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Mouloud Achour parle des migrants pas de chiffres mais des gens et de leur histoire.

Publié le 18-01-2017

Source : https://blogs.mediapart.fr

Auteur  : Eugenio Populin

« Mamadou Bobo,

"MIJEUR".

Mamadou Bobo est un jeune absolument charmant, un peu timide, d’une douceur rare, avec une intelligence très vive. Il avait montré une énorme envie d’apprendre, toujours présent et attentif lors des leçons de français que je donnais chaque soir dans le hall de l’hôtel aux jeunes qui le souhaitaient.

Je ne l’ai hélas croisé que les quelques jours durant lesquels il a séjourné dans cet hôtel de ma ville, sous la responsabilité du Conseil Général de l’Aisne. Au vue des résultats de son "évaluation" dans la structure du département chargée de ce travail les services de l’Aide Sociale à l’Enfance ont refusé de le prendre en charge car il n’avait pas été considéré comme mineur isolé.

Dans ce cas de figure la personne "évaluée" est remise tout simplement à la rue et nous n’avons plus eu de nouvelles de lui avant qu’on ne retrouve sa trace plusieurs semaines plus tard en région Parisienne.

Il nous a alors informé qu’après avoir vécus les camps et déménagements forcés dans Paris, il avait trouvé appui auprès d’une association locale qui lui avait conseillé de faire une demande d’asile auprès du service compétent.... à l’issue de laquelle le service chargé de "l’évaluation" de sa situation l’a considéré comme ... mineur.

Un MIJEUR

est donc un jeune étranger séjournant en France, qui est parfois considéré comme majeur après évaluation par les institutions et organismes français chargés de l’accueil et de la protection des mineurs, cette même personne étant ensuite considérée comme mineur par les institutions et organismes français chargés d’étudier la situation des personnes majeures.

Toute "évaluation" de sa situation aboutit donc à un refus de prise en charge qui peut perdurer un certain temps, le temps généralement qu’il devienne effectivement majeur s’il est encore dans le pays sachant que d’autres institutions et organismes s’appliquent à tout mettre en œuvre pour rendre la vie impossible en France aux personnes qui n’ont pas de statut.

Autre exemple, Mamadou Bobo s’est présenté en fin d’année dernière aux urgences d’un hôpital car il souffrait terriblement des dents. L’accès aux soins lui a été refusé car il a été .... considéré comme mineur et dans ce cas de figure les services médicaux hospitaliers ne mettent en oeuvre des soins qu’avec l’accord explicite du responsable légal, qui ne pouvait être donné puisqu’il n’avait pas de responsable légal.

Il faut que je vous précise ici que le gérant de l’hôtel - vous aurez compris qu’il n’y a aucun suivi éducatif effectif pour les jeunes en hôtel, juste un suivi administratif et social à distance - nous avait informé, nous étions donc fin août ou début septembre qu’il avait souffert la nuit précédente d’énorme rage de dents. En accord avec le service enfance nous avons pu lui trouver une consultation chez un dentiste dans les jours qui suivaient mais il ne s’y est jamais rendu, car c’était le jour où on est venu le chercher à l’hôtel pour l’emmener dans la structure chargée de son "évaluation". On nous avait assuré que ce problème de santé serait pris en charge durant les quelques jours que durerait son évaluation, nous avons appris par la suite que cela n’a pas été le cas.

Il a enfin pu, il y a peu, se faire soigner, mais il est donc resté plus de quatre mois sans pouvoir accéder aux soins que nécessitait son état.

J’ajouterais enfin qu’il ne savait pas qu’il pouvait contester devant la justice la décision de refus de prise en charge comme mineur isolé car personne ne le lui avait expliqué. Il a finalement tenté de contester cette décision auprès du tribunal pour enfant compétent, mais n’a jamais eu de réponse. Nous avons appris que le parquet n’avait pas transmis au juge des enfants mais classé sans suite le recours après avoir demandé l’avis du service concerné au Conseil Général. Ce qui est probablement, mais un lecteur de ce billet par ailleurs juriste compétent pourra peut-être nous éclairer, ni plus ni moins un déni de droit puisque pour qu’un tel recours puisse être étudié juridiquement, cela suppose pour le moins que le juge du siège en ait connaissance. En la matière le parquet semble n’avoir fait que vérifier la position du service enfance sans que le droit puisse être dit par qui de droit ni même prendre connaissance des arguments du jeune.

Si sa demande avait été réellement étudiée peut-être aurait-elle abouti favorablement comme cela a été le cas à plusieurs reprises pour d’autres jeunes ayant vécu des situations similaires, comme ceux qui sont évoqués dans cet article de france3-rhone-alpes :

5 mineurs isolés étrangers, "réhabilités" par la cour d’appel de Lyon

Voilà concrètement un exemple de ce que vivent ces jeunes gens dans notre pays.

À Denko SISSOKO »

Voir en ligne : https://blogs.mediapart.fr/eugenio-...