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De plus en plus de mineurs étrangers et isolés pris en charge en Eure-et-Loir : rencontre

Publié le 25-05-2017

Source : www.lechorepublicain.fr

Auteur : Sébastien Couratin

« Le nombre de mineurs étrangers et isolés pris en charge par le Département a doublé en deux ans, obligeant la collectivité à s’adapter. Rencontre avec Amine et Moussa, qui ont traversé la mer pour vivre en France.
Il a payé environ 200.000 dinars algériens (1.700 €), l’équivalent de cinq mois de salaire, pour vingt-six jours de traversée, dans la promiscuité d’une barque où sont entassés dix-neuf adultes ou adolescents du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, arrimés à l’espoir d’un avenir meilleur.

« Sauver ma vie »

Amine (*), 16 ans, a quitté son Algérie natale en octobre. Cuisinier dans le restaurant d’une ville portuaire, à 250 km des côtes sardes, il rêve de traverser la Méditerranée, « pour sauver ma vie. Il n’y a rien à faire là-bas ».

Dans ses représentations d’adolescent, la France est un eldorado que les passeurs ont, semble-t-il, su sublimer : « Je voyais ça comme un bon pays pour moi. Je le pense encore. » Bloqué en Italie, il arrive finalement en train à Paris. Pris en charge par France Terre d’asile, il est orienté vers le centre départemental de l’enfance, à Chartres.

Scolarisé, hébergé dans un foyer de jeunes travailleurs, Amine cherche une formation en plomberie. Il a entamé des démarches pour obtenir un titre de séjour, en attendant un jour une possible naturalisation.

Même s’il ne l’admet qu’à demi-mot, sa vision angélique de l’Europe s’est progressivement fendillée entre l’Italie et la France : « Quand tu n’as pas de papiers, tu essaies de taxer les gens parce que tu as vraiment besoin de quelque chose. C’est encore plus difficile quand on se fait rejeter. »

Moussa (*), 16 ans, vient d’encore plus loin : une ville industrielle du nord de la Côte d’Ivoire. Lui aussi a « donné des sous » pour rejoindre, d’abord la Libye, en voiture, puis la Sicile, en bateau, où il reste trois mois :

« La Libye, c’était difficile. » Il n’en dira pas plus sur une plaque tournante du flux migratoire vers l’Europe, où une forme d’esclavage moderne, bâtie sur la terreur et les châtiments corporels, sert de monnaie d’échange pour négocier son passage.

Parti en février 2016, Moussa arrive à Chartres en octobre. Il cherche une formation dans le secteur de la métallerie. Tout en espérant, comme ses compagnons d’exode, trouver sa place dans cet ailleurs moins providentiel que prévu, où il voudrait écrire son avenir.

(*) Les prénoms ont été modifiés.

90 migrants, déclarés mineurs étrangers et isolés, sont arrivés en Eure-et-Loir depuis le début de l’année. 31 ont été reconnus comme tels et pris en charge par le Département. En 2016, 172 évaluations ont eu lieu, pour 61 prises en charge.

16 ans de moyenne d’âge. Les trois quarts d’entre eux ont 16 ou 17 ans, les autres 13 à 15 ans.

2 filles sur 130 mineurs. Les adolescentes migrent moins que les garçons mais leur parcours est généralement plus difficile, souvent marqué par la prostitution contrainte.

8 travailleurs sociaux, cinq évaluateurs et trois éducateurs sont chargés de leur suivi en Eure-et-Loir.

10 à 15 nationalités différentes : Bangladais, Pakistanais, Maliens, Guinéens, Ivoiriens, Congolais, Soudanais, Birmans, Algériens, Marocains.

0,72 % d’entre eux orientés vers l’Eure-et-Loir. Les mineurs étrangers et isolés sont souvent mandatés par leur famille, qui paie le voyage, pour réussir et s’émanciper à l’étranger. Dans la majorité des cas, ils atteignent l’Europe grâce aux filières de passeurs. Certains arrivent directement en Eure-et-Loir, déposés par ces passeurs. Mais la plupart sont orientés vers le département via les associations chargées de les déployer sur le territoire national, selon une clef de répartition répondant à des critères démographiques. L’Eure-et-Loir, qui héberge 0,72 % de la population française de moins de 19 ans, est donc susceptible d’accueillir le même ratio de mineurs étrangers. La totalité de ces migrants est en réelle situation d’isolement et de détresse. Ceux qui ne sont ni mineur ni isolé sont redirigés vers le circuit de prise en charge de droit commun.

