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Des poux, le froid : à Belgrade, l’hiver infernal des migrants

Publié le 21-01-2017

Source : www.lexpress.fr

« Belgrade - Ils toussent, souffrent d’engelure, de la gale, sont infestés de poux de corps : des centaines de jeunes migrants continuent d’affronter dehors, dans des conditions épouvantables, l’hiver polaire de Belgrade.

Depuis la fermeture des frontières de l’Union européenne en mars 2016, la Serbie, devenue cul-de-sac, est sous pression.

Mais malgré la présence de centaines de jeunes migrants dans des entrepôts insalubres d’où l’on entend les annonces aux voyageurs, "nous ne pensons pas qu’un nouveau Calais puisse naître près de la gare à Belgrade", assure Ivan Miskovic, du commissariat serbe aux réfugiés. Qui prévient : "Nous ne permettrions rien de semblable."

Cette semaine, pour la première fois dans la capitale, Médecins Sans frontières (MSF) a toutefois planté cinq tentes sur un terrain vague contigu à la gare, près des bâtiments dénués d’eau courante et d’électricité.

Le but est de protéger les plus fragiles, explique Stéphane Moissaing, représentant en Serbie de l’ONG. Notamment les enfants, comme le petit afghan Aziz Rahman, 8 ans, qui attend, raconte son oncle de 17 ans, que son père purge les dix jours de détention infligés pour avoir passé illégalement la frontière.

L’initiative de MSF "ne nous aide pas à convaincre ces gens à intégrer les centres d’accueil", déplore Ivan Miskovic. En ouvrant de nouveaux centres, "le gouvernement serbe a montré qu’il prenait en compte l’urgence de l’hiver", dit Stéphane Moissaing, mais cela "ne suffit pas à absorber tout le monde".

La plupart des 7.300 voyageurs recensés en Serbie par l’Agence onusienne pour les réfugiés (UNHCR) dort dans une des 17 structures officielles. Mais ils sont toujours plus de 1.000 dehors, des hommes jeunes, souvent mineurs. Les températures descendent sous les -10 degrés la nuit.

- Visages vieillis -

Les cas d’engelure "ne peuvent que croître dans les prochains jours", met en garde Momcilo Djurdjevic de MSF qui énumère les problèmes sanitaires : poux de corps, affections respiratoires, gale. Dans le plus grand entrepôt, des toux s’échappent des formes blotties sous les couvertures grises.

Certains concèdent qu’ils refusent de rejoindre un camp officiel de peur d’être expulsés, de s’éloigner de la frontière de l’UE, de se couper des trafiquants qui les guettent autour de la gare, ou de se retrouver dans des camps fermés, comme celui de Presevo, où leur liberté de mouvement est limitée.

Mais désormais, beaucoup lâchent prise. Quand les autorités serbes ont ouvert cette semaine un nouveau camp dans une ancienne caserne à Obrenovac, à une trentaine de kilomètres de Belgrade, il a été immédiatement occupé par 225 hommes, pour moitié des mineurs.

Dans le plus grand des entrepôts de la gare, les paupières sont gonflées, les traits tirés. Il faut parfois scruter les visages rougis, marqués par la douleur, pour réaliser qu’il s’agit de ceux d’hommes jeunes.

Sur les murs, des slogans politiques ont été tagués, sans doute par des militants européens. D’autres portent la marque de l’épuisement des marcheurs : "Nous avons besoin de nourriture, d’eau, de médecins", "de chaussures".

- Produits toxiques -

Ici, tout "est un très gros problème", "dormir", "manger", "l’eau", "prendre une douche", énumère un adolescent qui dit s’appeler Liaqat Khan et venir de Bajaur dans les zones tribales pakistano-afghanes.

Il raconte avoir trouvé portes closes dans plusieurs centres, "complets". Il explique avoir tenté vingt fois de passer les frontières vers l’UE, affirme avoir été refoulé brutalement vers la Serbie par les polices hongroise et croate, assure que son portable lui a été arbitrairement confisqué. Ces récits de violences reviennent régulièrement et sont "indignes d’un Etat-membre de l’Union européenne", a condamné vendredi l’ONG Human Rights Watch.

Liaqat Khan est donc revenu dans l’entrepôt de Belgrade. "Tout le monde ici a des problèmes respiratoires", dit le jeune homme.

Le froid glacial, mais aussi la fumée âcre des feux allumés pour se chauffer que ne dissipent pas les quelques extracteurs installés par des ONG : les foyers sont entretenus avec des traverses de chemins de fer, enduites de produits toxiques. »

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