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Calais : après la "jungle", cabanes fumantes et patrouilles de police

Publié le 27-10-2016

Source : http://tempsreel.nouvelobs.com/

Auteur  : Louis Morice

« Officiellement, le démantèlement et l’évacuation de la "jungle" sont terminés. Mais dans les faits, des mineurs isolés sont toujours présents aux abords du camp et n’entrent pas dans les dispositifs prévus par l’Etat.

Le soleil réveille les gamins qui ont passé la nuit de mercredi à jeudi dehors, dans ce qu’il reste du bidonville de Calais, au milieu des cabanes encore fumantes incendiées quelques heures plus tôt. Ils ont dormi devant le CAP, le Centre d’accueil provisoire situé dans un container planté au cœur de la "jungle". Ce centre doit maintenant héberger les mineurs isolés. Mais avec ses 1.500 places, il affiche complet.

Tout engourdis, les derniers dormeurs s’extraient des couvertures fournies par les bénévoles. Puis se dirigent vers la camionnette d’une association qui distribue des repas. Combien sont-ils ? Au moins une cinquantaine. Pour le moment, ces grands ados n’entrent dans aucun des dispositifs mis en place par les autorités pour l’évacuation de ce qui, il y a trois jours encore, était le plus grand bidonville de France. La veille, ils ont passé des heures à attendre avant de découvrir que pour eux, rien n’était prévu.

Les premiers couacs

"C’est vraiment aujourd’hui la fin de la ’jungle’", a déclaré mercredi Fabienne Buccio, préfète du Pas-de-Calais. Mais ce jeudi matin, force est de constater que tout n’est pas fini. L’important dispositif policier qui reste déployé autour du camp le confirme.

Sylvie, bénévole de longue date, ne décolère pas. Hier soir, elle a tenté de trouver une place pour la nuit à trois ados. Lorsqu’elle a enfin rencontré un représentant de la préfecture, ce dernier lui a demandé leur âge... Et patatras.

- "Ils ont 16 ans.
- Ah mais madame, ce sont des hommes !"

Jeudi, l’empressement à vider la "jungle" a généré ses premiers couacs. Solène, bénévole à la Cabane juridique, vient d’apprendre que dans le groupe de mineurs qui devaient être transférés en Angleterre dans le cadre de la réunification familiale, deux manquaient à l’appel. Elle a fini par découvrir qu’ils avaient été dirigés avec des adultes vers des CAO, ces centres d’accueil et d’orientation répartis sur le territoire français.

Par ailleurs, l’annonce de l’accord passé avec le Royaume-Uni pour les mineurs a provoqué un afflux de très jeunes migrants à Calais et la préfecture refuse de s’engager dans ce qui pourrait être considéré comme un "appel d’air". Depuis le début de l’opération, les associations dénoncent des "contrôles au faciès" pour déterminer l’âge des jeunes réfugiés, même pour ceux qui disposent de documents. Solène dénonce :

"Plusieurs dizaines se sont ainsi vus refusés, sans possibilité de contestation ni de mise à l’abri."

La grogne des associations a aussi gagné Médecins du Monde qui n’a plus aucune nouvelle de personnes suivies alors qu’elles se trouvaient en situation de santé précaire. "C’est devenu impossible de les suivre. Nous n’avons même pas obtenu toutes les accréditations nécessaires pour intervenir ces derniers jours", tempête Amin Trouvé Baghdouche, le coordinateur général de Médecins du Monde :

"On voulait une évacuation humanitaire, on a eu un démantèlement électoraliste."

Les échos positifs des CAO

Sylvie s’apaise en pensant à ceux de ses protégés qui ont accepté d’embarquer dans un car pour l’un des CAO ouverts par le gouvernement. "La ’jungle’, c’est vrai qu’il ne fallait pas que ça perdure. Et, contrairement à l’évacuation de la zone, l’opération s’est déroulée sans violence. Cela dit, c’est surtout grâce aux associations qui ont permis de bien canaliser tout ça. J’ai vu des réfugiés qui étaient vraiment contents de partir et, depuis qu’ils sont arrivés, ça a l’air d’aller."

François Guennoc, l’un des responsables de l’association L’Auberge des migrants, confirme : "Le dispositif du gouvernement fonctionne pour ceux qui ont accepté de partir en CAO." Mais il s’inquiète :

"Que va-t-il se passer pour les autres, les mineurs, ceux qui ont fui le camp parce qu’ils veulent aller en Angleterre, ceux qui s’accrochent ici et ceux qui vont encore arriver ?"

Les derniers migrants du bidonville ont reçu l’ordre de quitter les lieux. Ceux qui s’accrochent ont droit à une menace : celle d’une arrestation pour être conduits dans un centre de rétention, avant expulsion. Ça fonctionne. Jeudi, entre 200 et 300 se portaient encore volontaires pour partir en CAO. Une centaine ont pu prendre des bus.

Accueil ou reconduite : ce qui attend les migrants après Calais

Il faut dire que les échos en provenance des CAO sont majoritairement positifs, même si quelques exceptions incitent déjà les associations à la vigilance. Coordinateur du réseau d’informations mis en place par Utopia 56 et L’Auberge des migrants, Loan a été prévenu que dans l’Eure, un centre n’est en fait qu’un hangar rempli de lits de camp :

"C’est toujours mieux qu’un bidonville mais ce n’est pas ce qu’on leur avait promis pour les inciter à partir."

Sur la zone sud de la "jungle" déjà évacuée il y a quelques mois, il ne reste plus que l’Ecole laïque du chemin des dunes et l’église, derniers vestiges de cette ville dans la ville où ont vécu jusqu’à 10.000 personnes. La végétation a repris ses droits. Au nord, en milieu de journée, on distinguait encore quelques fumées de cabanes incendiées. Ça et là, de petits groupes errent encore, minuscules silhouettes perdues dans les hautes herbes. Eux aussi vont finir par partir.

"United Kingdom"

Les forces de l’ordre vont rester sur place afin de s’assurer qu’il n’y aura pas de réinstallation "sauvage" alors qu’à Calais, beaucoup s’attendent à un retour des migrants qui veulent à tout prix rejoindre l’Angleterre. Avant l’évacuation, plus de 3.000 étaient partis, vers Paris, vers la Belgique. Les Calaisiens pensent qu’ils reviendront tenter leur chance.

Pour le moment, les policiers quadrillent les abords de la ville. Les migrants qui arrivent à la gare sont refoulés. "Ils font des contrôles au faciès pour qu’ils ne viennent pas à Calais. Ils patrouillent aussi pour éviter les camps sauvages. Pour le moment, la police a les effectifs pour ça mais combien de temps ça va pouvoir durer ?", s’interroge François Guennoc qui se montre inquiet pour les mois à venir :

"Les personnes qui vont arriver n’auront rien, pas d’hébergement d’urgence car il n’y a plus de dispositif ici. Calais entre dans une logique de non-accueil des réfugiés."

Pour l’heure, dans le camp, des ados qui crient "UK" lorsqu’on leur demande ce qu’ils attendent, vont sans doute encore passer la nuit dehors. »

Voir en ligne : http://tempsreel.nouvelobs.com/mond...