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Afrique de l’Ouest - Migrants mineurs : qui sont-ils vraiment ?

Publié le 28-07-2017

Source : http://afrique.lepoint.fr

Auteur : Joséphine JOHNSON

« Une étude réalisée par le réseau Reach bat en brèche l’ensemble des idées reçues sur les parcours et motivations conduisant les mineurs africains à rejoindre l’Europe.

Contrairement aux réfugiés irakiens ou syriens qui fuient une guerre, il a toujours été affirmé par les experts que les jeunes migrants d’Afrique de l’Ouest quittaient, eux, la misère. Une étude d’envergure du réseau Reach (porté par le centre de recherches suisse Impact et l’ONG française Acted) vient battre en brèche ces « idées » reçues sur les raisons conduisant les mineurs africains à rejoindre le Vieux Continent. Alors que 93 % des 12 000 mineurs arrivés en Italie depuis l’Afrique au premier semestre 2017 ont voyagé seuls, l’étude publiée ce 27 juillet détaille leurs profils, motivations et expériences migratoires. Il en ressort trois conclusions majeures : les violences domestiques sont le premier facteur d’exil, ils ont souvent effectué un parcours migratoire décidé seul, et arrivent à une destination finale, l’Europe, pas forcément voulue au départ.

Idée reçue n° 1 : Ce sont les familles qui poussent les jeunes au départ. Faux.

D’après cette étude portant sur 720 d’entre eux, les mineurs africains qui ont utilisé la « route centrale méditerranéenne » depuis l’Afrique de l’Ouest, via la Libye, ont pris leur décision seuls, sans en informer leurs familles. Presque tous de sexe masculin et âgés de 16-17 ans, 75 % d’entre eux ont choisi de migrer « individuellement ». Dans 11 % des cas seulement, cette décision a été prise de manière concertée avec leur famille, « contrairement à ce que la littérature sur les migrations suggère », pointe l’étude.

Idée reçue n° 2 : Ils fuient pour des raisons économiques. Faux

Dans sept cas sur dix, leur départ est lié à des violences, conflits ou exploitations, dont les plus fréquents survenus « à la maison ». Les enfants gambiens invoquent ainsi les « violences domestiques » comme premier facteur d’exil (47 %) quand les Guinéens mentionnent des « persécutions politiques ou religieuses » (31 %). La crainte d’un mariage forcé est le motif avancé par deux filles sur cinq, souligne l’Unicef.

« Il y a beaucoup plus de raisons qui poussent les enfants à fuir leur pays que de raisons qui les attirent en Europe, ce qui est très loin du discours entendu ici », observe Sarah Crowe, porte-parole de l’Unicef partenaire de cette étude, interrogée par l’AFP.

Idée reçue n° 3 : Ils veulent directement venir en Europe. Faux

Autre surprise, moins de la moitié des adolescents interrogés en Italie (46 %) est « partie de chez eux dans le but de rejoindre l’Europe », note l’étude. La majorité avait choisi de vivre dans un pays voisin du leur (Mali, Sénégal, Burkina Faso...), et, surtout, de migrer en Afrique du Nord, en Algérie et principalement en Libye.

« L’Europe n’est pas vraiment la destination finale », analyse Giulia Serio, qui a mené les entretiens en Italie pour le réseau Reach, et se surprend de « l’attractivité de la Libye », vue comme un pays « d’opportunités professionnelles ». « Dans la plupart des cas, les mineurs n’étaient pas au courant de la situation de risque en Libye », qui a sombré dans le chaos depuis la chute du régime de Kadhafi en 2011, ajoute-t-elle à l’AFP.

Alors que 98 % d’entre eux y ont passé plus d’un mois, tous « ont uniformément parlé de leur séjour en Libye comme de l’étape la plus traumatisante de leur voyage », marquée notamment par des privations de nourriture, note le rapport. Ce sont 69 % des jeunes qui affirment être restés dans ce pays contre leur volonté, 46 % y avoir été kidnappés ou emprisonnés contre rançon, et 23 % arrêtés. « Les besoins psychologiques sont énormes pour ces jeunes dans les centres d’accueil après les tortures dont ils ont été victimes », note Mme Serio.

Leur parcours migratoire a duré en moyenne un an et deux mois, selon l’étude. Beaucoup ont travaillé en cours de route pour payer la suite de leur voyage.

Le cas particulier des « mineurs isolés »

Le rapport s’est également penché sur la situation des migrants mineurs isolés en Grèce, où 130 d’entre eux ont été interrogés. Venus de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan ou du Pakistan par « la route méditerranéenne orientale », via la Turquie, leurs parcours diffèrent de ceux des Africains.

Quatre-vingt-dix pour cent d’entre eux sont arrivés en famille en Europe, au terme d’un voyage qui, en moyenne, avait duré d’un à trois mois au printemps 2016. Les raisons migratoires invoquées sont très majoritairement « la guerre », un « conflit » ou des « raisons politiques ». Seuls 2 000 des quelque 20 000 mineurs actuellement recensés en Grèce sont isolés.

Dans leur cas, hors séparations intervenues en chemin, « il y a souvent une organisation familiale derrière ce voyage, vu comme une opportunité pour qu’un des enfants fasse des études quand ce n’est pas possible dans le pays d’origine », explique Vincent Annoni, coordinateur de Reach, interrogé par l’AFP. Un vœu « tristement » difficile à réaliser une fois sur place, regrette Sarah Crowe. »

Voir en ligne : http://afrique.lepoint.fr/actualite...