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Pour les enfants migrants, le rêve d’Angleterre s’éloigne

Publié le 23-12-2016

Source : www.la-croix.com

Auteur : Nathalie Birchem

« Un mois et demi après le démantèlement de Calais, les dossiers des mineurs isolés ont été examinés par le gouvernement britannique.

Pour l’instant, seuls 789 de ces 1941 mineurs ont été acceptés en Angleterre.

À Ameugny, le rêve d’Angleterre vient de voler en éclats. Dans ce petit village de Saône-et-Loire, la communauté œcuménique de Taizé a accueilli seize puis dix-huit adolescents de 14 à 18 ans venus du Soudan, d’Érythrée ou de Syrie.

Début novembre, tous avaient accepté de quitter la jungle de Calais dans l’espoir de pouvoir instruire au calme, dans ce centre d’accueil et d’orientation pour mineurs (Caomi), un dossier pour l’Angleterre, où ils ont de la famille.

Mais les nouvelles de Londres sont tombées le lundi 5 décembre. Sur les 18 jeunes, seuls trois Soudanais et un Syrien ont pu prendre, dès le lendemain, l’avion pour Angleterre.

Révolte et grève de la faim

Pour les autres, le verdict a été annoncée par la préfecture le 16 septembre : la décision de Londres est négative. « Ça a été l’abattement, raconte frère David, l’un des coordinateurs de l’accueil. Certains sont aujourd’hui très, très révoltés, ils ne comprennent pas du tout sur quels critères la décision s’est faite ».

Parmi les recalés, un Érythréen de tout juste 14 ans, un Soudanais qui affirme qu’il a l’âge requis, et un autre qui désespère qu’on ne lui reconnaisse pas de parents en Angleterre alors que son frère l’appelle tous les jours…

À Realville, dans le Tarn-et-Garonne, 19 des 29 mineurs accueillis se sont mis en grève de la faim durant quatre jours quand ils ont su que seuls dix partiraient vers l’Angleterre. Dans le Loiret, où 95 mineurs sont accueillis à Pierreffitte-les-Bois et Cerdon, seuls 19 ont été retenus.

« On vit des heures très difficiles car ce sont des jeunes qui ont vécu des choses très douloureuses dans leur exil et là, ça se rajoute et on les sent complètement perdus », se désole Marie-Madeleine Flin, responsable administrative et financière du centre.

« Ce n’est pas possible de s’en tenir là »

Sur les 1941 mineurs déclarés au moment du démantèlement de Calais, 789 auraient été transférés vers l’Angleterre, dont un peu plus de 300 durant le démantèlement et 468 depuis, selon des informations diffusées aux associations à la mi-décembre. « C’est-à-dire qu’il reste aujourd’hui [près de] 1 200 mineurs dans les Centres d’accueil et d’orientation mineurs », a précisé le ministre de l’intérieur Bruno Le Roux mardi à l’Assemblée nationale.

« Nous considérons que la part qui revient aux Britanniques n’est pas terminée, ce n’est pas possible de s’en tenir là », réagit Pierre Henry, directeur général de l’association France terre d’asile.

Pour l’instant, l’avenir de ces déboutés est extrêmement flou. Première solution : contester la décision britannique, via les préfectures et l’État qui défendra ensuite les dossiers. Mais beaucoup d’associations s’interrogent : sur quelles bases juridiques ?

« Il y a des décisions qui doivent être prises à nouveau. Le dialogue avec le Royaume-Uni doit être renforcé », a simplement indiqué Bruno Le Roux. Mais la pression politique de Paris sur Londres sera-t-elle réelle ? Suffisante ?

Le risque : que beaucoup s’enfuient

Sauf surprise, « ça ne changera les choses qu’à la marge, estime Guillaume Lardanchet, directeur de l’association Hors la rue. Pour tous les autres mineurs, la priorité sera de les prendre en charge dans le droit commun de l’aide sociale à l’enfance. » Car la deuxième solution possible pour les mineurs déboutés est bien de s’installer sur le territoire français, où ils pourront demander l’asile.

Dans l’immédiat, il revient aux départements de les prendre en charge dans les foyers de l’aide sociale à l’enfance, du moins s’ils arrivent à prouver leur minorité. Il leur faudra ensuite rejoindre un foyer, parfois loin, car une clé de répartition des mineurs migrants est déjà prévue pour les disperser sur tout le territoire. Mais alors que nombre de ces centres sont saturés, et en pleine campagne présidentielle, les départements joueront-ils le jeu ?

Dans ce contexte, reste une troisième voie, malheureusement probable : « Ce qu’on craint depuis le début, s’inquiète Renaud Mandel, président de l’Association pour la défense des mineurs isolés étrangers (Admie), c’est que beaucoup de mineurs s’enfuient et reprennent les routes de l’errance. »

Deux voies d’accès légales

L’amendement Dubs est un amendement britannique adopté, en mai 2016, pour permettre l’accueil par le Royaume-Uni de mineurs isolés particulièrement vulnérables. En novembre, Londres a durci le ton en définissant 4 critères : avoir 12 ans ou moins ; être orienté en raison d’un risque d’exploitation sexuelle ; avoir 15 ans ou moins et être de nationalité syrienne ou soudanaise ; avoir 18 ans ou moins et accompagner une sœur ou un frère qui répond à l’un des critères ci-dessus.

Ces critères s’ajoutent à 3 conditions : le transfert en Grande-Bretagne doit être décidé en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant ; l’enfant devait avoir été présent à Calais le 24 octobre 2016 au plus tard ; l’enfant doit être entré en Europe avant le 20 mars 2016. C’est dans ce cadre que le Home office a examiné les dossiers dans les Caomi.

L’article 8 du règlement Dublin III de 2013 est une autre voie légale d’accès au Royaume-Uni. Il permet théoriquement aux mineurs ayant de la famille en situation régulière dans un pays européen d’y demander l’asile.

(Source : Gisti) »

Voir en ligne : http://www.la-croix.com/France/Immi...