Un budget contenu de quatre millions d’euros malgré la hausse d’activité

« Ça va de plus en plus vite. Depuis six mois, le nombre d’arrivées de mineurs isolés dans le département a doublé. »
Gérard Sourisseau (DVD), président de la commission solidarités du Conseil départemental, constate un accroissement du nombre de mineurs étrangers isolés, pris en charge par la collectivité au titre de l’une de ses compétences, l’aide sociale à l’enfance : « En 2014-2015, nous prenions en charge une soixantaine de mineurs, nous en sommes aujourd’hui à 130. »

80 € le prix de journée

Cette montée en puissance des mouvements migratoires serait la conséquence, selon l’élu, du démantèlement de la jungle de Calais. Les migrants, dont la minorité et l’isolement ont été établis, sont répartis entre les différentes structures d’accueil du Département : maisons d’enfants à caractère social, hôtels sociaux, centre départemental de l’enfance, foyers de jeunes travailleurs.

La prise en charge de ces mineurs a représenté, en 2016, un coût d’un peu plus de quatre millions d’euros, soit 7,5 % de l’enveloppe dédiée à l’aide sociale à l’enfance et un peu moins de 1 % du budget global de la collectivité.

Malgré l’accroissement du nombre de mineurs pris en charge, l’enveloppe budgétaire a peu progressé : « Lorsqu’ils étaient moins nombreux, ils étaient tous hébergés dans des structures d’accueil à 160 € le prix de journée, et scolarisés dans des établissements traditionnels. Nous avons mis en place un nouveau dispositif d’hébergement, à 80 € le prix de journée, qui nous permet de contenir le coût de cette prise en charge. »

Ce nouveau lieu d’accueil, c’est le château des Vaux, à Saint-Maurice-Saint-Germain. Il héberge une quarantaine de mineurs, qui y suivent également leur scolarité.

L’autre source d’économie, explique l’élu, réside dans le profil de ces mineurs, « qui ne sont pas des délinquants. Ce sont des jeunes qui ont envie et qui sont plutôt faciles. Ils nécessitent une prise en charge éducative légère, qui repose surtout sur la scolarisation ».

Malgré ces marges d’économie, Gérard Sourisseau estime que la collectivité « atteint les limites de l’exercice ». Avec une capacité d’accueil actuelle limitée à 150 places pour ce public spécifique, le Département devra imaginer d’autres solutions si le nombre de mineurs isolés devait encore progresser : « On réfléchit. Il faudra peut-être mettre d’autres acteurs sociaux dans la boucle pour continuer d’assurer cette mission dans de bonnes conditions. »

Évaluation favorable dans un tiers des cas

L’équipe d’évaluation du service départemental d’aide sociale à l’enfance est chargée de vérifier deux facteurs, indispensables à la prise en charge des migrants : leur situation d’isolement et leur minorité. Christophe Faou et Chantal Demessence, évaluateurs, ont participé à des formations spécifiques pour s’adapter à ce nouveau public et comprendre son parcours migratoire : « On ne fonde pas notre jugement sur le physique du jeune mais sur les documents d’identité qu’il peut nous présenter. En fonction de ce qu’il nous dit, on recoupe les informations et on s’efforce de vérifier si cela correspond au système d’éducation, au fonctionnement et à l’histoire du pays dont il vient. » Parfois, certains évaluateurs se demandent si ce travail relève de leur compétence : « Car après tout, nous ne sommes pas des policiers. » L’arbitrage reste de toute façon difficile à rendre car le poids et les conséquences de la décision sont « très lourds à porter ». Un tiers des évaluations aboutissent à une reconnaissance d’isolement et de minorité, synonyme de prise en charge.

Encadré - Tests osseux.
Dans environ 5 % des cas, l’évaluation d’un mineur étranger ne permet pas d’établir son âge avec suffisamment de précision. Une analyse médicale, avec test osseux, diligentée par le procureur de la République, est alors effectuée afin d’évaluer l’âge de la personne. La plupart de ces tests révèlent qu’ils sont majeurs.
Jusqu’à 19 ans. L’accompagnement de ces mineurs excède souvent l’âge de la majorité : « On ne les relâche pas dans la nature à 18 ans. Dans la plupart des cas, on les accompagne sur une année supplémentaire, jusqu’à l’âge de 19 ans, pour sécuriser leur parcours.
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