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Jungle de Calais : une évacuation à haut risque

Publié le 22-10-2016

Source : www.humanite.fr

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«  Le ministère de l’Intérieur a annoncé vendredi le démantèlement de la "jungle" de Calais où vivent depuis 18 mois des milliers de réfugiés à partir de lundi matin. Les associations ne cachent pas leurs inquiétudes surtout pour les mineurs isolés dont le sort restent incertain.

La préfète du Pas-de-Calais, Fabienne Buccio, "a pris vendredi un arrêté d’expulsion" de tous les occupants du camp de la Lande (nom officiel de la "Jungle"), donnant "72 heures" aux "occupants sans droit ni titre" du camp pour "quitter" les lieux. Seule exception, les "mineurs étrangers isolés" qui seront "pris en charge" temporairement au centre Jules Ferry et au Centre d’accueil provisoire (CAP), deux structures en dur. L’arrêté a commencé à être affiché vendredi vers 18 heures, en plusieurs langues (il en existe au moins 9), en plusieurs points de la "Jungle", a constaté l’AFP. 6 400 migrants selon les autorités, 8 143 selon les associations s’entassent sur ce site d’une dizaine d’hectares. Parmi eux figurent 1 291 mineurs isolés et environ 300 individus en famille. La grande majorité sont toutefois des hommes seuls et majeurs. A partir de lundi, tous se verront proposer une offre de mise à l’abri "en fonction de leur profil" (familles, hommes seuls, mineurs et personnes vulnérables). Après une répartition dans un grand hangar organisé "comme une gare routière", les volontaires, qui pourront choisir entre deux régions, seront conduits, en bus, vers des Centres d’accueil et d’orientation (CAO). Quelque 7 500 places ont été mises à disposition dans environ 450 CAO à travers le pays. Les mineurs isolés resteront, eux, dans un centre situé juste à côté du campement, en attendant que leur procédure aboutisse, que ce soit au Royaume-Uni ou en France. Soixante bus sont prévus lundi, 45 mardi et 40 mercredi.

Vives réserves des associations

Si les ministres de l’Intérieur et du Logement, Bernard Cazeneuve et Emmanuelle Cosse, ont assuré jeudi qu’ils réussiraient "ce défi humanitaire", les associations craignent des violences consécutives à l’évacuation du camp. Christian Salomé, président de l’association l’Auberge des migrants, une des plus importantes associations qui distribue quelques 5 000 repas par jour, s’il se dit au micro d’Europe 1"satisfait que ce bidonville soit détruit" et espère convaincre 5 000 réfugiés ("97% d’entre eux viennent de pays en guerre") de rester sur le territoire français, il craint une véritable chasse à l’homme pour ceux qui n’attendent qu’une chose, traverser la Manche pour rejoindre l’Angleterre. "Ceux-là ont le choix : soit vous allez en centre de rétention, soit vous allez vous cacher dans Calais", affirme Christain Salomé.

Le président de la fondation Emmaüs, Thierry Kuhn se dit opposé à ce démantèlement rapide, ""on n’a pas été écouté (...) Il faut trouver une solution, on ne peut pas accepter en 2016, alors que nous sommes la 5e puissance au monde, que 10 000 personnes vivent dans des conditions aussi indignes dans la Jungle de Calais. La solution ne peut en aucun cas être dans un démantèlement rapide et brutal."", explique-t-il sur le plateau de LCI. Thierry Kuhn se dit favorable un accompagnement individuel. "C’est l’exigence de la loi et de la circulaire de 2012 qui dit qu’en cas de démantèlement, on prenne en compte la situation de chaque personne", avance-t-il.

Le sort incertain des mineurs isolés

Sujet extrêmement sensible, les mineurs vivant dans la "Jungle" (1 291 se sont déclarés comme tels) ne quitteront pas Calais : ils seront hébergés provisoirement - pendant une ou deux semaines, en attendant que leur dossier soit instruit - dans deux structures en dur, le Centre d’accueil provisoire (CAP) et le Centre Jules Ferry selon les organisateurs du démantèlement du camp. Selon l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), les mineurs "relèvent du droit à la protection à l’enfance" et ne sont pas éligibles au dispositif des centres d’accueil et d’orientation (CAO), disséminés aux quatre coins de France et qui n’hébergent que des adultes. Le conseil de l’Europe avait déjà pointé "la précipitation" et le manque de "plan précis" proposé par le gouvernement français pour la prise en charge des réfugiés notamment les mineurs. Le défenseur des droits, Jacques Toubon avait exprimé début octobre ses « inquiétudes les plus vives » sur les conditions du démantèlement de la « jungle » de Calais. Soulignant notamment que « le dispositif d’accueil et de mise à l’abri sur place des mineurs non accompagnés n’est toujours pas opérationnel ».

Après le premier démantèlement, en février dernier, près de 100 enfants avaient ainsi été "perdus", confiat François Guennoc, l’un des responsables de l’Auberge des migrants au micro d’Europe 1. "Certains ont profité pour passer la Manche", ajoutait-il. Dans un communiqué, l’Unicef exige que "ce démantèlement ne doit pas avoir lieu sans que des mesures indispensables soient prises, afin de protéger ces mineurs déjà en danger" et "recommande la nomination d’une personnalité qualifiée et indépendante, qui garantisse la mise en œuvre effective des mesures d’accompagnement pour les mineurs non accompagnés et en suive les difficultés éventuelles dans la durée." En juin 2016, dans un rapport l’Unicef faisait déjà état de traite des enfants, de leur soumission aux passeurs, mais aussi de viols et de prostitution dans sept bidonvilles sur trois départements du littoral de la Manche (Calais, Grande-Synthe, Angres, Norrent Fontes, Steenvoorde, Tatinghem, Cherbourg). »

Voir en ligne : http://www.humanite.fr/jungle-de-ca...