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Démantèlement de la "jungle" : le sort confus des mineurs isolés de Calais

Publié le 18-10-2016

Source : www.france24.com

Auteur  : Charlotte Boitiaux

« Près de 1 300 enfants et adolescents isolés peuplent le bidonville de Calais. Depuis plusieurs semaines, les associations s’inquiètent du sort de ces mineurs, livrés à eux-mêmes, à l’heure d’une accélération du démantèlement de la "jungle".

Ils sont près de 1 300 à courir entre les allées insalubres du bidonville de Calais. Des mineurs étrangers, proches de la majorité pour la plupart, et qui n’ont qu’un rêve : rejoindre l’Angleterre. Depuis longtemps, les associations d’aide aux migrants – qui tentent inlassablement de les recenser dans l’immense dédale de tentes – alertent les autorités sur la situation précaire de ces adolescents, soudanais, afghans et érythréens pour la plupart. Mais aujourd’hui, elles s’affolent. À l’approche du démantèlement complet de la jungle calaisienne, que vont-ils devenir ?

Certains devraient prochainement pouvoir réaliser leur rêve. Un premier groupe de 14 enfants est arrivé lundi 17 octobre en Grande-Bretagne. Une dizaine d’autres doivent être accueillis la semaine prochaine. Un transfert possible en vertu des accords d’Amiens, signés en mars 2016, des deux côtés de la Manche. Depuis cette date, l’Angleterre s’est officiellement engagée à accueillir des mineurs isolés ayant de la famille Outre-Manche. "Dernièrement, cinq mineurs syriens et un mineur afghan ont été transférés vers le Royaume-Uni […] Dès mardi [18 octobre], une dizaine d’autres [suivront]", a déclaré une porte-parole de la préfecture du Pas-de-Calais à l’AFP.

En tout, donc, une petite trentaine de mineurs traverseront la Manche ce mois-ci. Trop peu, estiment les associations. Selon la préfecture du Pas-de-Calais, seuls 97 mineurs sont passés côté britannique depuis mars 2016. Or 500 mineurs à Calais revendiquent actuellement un lien de parenté en Angleterre, a précisé France Terre d’Asile, une association d’aide aux migrants. Pour les ONG, le Royaume-Uni doit faire un effort supplémentaire. Mais le fera-t-il ? "Il n’y a pas d’accord massif ni d’engagement chiffré", a confessé la préfecture du Pas-de-Calais. Les autorités britanniques n’ont pas dit non plus combien d’enfants elles accepteraient sur leur territoire.

Vérifier les liens de parenté, "un travail long et complexe"

Malgré les négociations d’Amiens sur le regroupement familial, Londres traîne des pieds. C’est du moins ce que sous-entend le ministre de l’Intérieur français, Bernard Cazeneuve, qui a appelé son voisin européen à tenir ses promesses. "Je demande solennellement à la Grande-Bretagne d’assumer son devoir moral", a-t-il déclaré la semaine dernière sur RTL. Il faut dire que la quasi-totalité des mineurs vivant aujourd’hui à Calais veulent quitter la France. Sur les 1 300 jeunes de la jungle, 95 % ont exprimé le souhait de passer outre-Manche, qu’ils aient une famille ou pas là-bas, précise France Terre d’Asile, jointe par France 24.

Un chiffre qui laisse sceptique François Guennoc, responsable de l’Auberge des migrants, une association présente à Calais depuis des années. "C’est un pourcentage à prendre avec des pincettes. Le sondage de France Terre d’Asile a été réalisé sur un mode déclaratif, sans vérifications. Avec l’annonce du démantèlement, de nombreux jeunes adultes ont pu être tentés de mentir... ", explique-t-il à France 24.

Alors que le temps presse, François Guennoc craint surtout la lenteur des processus de vérification. "Pour prétendre au regroupement familial, il faut examiner les liens de parenté. Souvent, on demande un numéro de téléphone aux mineurs, on appelle leurs parents, leurs oncles, leurs tantes en Angleterre. Certains déclarent être de la famille alors que ce sont des passeurs et qu’ils attendent un remboursement de dette. C’est donc un travail long et complexe. Or tout le plan de démantèlement a été fait dans la précipitation", déplore-t-il.

Côté britannique, on promet pourtant un traitement administratif rapide. Pour aider les Français, une équipe des services de l’immigration britannique a été envoyée à Calais. "Il ne faut pas forcément des documents. Si on peut établir la filiation, si les récits correspondent entre le mineur et sa famille, le processus peut aller très vite", détaille une source anglaise à l’AFP.

"Le flou le plus complet"

Et qu’adviendra-t-il de ceux recalés par les autorités britanniques ? Ils pourront rester en France, explique France Terre d’Asile. Mais rien n’est moins simple. Les mineurs isolés ne peuvent pas se rendre, comme les adultes, dans les Centres d’accueil et d’orientation (CAO) répartis sur l’ensemble du territoire français pour accueillir les 7 000 migrants de Calais. Ils ne peuvent pas non plus aller en centre de rétention administrative car cela nécessiterait l’intervention d’un juge pour enfant. Ils relèvent de la protection de l’enfance, qui, pour compliquer un peu plus la situation, est une compétence départementale.

Leur relocalisation est donc un véritable casse-tête. "Il faudrait que les départements se montrent solidaires pour les accueillir", reconnaît France Terre d’Asile. Ce qui n’est pas encore le cas, selon l’association. Dans le Pas-de-Calais, deux structures d’accueil pour mineurs étrangers existent déjà : la Maison du jeune réfugié à Saint-Omer, et l’autre à Arras, d’environ 35 places pérennes, mais elles sont déjà saturées, ajoute France Terre d’asile. Une troisième Maison doit ouvrir avant la fin de l’année à Liévin, mais là encore d’une capacité de 30 places.

"C’est le flou le plus complet", admet de son côté François Guennoc. "Je ne sais pas ce qui est prévu pour les enfants non éligibles au passage vers l’Angleterre. On parle de CAO spécialisés, mais je n’en sais pas plus, regrette-t-il. Les autorités auraient dû faire ce travail [de recensement et de relocalisation des mineurs] depuis des mois." Malgré sa colère, le responsable de l’Auberge des migrants veut être optimiste : "Je pense que si l’on prend le temps d’expliquer à tous ces jeunes désorientés quelles sont les démarches pour rester en France, beaucoup pourraient changer d’avis et rejoindre les structures adaptées. L’Angleterre n’est pas l’unique solution." »

Voir en ligne : http://www.france24.com/fr/20161017...