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A Bobigny, la difficile prise en charge des mineurs isolés

Publié le 15-09-2017

Source : www.la-croix.com

Auteur : Mégane De Amorim

« Dispositifs saturés, délais non tenus, coûts qui explosent… La prise en charge des mineurs non accompagnés sera au cœur d’une réunion qui se tient aujourd’hui au ministère de la justice.

En entrant dans cette petite pièce lumineuse, on pourrait se croire dans la salle d’attente d’un médecin. Mais l’atmosphère y est plus tendue, le silence plus pesant. Deux jeunes migrants attendent nerveusement leur entretien avec un agent qui devra estimer s’ils sont bien mineurs – et ont donc droit à la protection du département – ou non. Dans le pôle d’évaluation pour les mineurs isolés étrangers (Pemie) de Seine-Saint-Denis, géré par la Croix-Rouge, 960 mineurs ont déjà été accueillis depuis le début de l’année. C’est deux fois plus qu’il y a deux ans.

Alors les dossiers s’empilent sur le bureau des évaluateurs départementaux, les délais de traitement des demandes s’élèvent désormais à cinq semaines au lieu de cinq jours en théorie. « Il est pratiquement impossible de tenir ce délai au regard des flux », commente la direction de l’enfance et de la famille du département de Seine-Saint-Denis. Les évaluateurs ont toujours plus d’entretiens à mener alors que leur travail demande un temps incompressible d’après Mamadou (1), dont c’est le travail au centre de Bobigny depuis trois ans. « Certains jeunes ont subi des traumatismes et parlent difficilement de leurs trajets jusqu’ici. D’autres mentent et ont des discours incohérents qu’il faut décortiquer pour en identifier les failles », explique-t-il.

Ces entretiens doivent permettre de transmettre un avis sur la minorité du jeune à un magistrat, qui décidera à son tour d’accorder ou non une prise en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE). Une lourde responsabilité selon Mamadou, qui estime que « le risque, avec l’augmentation du nombre de jeunes qui arrivent, c’est d’aller vite, de louper des informations essentielles et de mal juger la situation ». En Seine-Saint-Denis, trois évaluateurs ont été recrutés pour faire face au flux croissant de mineurs étrangers.

Parmi ceux évalués par Mamadou, il y a Lassine (1). À 17 ans, ce jeune Ivoirien se souvient parfaitement de son entretien au cours duquel il a dû revenir longuement sur son parcours, et raconter ce qui l’avait poussé à rejoindre la France. « Mes parents voulaient que je parte pour faire de grandes études car ils ne pouvaient plus les payer là-bas et ils ont financé mon voyage. Quand je leur ai expliqué ce que j’avais vécu sur la route, ils ont été très surpris et se sont sentis coupables de m’avoir fait prendre autant de risques », raconte-t-il posément. Lui-même a été étonné de croiser en chemin de nombreux mineurs, « encore plus jeunes que moi, des tout-petits », dans le désert entre le Niger et la Libye.

L’arrivée massive de jeunes migrants a provoqué un phénomène de saturation qui ne s’arrête pas aux services départementaux mais touche à présent les magistrats. Raphaël Balland, procureur de la République de Gap (Hautes-Alpes), reconnaît qu’il est « face à une situation de crise » avec « l’explosion des arrivées de mineurs non accompagnés ». « Nous sommes trois magistrats à Gap pour gérer un nombre de plus en plus important de dossiers. J’y consacre des journées entières au détriment d’autres affaires », concède-t-il.

Les lieux d’accueil dont disposent les départements sont également saturés et de nombreux mineurs doivent être placés dans des hôtels, faute de place. À Bobigny, le département a acquis dans l’urgence 400 mètres carrés supplémentaires pour accueillir ces jeunes. Des opérations qui coûtent cher, alors que la pression financière qui pèse sur les départements est devenue « insoutenable » selon Stéphane Troussel, président du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis.

Le budget du département consacré aux mineurs non accompagnés a plus que doublé en deux ans, passant de 19 millions d’euros en 2015 à 42 en 2017. Pour Stéphane Troussel, « les mesures du gouvernement sur cette question se font attendre et cela ne peut plus durer ». Le président socialiste du département a promis qu’il ferait entendre ses doléances aujourd’hui en présence des ministres de la justice et de la santé, lors de la réunion du comité de suivi du dispositif de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation des mineurs. »

Voir en ligne : http://www.la-croix.com/Journal/A-B...