ces militants totalement dévoués à leur cause, incontournables dans le secteur associatif. À 74 ans, Toufik Abdeli se bat avec l’association Adjie pour scolariser les mineurs isolés étrangers.

À Paris, quand il s’agit de scolarisation des mineurs isolés étrangers, Toufik Abdeli, 74 ans, n’est jamais bien loin. À la permanence de l’association Adjie où il reçoit les migrants, cinq matinées par semaine. Dans les couloirs du rectorat ou des établissements scolaires, les après-midi, pour accompagner ses protégés. Ou encore à la mairie du 12e arrondissement, où il intervient en tant que « parrain républicain » de quatre jeunes.

Toujours un sourire aux lèvres, le Franco-Algérien aux cheveux blancs présente un optimisme sans faille, malgré les situations douloureuses qu’il rencontre quotidiennement. Depuis 2013, le retraité dépense son énergie à l’accueil des nouveaux arrivants. Sa mission est large : il donne des conseils pour manger, dormir, se soigner. Mais surtout, il parvient, la plupart du temps, à scolariser les migrants dans les classes d’accueil (UPE2A) mises en place par l’éducation nationale.

Une seconde vie, loin de son ancien métier

« Au départ, l’Adjie ne s’occupait que du côté juridique. J’ai eu l’idée de monter une section éducation, car c’est le meilleur moyen pour intégrer ces petits et leur donner une chance d’obtenir leurs papiers », explique-t-il. L’enjeu est de taille. Ces trois dernières années, Toufik est parvenu à envoyer 650 enfants migrants à l’école, puis à assurer le suivi de leurs études. Malgré certaines difficultés. « Il faut se battre en permanence pour prouver qu’ils sont bien mineurs, afin qu’ils soient pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance et scolarisés », déplore-t-il.

C’est pour lui une seconde vie, loin de son ancien métier d’entrepreneur de travaux publics en Algérie. Là-bas, il vivait « dans l’opulence », entre sa villa de 500 m², son entreprise florissante, et sa maison de vacances au bord de la mer. Un quotidien doré, qui l’a coupé des réalités, reconnaît-il aujourd’hui. « J’avais une vie de riche, mais pas de citoyen. Je travaillais sans arrêt, je ne faisais pas attention aux autres. C’est peut-être en partie pour cela que je redouble d’efforts aujourd’hui. Pour me faire pardonner », confie-t-il.

« Quand on revient d’aussi loin, on se met à penser différemment »

En 2001, il découvre qu’il est atteint d’un cancer. Il se fait hospitaliser en France, d’où sa femme est originaire et où étudient ses quatre enfants. « C’est en passant mes journées à l’hôpital que j’ai commencé à voir les sans-abri dormir dans les couloirs, glisse-t-il. Cela a été un déclic. Quand on revient d’aussi loin, on se met à penser différemment, on se bonifie. »

Une fois soigné, Toufik s’essaie un temps à la politique. Puis il découvre un autre monde grâce à une militante, qui l’entraîne dans une association d’aide aux sans-papiers dans le 12e arrondissement de Paris. Il rejoint ensuite l’Adjie et sa dizaine de bénévoles. « Mon seul but est de ne pas les laisser dans la rue. Tout simplement. On ne peut pas refuser de tendre la main à quelqu’un qui frappe à la porte et qui n’a rien. »

Le Franco-Algérien cherche aussi à donner à ces jeunes la même chance que lui-même a connue, lorsqu’il est venu étudier en France dans les années 1970. « C’était magnifique, le pays connaissait le plein-emploi et tout le monde était bienvenu », se remémore-t-il.

« Une course contre la montre pour eux »

Aujourd’hui, il le reconnaît, sa vie est épuisante. Alors qu’il ne devrait faire que deux permanences par semaine, il ouvre chaque jour les portes de l’association. « Il y a trop de travail avec tous ces jeunes qui arrivent. J’ai l’impression de vivre une course contre la montre pour eux. Mais je ne peux pas les laisser tomber. »

S’il vit à présent dans un petit appartement parisien, et non plus sa belle maison algérienne, il se sent plus heureux, plus dynamique. Comme une nouvelle jeunesse. « Heureusement que j’ai connu cette deuxième vie, sinon je serais passé à côté de tout. J’apprends à connaître des gens, je suis plus à l’écoute et moins nerveux. Ma femme n’en revient pas de me voir ainsi ! », blague-t-il.

Et, quand il manque d’énergie, il repense à tous ces cas qu’il a vus passer : « Les jeunes reviennent me voir pour me dire qu’ils ont réussi leur CAP ou leur bac. Comment, en voyant autant de bonheur, pourrais-je arrêter ? », s’enthousiasme-t-il, un éclat de fierté dans le regard.

(1) Accompagnement et défense des jeunes isolés étrangers, 49 ter, avenue de Flandre, 75019 Paris. »

Voir en ligne : http://www.la-croix.com/France/Immi...